Les structures d’hospitalisation à domicile (HAD) interviennent pour des pathologies nécessitant des voies d’abord veineuses de longue durée. Renouveler la pose de cathlons de manière itérative peut être complexe. La pose de cathéters veineux périphériques (Midline) permet de sécuriser les soins et d’éviter de nouvelles hospitalisations (transport complexe et risque d’aggraver les pathologies par un séjour hospitalier). La pose de Midline à domicile peut permettre à ces patients de profiter de la technicité hospitalière sans déplacement.
Patients en HAD, des besoins spécifiques
Indications de l’HAD
Les structures d’HAD prennent en charge des patients pour des motifs variés, tels que l’administration de traitements intraveineux (anti-infectieux par exemple), les soins palliatifs, l’alimentation parentérale et les traitements antalgiques nécessitant des adaptations régulières avec l’usage de pompes autocontrôlées. Pour de nombreux patients, l’hospitalisation standard n’est pas nécessaire pour la mise en place du traitement, les HAD disposant de tous les médicaments de la réserve hospitalière. Pour les patients les plus âgés, le transport à l’hôpital est d’ailleurs une épreuve, avec des conséquences sur la morbidité.
Voie veineuse de longue durée, souvent indispensable
Les patients en HAD, dont le capital veineux est souvent pauvre, nécessitent pourtant la pose de voies d’abord vasculaire pour l’administration de leurs traitements.
Dans le cadre des soins palliatifs, certains patients sont accompagnés par une structure d’HAD. Conformément à la loi, ils ont la possibilité de demander une sédation profonde et continue en cas de symptômes non contrôlables. La voie veineuse est alors privilégiée pour les traitements à court délai d’action (midazolam, morphine, kétamine…) ; en effet, la voie sous-cutanée retarde l’action de ces produits de plusieurs dizaines de minutes. Or la sédation proportionnée en réponse à des symptômes aigus terminaux (dyspnée, hémorragie, asphyxie…) doit être rapide.
La pose de voie veineuse de longue durée peut également être nécessaire pour certains patients atteints d’infection exigeant des traitements antibiotiques intraveineux.
Les voies veineuses périphériques sont à renouveler toutes les 96 heures. Ce changement est quelquefois incertain à domicile et peut être douloureux pour le patient : en effet, les infirmiers libéraux exercent de manière solitaire, avec une contrainte horaire forte ; un échec de pose peut conduire à une nouvelle hospitalisation via le service des urgences.
Dispositif Midline : une solution ?
Le dispositif veineux Midline est une alternative pour les traitements d’une durée inférieure à quatre semaines. Ce cathéter long est posé sous échoguidage sur une veine basilique ou céphalique du bras, généralement lors d’une hospitalisation en court séjour. Le délai d’attente pour cette pose est variable mais peut atteindre une semaine, retardant d’autant le retour à domicile des patients.
Expérience de la pose de Midline en HAD
Au vu des difficultés des structures hospitalières locales à accueillir les patients pris en charge à domicile, notre structure d’HAD a envisagé la pose de Midline dès 2019. Les recommandations ne précisant pas de lieux de pose spécifiques, nous avons décidé de les proposer à domicile. Cependant, ce soin doit se faire dans des conditions d’asepsie rigoureuse : port de gants et de casaque stériles et désinfection en quatre temps.1
Une formation complémentaire en simulation a été dispensée à un membre de l’équipe de spécialité urgentiste, lui permettant de disposer des éléments essentiels à ce geste.
Sécuriser la pose
Les conditions hospitalières sont stéréotypées, tant au lit du malade qu’en salle de réveil. En revanche les domiciles sont toujours uniques, raison pour laquelle nous avons défini les conditions minimales permettant de limiter les risques septiques :
- présence d’un lit médicalisé ;
- disponibilité d’une table d’alité ;
- espace de circulation suffisamment large pour assurer une zone de stérilité.
Un échographe portable, un tabouret réglable et un repose-bras ont été acquis. Une caisse de transport a été aménagée comportant l’ensemble des consommables nécessaires à la pose de Midline.
Lorsque les conditions de sécurité au domicile ne sont pas réunies, la pose est envisagée dans les locaux de l’HAD : une salle de consultation y a été réservée et équipée d’un lit médicalisé et de deux tables d’alité ; elle permet de poser des Midline et sert également de réserve de matériel.
Protocole adapté au profil des patients
Les patients sont répartis en trois catégories :
- patients autonomes, sans lit médicalisé à domicile, pour lesquels la pose de Midline ne peut pas être effectuée à domicile. Ils sont adressés à la salle de consultation de l’HAD ;
- patients non autonomes disposant d’un lit médicalisé à domicile pour lesquels la pose de Midline peut se faire à domicile, si les conditions de propreté sont satisfaisantes ;
- patients résidant en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) pour lesquels la pose peut se faire dans la chambre.
En dehors de la salle de consultation, la variabilité des lieux de pose oblige à réinventer l’ergonomie à chaque geste.
Un acte réalisé majoritairement à domicile
Entre le 21 mars 2019 et le 1er janvier 2022, 104 poses ont été réalisées avec succès (fig. 1).
Deux tentatives supplémentaires ont été réalisées à domicile sans succès ; le premier échec a conduit à une hospitalisation pour absence de solution. Dans le second cas, une nouvelle tentative, le lendemain, s’est soldée par un succès. Parmi ces 104 Midline posés, 24 l’ont été à domicile, 27 en Ehpad et 49 en salle de consultation de l’HAD. De manière exceptionnelle, 5 ont été posés dans la chambre du patient hospitalisé avant sa sortie du service.
Au total, la moitié des actes ont été réalisés à domicile.
Surtout pour les soins palliatifs
Les soins palliatifs constituent l’indication majoritaire des poses de Midline à domicile. Ces patients sont plus dépendants, avec des difficultés de transport importantes. À l’inverse, l’indication de Midline pour traitements intraveineux (anti-infectieux notamment) concerne le plus souvent des patients autonomes (fig. 2 et tableau).
Infection et thrombose dominent les complications
La durée moyenne de maintien du dispositif est de 21 jours, avec des extrêmes allant de 0 à 183 jours. Dans ce dernier cas, le médecin traitant avait souhaité que le Midline reste en place pour la prise en charge d’une patiente de 90 ans. Le délai maximal précisé dans les recommandations est de 30 jours, mais la littérature décrit un cas extrême de 296 jours sans conséquences.2
Sur les 104 poses de Midline, 14 patients ont été perdus de vue, soit lors d’une hospitalisation pour une cause annexe, soit en raison de l’absence de réponse du prescripteur à nos demandes de retour d’information.
Onze complications ont été recensées, soit par infection, soit par thrombose veineuse ou thrombose du dispositif (fig. 3). Une seule infection locale précoce a été constatée. Les infections précoces – pouvant être attribuées à la pose – ont été distinguées des infections tardives. Un dispositif a été retiré 6 jours après sa pose pour infection du point de ponction. Un patient a été réhospitalisé le jour de la pose dès son retour à domicile pour choc septique. Enfin, 4 infections sont apparues après le quinzième jour.
Au total, 76 % des traitements ont été menés à terme ; 7,7 % des patients ont été perdus de vue ; 10,6 % des cathéters ont été retirés pour complications ; 5,8 % ont été arrachés (fig. 3).
Pose de Midline en HAD : un bénéfice avéré ?
La pose de Midline à domicile limite le transport des patients en HAD, ce qui est un vrai bénéfice.
Pour une antibiothérapie à domicile, la pose peut être réalisée dans une salle de consultation dédiée et dans des délais de 24 heures, ce qui simplifie la logistique.
Pour les soins palliatifs et les douleurs importantes, cette voie d’abord permet un soulagement plus rapide que la voie sous-cutanée. La pose à domicile est la seule possibilité pour les patients non transportables ou refusant l’hospitalisation. En comparaison à une hospitalisation classique, l’existence de ce dispositif a permis des accompagnements de fin de vie à domicile sans perte de qualité. Depuis la mise en place du protocole de pose de Midline à domicile par l’HAD, les médecins et infirmiers libéraux de notre secteur ont constaté une sécurisation des soins à domicile, limitant les hospitalisations itératives. Ainsi, la pose d’un Midline est régulièrement sollicitée pour le confort des patients.
Griffiths V, Midline catheters: indications, complications and maintenance. Nursing Standard 2007;22(11):48-57.