L’hospitalisme et ses origines ont fait l’objet de publications dans la littérature médicale, en Angleterre et en Allemagne, au début du XXe siècle, puis aux États-Unis et en France. Ainsi, la lente reconnaissance des effets, sur la psychologie et le développement, du séjour prolongé de jeunes enfants en pouponnière s’est échelonnée du début du siècle dernier à nos jours. À Vienne, dans l’entre-deux-guerres, le concept a été reformulé par un groupe de psychologues et de psychanalystes s’intéressant au développement de l’enfant (apparition des premiers « baby tests » …). Aux États-Unis, les films de Spitz sur l’hospitalisme et la dépression anaclitique ont eu un grand retentissement. En Angleterre, John Bowlby et les Robertson ont observé les effets dévastateurs de la séparation précoce entre de jeunes enfants et leur famille, et montré la nécessité de respecter les besoins d’attachement. Leur film « John, neuf jours à la nurserie » a révolutionné l’attitude des hôpitaux et des professionnels vis-à-vis de la cette séparation. Dans les années 1970-80, la question de l’impact des facteurs relationnels dans le bien-être des jeunes enfants s’est déplacée sur celle des causes du retard de croissance, qu’il soit ou non organique, dans les pays développés, et aussi dans les pays en voie de développement. Reconnaître le rôle de l’attachement dans le développement a induit des changements de pratiques quant aux séjours prolongés de jeunes enfants en institution, à la présence des parents auprès de leurs enfants dans les services hospitaliers, et au suivi des enfants placés en famille d’accueil. En France, ces évolutions se sont installées plus tard qu’ailleurs. L’histoire de la reconnaissance de l’hospitalisme montre qu’aucune pouponnière ne remplace une famille. Cela accentue le besoin d’accompagnement, de supervision et d’indemnisation suffisante des familles d’accueil. Une vigilance particulière doit donc être maintenue pour former tous les acteurs de l’accueil, de la santé et de l’éducation dans ce domaine transversal de la médecine du jeune enfant.Antoine Guedeney, université de Paris ; CESP Inserm U 1178 « Développement et affect », Polyclinique Jenny-Aubry, Paris
11 mai 2021