Marquée par de nombreuses craintes sociales, économiques, énergétiques et sanitaires, 2022 fut une année difficile pour de nombreux Français. Pour les médecins – mais aussi pour les patients –, 2023 débute avec une situation inédite et angoissante : la pénurie de médicaments, en particulier d’antibiotiques et plus spécifiquement d’amoxicilline, molécule essentielle pour la pratique quotidienne. Face à cette pénurie, l’objectif est certainement d’optimiser les pratiques pour gérer au mieux cette situation.
La Direction générale de la santé (DGS) conseille donc aux pharmaciens de délivrer des antibiotiques en conditionnements adaptés à la durée du traitement, voire de prioriser leur dispensation à l’unité.1 Et l’ANSM a même publié une recommandation les autorisant à titre exceptionnel et temporaire à délivrer une préparation magistrale d'amoxicilline.2 Est-ce réalisable ? Y aura-t-il un impact ?
Pour les médecins, cette pénurie est une raison supplémentaire – outre la lutte contre l’antibiorésistance – d’être encore plus scrupuleux sur les ordonnances d’antibiotiques, c’est-à-dire adopter une prescription raisonnée. Celle-ci repose sur la dichotomie virus-bactérie. Si cette distinction semble facile « sur le papier », elle l’est souvent moins dans la vraie vie, face à la complexité des situations cliniques et à l’incertitude de la démarche diagnostique en premier recours. La pénurie oblige donc à avoir la meilleure analyse sémiologique tout en tenant compte du contexte, des risques, et en s’aidant si possible d’examens complémentaires ou de tests rapides d’orientation diagnostique (Trod).
Une recommandation de la Haute Autorité de santé (HAS) apporte aide et justification à cette prescription raisonnée en proposant les bonnes indications, les bonnes molécules, les bonnes posologies et les bonnes durées de traitement pour les pathologies bactériennes les plus fréquentes en pratique quotidienne.3
Mais la démarche thérapeutique se heurte souvent aux croyances et aux attentes des patients, avec un surinvestissement de l’action des antibiotiques sur les états fébriles. Pourtant, une étude de la Société française de médecine générale (SFMG) a montré que 94 % des parents acceptent que la rhinopharyngite de leur enfant soit traitée sans antibiotiques, à la condition que le médecin leur explique pourquoi.4 On voit donc l’importance d’une véritable éducation thérapeutique en face à face et du savoir dire non – posture à apprendre et à cultiver. Mais, face à un temps médical de plus en plus précieux, cette négociation essentielle peut être chronophage… Il faut regretter que ce temps d’information ne soit pas reconnu financièrement comme tel par les organismes sociaux et les décideurs politiques !
Si la pénurie d’antibiotiques est une raison supplémentaire pour renforcer leur prescription raisonnée, celle-ci ne doit pas être pour autant une perte de chance pour les patients ! Les antibiotiques restent obligatoires dans de nombreuses situations, comme le prouvent actuellement les infections invasives à streptocoque A !
1. Message DGS urgent du 23 décembre 2022. https://bit.ly/3WvGFaX
2. https://ansm.sante.fr/uploads/22/12/29/20221229-recommandations-amoxicilline-switch.pdf
3. HAS. Choix et durées d’antibiothérapie préconisées dans les infections bactériennes courantes. 15 juillet 2021. https://bit.ly/3WKwZJs
4. Communication orale présentée au 2e Congrès de recherche en médecine générale, 31 mars et 1er avril 2001, Biarritz (533) (2 avril 2001). https://bit.ly/3G0nMpv