Le diagnostic de thrombose veineuse cérébrale (TVC) peut être complexe à établir en raison de l’étendue des signes cliniques associés, peu spécifiques, même si les céphalées prédominent. Ainsi, l’incidence évoquée de 5 à 10 cas par million d’habitants est probablement sous-évaluée.
L’évolution sous anticoagulant (même en cas d’hématome) étant généralement favorable, il est important de savoir comment les diagnostiquer ; l’imagerie joue un rôle majeur en la matière.
De multiples causes
Le spectre étiologique des TVC est large :
- infections locorégionales ;
- complications post-traumatiques (fractures des membres inférieurs datant de moins de 3 mois, immobilisation prolongée en plâtre ou attelle) ;
- perturbations hormonales (contraception, grossesse, post-partum) ;
- maladies auto-immunes et inflammatoires (entéropathies inflammatoires, maladie de Behçet, lupus systémique…) ;
- certains traitements médicamenteux (traitements hormonaux du cancer, chimiothérapies, antiangiogéniques) ;
- thrombophilies et troubles de l’hémostase ;
- pathologies néoplasiques (cancers, syndromes myéloprolifératifs, dysglobulinémie) ;
- intervention neurochirurgicale ou cathétérisme jugulaire.
Cependant, dans environ 25 % des cas, aucune cause n’est retrouvée.
Céphalées rapidement progressives
Les céphalées dominent le tableau clinique : elles sont intenses, rapidement progressives et peuvent être latéralisées du côté de la thrombose. Elles sont isolées dans 25 % des cas.
Il peut également exister des signes neurologiques focaux, parfois à bascule, et des crises d’épilepsie, traduisant généralement un retentissement parenchymateux (hématome, œdème cérébral).
Des troubles de la conscience sont possibles, et l’examen ophtalmologique peut montrer un œdème papillaire, traduisant une hypertension intracrânienne.
Un diagnostic radiologique
L’IRM est l’examen de choix pour le diagnostic radiologique de TVC.
Néanmoins, son accessibilité difficile contraint souvent à privilégier le scanner injecté en première intention.
Angiographie cérébrale, obsolète
Historiquement, l’angiographie cérébrale était l’examen de référence pour la recherche de TVC. En pratique, devant les possibles complications et l’amélioration des technologies non invasives, elle n’est quasiment plus réalisée.
Excellente sensibilité du scanner
Le scanner encéphalique injecté permet de rechercher à la fois la TVC et ses complications : l’augmentation de la pression veineuse peut provoquer une rupture de la barrière hémato-encéphalique, se traduisant par un œdème cérébral et/ou un hématome intra-axial.
La sensibilité du scanner est de 95 % pour la recherche du thrombus.
Sans et avec injection
Le scanner encéphalique doit être demandé sans injection et injecté au temps veineux.
Le temps sans injection permet d’identifier le thrombus sous la forme d’une hyperdensité spontanée au sein d’un sinus veineux encéphalique. La thrombose d’une veine corticale associée peut être visualisée sous la forme d’une ligne hyperdense (« signe de la corde »).
Le scanner non injecté permet également de rechercher un hématome intra-axial apparaissant sous la forme d’une hyperdensité spontanée intracérébrale cortico-sous-corticale ou un ramollissement veineux sous la forme d’un œdème hypodense cortico-sous-cortical [fig. 1]. Ces lésions ont également une valeur localisatrice car elles sont situées dans le territoire de la veine thrombosée.
La séquence injectée met quant à elle en évidence un défaut d’opacification segmentaire en regard du thrombus, associée à un rehaussement des parois veineuses, connu sous le nom de « signe du delta » (fig. 2).
Gare aux images trompeuses !
Les granulations de Pacchioni sont communes et ne doivent pas être confondues avec un thrombus. Elles sont généralement arrondies, bien délimitées et hypodenses sur le scanner sans injection.
L’hypoplasie d’un sinus latéral est fréquente (un tiers des cas) ; elle se traduit, sur le temps veineux, par un sinus aplati, voire filiforme, mais non thrombosé.
Chez les patients jeunes, le sang veineux apparaît généralement en discrète hyperdensité spontanée et ne doit pas être confondu avec une thrombose : la distinction est le plus souvent facile, car l’intégralité des sinus veineux est alors concernée.
Au temps veineux, la non-opacification d’un sinus veineux peut être due à une acquisition trop rapide, ne permettant pas la circulation du produit de contraste au niveau des veines encéphaliques. On observe alors un arrêt mal délimité du produit de contraste, peu franc, sans hyperdensité au scanner sans injection, qui peut être asymétrique.
En cas de doute sur le scanner et de forte suspicion clinique, l’examen peut être complété par une IRM.
IRM, examen de choix
L’IRM offre la meilleure solution pour la recherche du thrombus et la recherche des complications. Ses principales limites sont ses contre-indications et son accessibilité.
Plusieurs séquences vasculaires possibles
Le thrombus est visualisé en hypersignal T1, hypersignal T2 et hypersignal FLAIR et en hyposignal sur les séquences de susceptibilité magnétique (T2*, SWI, SWAN) [fig. 3].
Il existe plusieurs séquences vasculaires possibles :
- les séquences en TOF veineux et en contraste de phase ont l’avantage d’éviter l’injection de produit de contraste (en cas de contre-indication). Toutefois, ils sont plus sujets aux faux positifs en cas de ralentissement des flux ;
- les séquences T1 injectées (ARM veineuse, 3D T1 EG injecté) permettent, comme le scanner, de visualiser le thrombus associé à un signe du delta (fig. 4). La durée d’acquisition du 3D T1 EG permet de s’affranchir des problèmes liés à l’acquisition précoce du scanner.
Le ramollissement veineux est visible sous la forme d’un hypersignal FLAIR cortico-sous-cortical sans saignement associé.
L’hématome lobaire est visible, quant à lui, en T1, T2 et sur les séquences de susceptibilité magnétique (signal variant selon l’ancienneté de l’hématome).
Diagnostics différentiels et pièges à l’IRM
Les diagnostics différentiels sont les mêmes que ceux retrouvés au scanner : les granulations de Pacchioni et l’hypoplasie des sinus latéraux.
Dans le cas de l’IRM non injectée, un ralentissement du flux peut se traduire par un faux positif sous la forme d’un hypersignal T1 et une absence de visualisation des sinus à l’ARM non injectée (TOF veineux ou contraste de phase).
Cas particuliers : quel examen radiodiagnostique choisir ?
Grossesse
La grossesse fait partie des facteurs de risque de la TVC.
En cas de suspicion de thrombophlébite lors d’une grossesse, on privilégie l’IRM non injectée, avec séquences en ARM en temps de vol ou contraste de phase, à 1,5 T plutôt que 3 T si possible, notamment lors du premier trimestre. En cas de contre-indication à l’IRM et de forte suspicion de thrombophlébite cérébrale, le scanner injecté cérébral n’est pas formellement contre-indiqué chez la femme enceinte et peut permettre de poser le diagnostic. En effet, l’irradiation est limitée au crâne, restant à distance du fœtus ; il n’existe pas de risque démontré pour le fœtus de l’utilisation de produit de contraste iodé hydrosoluble, quel que soit le terme, et la surveillance thyroïdienne ultérieure n’est pas nécessaire (se référer au site du Centre de référence sur les agents tératogènes [https ://www.le-crat.fr/]). Il est obligatoire d’informer la patiente, tout en la rassurant sur l’absence de risque encouru par son enfant.
Allergie aux produits de contraste
En cas d’allergie aux produits de contraste iodés, une IRM peut être réalisée, sans ou avec injection de chélates de gadolinium. Pour rappel, l’allergie croisée entre chélates de gadolinium et produits de contraste iodés est rare, et l’allergie aux produits de contraste iodés ne contre-indique pas l’injection de chélates de gadolinium.
À l’inverse, en cas d’allergie aux chélates de gadolinium – ce qui est rare –, un scanner injecté peut être réalisé.
Contre-indications à l’IRM
En cas de contre-indication à l’IRM (claustrophobie, pacemaker, etc.), un scanner injecté peut être réalisé.
Que dire à vos patients ?
- Les céphalées sont souvent au premier plan de la clinique, mais représentent un symptôme très fréquent dans la population générale.
- Il est donc important d’avoir une anamnèse exhaustive : apparition brutale ou non, durée des céphalées, symptômes associés.
- Le tabac est un facteur favorisant, en particulier lorsqu’il est associé à une contraception orale estroprogestative chez la femme.
Dietemann JL. Neuro-imagerie diagnostique. Elsevier Masson, 2018
Meder JF. Neuro-imagerie pathologies de l’encéphale. Sauramps Médical, 2016.
Collège des enseignants de neurologie. https://www.cen-neurologie.fr/
https://radiopaedia.org
https://www.le-crat.fr/