En médecine, les lésions du visage sont identifiées par la zone anatomique formant le masque facial. Les progrès technologiques et l’art chirurgical permettent aujourd’hui de réaliser une allotransplantation de tissus composites (ATC) de cette partie du corps. Celle-ci est dissécable, réparable, mais elle revêt une dimension plus intime que le terme « visage » qui incarne l’aspect particulier et reconnaissable du sujet, ce qui l’identifie, porte son rapport à autrui et le met en relation avec le monde. À partir de notre expérience de psychiatre au sein d’un « trauma center » militaire, nous souhaitons mettre en perspective une clinique de la défiguration-« refiguration » qui nécessite de coconstruire avec le chirurgien les différentes étapes de la réparation, de la suture entre l’avant et l’après, en étant particulièrement attentif au moment crucial de la présentation du miroir par un spécialiste de la santé mentale. La défiguration est à envisager comme une triple amputation physique, psychique et morale. Il est alors impératif de penser le parcours de soins et de réhabilitation du lien à l’autre dans une approche globale et continue, en ne perdant pas de vue l’évolution de la position subjective de celui qui cherche à ne plus être dévisagé. Les enjeux médico-psychologiques se situent autant du côté du patient, de ses proches, du regard de la société, que de celui de l’équipe médicale pluridisciplinaire investie du pouvoir de redonner vie à l’image de soi, de « sourire quand même », devise de l’association des « Gueules cassées » créée il y a 100 ans pour venir en aide à des camarades atrocement défigurés au cours de la Première Guerre mondiale.

Marie-Dominique Colas, psychiatrie et psychologie clinique appliquées aux armées, École du Val-de-Grâce, Paris, France

21 juin 2022