Il est difficile de répondre à une telle question, mais l’implication de facteurs de risque –comme une blessure au genou – nécessite une prévention.
En France, on estime que près de 10 millions de personnes (17 % de la population générale) souffrent d’une forme d’arthrose. Cette pathologie constitue un véritable problème de santé publique puisque sa fréquence ne cesse d’augmenter. L’arthrose peut se déclarer à tout âge et même apparaître chez le jeune adulte dès l’âge de 20 ans. Il s’agit alors le plus souvent d’une arthrose cervicale, d’une arthrose du genou ou de la hanche liée à une pratique sportive de haut niveau (arts martiaux, football…). Ces cas sont généralement sévères, car les personnes atteintes sont plus actives et imposent davantage de contraintes mécaniques à leurs articulations que les sujets plus âgés.
Une pathologie liée à l’âge…
Pour autant, existe-t-il davantage d’arthrose chez le sujet jeune ? Il est difficile de répondre à cette question, et c’est tout l’intérêt d’en débattre ! En effet, aucune étude n’est en mesure de déclarer que l’incidence de l’arthrose augmente chez le sujet jeune. L’arthrose reste une pathologie liée à l’âge puisqu’il s’agit du facteur de risque le plus important. Dans l’étude NAHNES I, la prévalence de l’arthrose était inférieure à 0,1 % chez les sujets de 25 à 34 ans et atteignait 10 à 20 % de ceux âgés de 65 à 74 ans.1 La relation entre l’âge et le risque d’arthrose est multifactorielle et est probablement la conséquence de nombreux facteurs individuels comme le stress oxydatif, un amincissement du cartilage, une faiblesse musculaire et/ou une réduction de la proprioception. De plus, les mécanismes cellulaires qui maintiennent l’homéostasie tissulaire diminuent avec l’âge, ce qui entraîne une réponse inadéquate au stress ou aux lésions articulaires, favorisant ainsi la dégradation du tissu articulaire. Par ailleurs, nous utilisons souvent le terme « maladie dégénérative » pour définir le cadre nosologique des douleurs liées à l’arthrose. Ce terme a une valeur symbolique liée au vieillissement « cellulaire » et fait référence à une apparition ou une évolution jugée inéluctable de la maladie arthrosique. Or plus des trois quarts des individus ne développeront jamais une arthrose symptomatique de leurs genoux.2 L’arthrose ne doit donc plus être considérée comme une maladie dégénérative du cartilage, mais comme une « dégradation de l’ensemble de la structure articulaire », avec une composante inflammatoire importante.
… mais il existe d’autres facteurs de risque
L’âge est donc un facteur de risque de l’arthrose parmi d’autres et n’est pas nécessaire et/ou suffisant à lui seul pour induire une arthrose. Ainsi, l’arthrose n’est pas exclusivement réservée aux sujets de plus de 50 ans ! Il existe plusieurs autres facteurs qui prédisposent à l’arthrose, comme la génétique, l’obésité, les lésions articulaires, les activités professionnelles ou de loisirs (v. figure ). Les mécanismes physiopathogéniques au cours de l’arthrose aboutissant à la dégradation du cartilage et des tissus articulaires débutent bien avant l’apparition des symptômes cliniques et/ou radiographiques. Il est établi depuis longtemps que des changements radiologiques dus à l’arthrose sont déjà présents chez 10 à 20 % des sujets de moins de 40 ans.3
Composante génétique
Il existe plusieurs arguments en faveur d’une composante génétique dans la maladie arthrosique de survenue précoce. Les études épidémiologiques ainsi que les études de clusters familiaux et de jumeaux homozygotes ont montré que l’influence de facteurs génétiques, notamment impliqués dans la synthèse de la matrice extracellulaire, était de 39 à et 65 % dans l’arthrose radiographique de la main et du genou, et d’environ 60 % dans l’arthrose de la hanche et 70 % dans l'arthrose de la colonne vertébrale.4
Syndrome métabolique et obésité
Ce sont des facteurs associés à la survenue et à l’aggravation d’une gonarthrose, avec une forme volontiers plus douloureuse. Dans la population française adulte, près de 7 millions de personnes sont considérées comme obèses (soit 15 %). L’obésité entraîne une surcharge excessive sur l’articulation, une augmentation du taux de renouvellement du cartilage, une augmentation des produits de dégradation du collagène de type 2, un risque accru de lésions méniscales ainsi que des mécanismes inflammatoires via des cytokines du tissu adipeux (adipokines).
Impact des blessures
Une blessure grave, en particulier une fracture transarticulaire ou une lésion méniscale nécessitant une méniscectomie ou une lésion du ligament croisé antérieur, peut entraîner un risque accru d’arthrose de la hanche et/ou du genou.5 Pour la hanche, le classique conflit fémoro-acétabulaire est prédictif de la survenue d’une arthrose précoce. Concernant le genou, la survenue, par exemple, de lésions méniscales et/ou ligamentaires du ligament croisé antérieur chez les joueurs de football ou l’existence d’une instabilité chronique sont des facteurs de risque de gonarthrose avec un risque relatif d’arthrose du genou cinq fois plus élevé. Mais une méniscectomie chirurgicale constitue également un facteur de risque important. En plus des dommages directs causés par le traumatisme aux tissus locaux, la perturbation de la biomécanique normale et la modification de la répartition des charges au sein de l'articulation contribuent également à l’augmentation du risque d’arthrose (v. figure ).
Le sport, facteur aggravant ou protection ?
Les études portant sur la relation entre les activités sportives et l’arthrose sont controversées. Chez les enfants, la pratique d’une activité physique a des effets positifs sur le développement des structures articulaires et périarticulaires, en plus des effets généraux. Chez les adultes en bonne santé sans antécédents de troubles du genou, l’activité physique semble avoir un effet bénéfique sur le volume du cartilage articulaire du genou mesuré en imagerie par résonance magnétique.6 Concernant les dommages structuraux, l’activité physique n'est pas associée à des lésions structurales plus sévères sur la radiographie du genou ou à une augmentation de l’incidence radiographique de l’arthrose.7 Cependant, l’impact des activités professionnelles et de loisirs sur le développement de l’arthrose a été mis en évidence dans une étude réalisée en 2011, où l’on a constaté que les taux d’arthrose chez les militaires en service actif étaient beaucoup plus élevés que dans la population générale, ajustée à l’âge.8
De plus, certains auteurs ont montré une relation dose-réponse entre les activités professionnelles et la perte de volume du cartilage fémoro-tibial médial.9 Actuellement, les experts s’accordent sur le risque de blessures plus important lors d’une activité physique. Chez les jeunes et les sportifs, plus ils consacrent de temps à des activités professionnelles et de loisirs, plus ils sont prédisposés aux blessures, plus ils sont susceptibles de développer l’arthrose. Inversement, les activités physiques sont une solution thérapeutique reconnue en cas d’arthrose, voire probablement un outil préventif, grâce à son influence sur le poids corporel, ou la force musculaire. Ainsi, la pratique d’une activité physique régulière est recommandée individuellement, avec un programme précis et une intensité appropriée puisqu’elle n’est pas associée à la progression de l’arthrose.
De plus, certains auteurs ont montré une relation dose-réponse entre les activités professionnelles et la perte de volume du cartilage fémoro-tibial médial.9 Actuellement, les experts s’accordent sur le risque de blessures plus important lors d’une activité physique. Chez les jeunes et les sportifs, plus ils consacrent de temps à des activités professionnelles et de loisirs, plus ils sont prédisposés aux blessures, plus ils sont susceptibles de développer l’arthrose. Inversement, les activités physiques sont une solution thérapeutique reconnue en cas d’arthrose, voire probablement un outil préventif, grâce à son influence sur le poids corporel, ou la force musculaire. Ainsi, la pratique d’une activité physique régulière est recommandée individuellement, avec un programme précis et une intensité appropriée puisqu’elle n’est pas associée à la progression de l’arthrose.
Une prévention est possible
Comme le nombre de personnes atteintes d’arthrose augmente, la prévention de l’arthrose est importante et nécessaire, particulièrement chez le sujet jeune. L’arthrose a trois facteurs de risque importants (charge musculosquelettique excessive, indice de masse corporelle élevé, et antécédents de blessure du genou) pour lesquels la prévention peut être efficace. Les approches de prise en charge non chirurgicales pertinentes pour les jeunes patients comprennent l’éducation et le soutien, les programmes d’exercices et la gestion du poids. Il est également fondamental d’accentuer les efforts sur la prévention primaire des blessures chez les jeunes adultes sportifs de haut niveau ou amateurs, tout en valorisant la pratique d’une activité physique régulière dès le plus jeune âge.
Encadre
Messages essentiels
Des sujets jeunes sont touchés par l’arthrose.
Les blessures traumatiques articulaires surviennent plus fréquemment chez les adolescents et les jeunes adultes, et constituent un important facteur de risque pour le développement futur de l’arthrose.
Les programmes de prévention primaire des traumatismes et du surpoids sont prioritaires pour réduire l’incidence de l’arthrose du sujet jeune.
Références
1. Davis MA, Ettinger WH, Neuhaus JM, Mallon KP. Knee osteoarthritis and physical functioning: evidence from the NHANES I Epidemiologic Followup Study. J Rheumatol 1991;18:591-8.
2. Murphy L, Schwartz TA, Helmick CG, et al. Lifetime risk of symptomatic knee osteoarthritis. Arthritis Rheum 2008;59:1207-13.
3. Van Saase JL, van Romunde LK, Cats A, Vandenbroucke JP, Valkenburg HA. Epidemiology of osteoarthritis: Zoetermeer survey. Comparison of radiological osteoarthritis in a Dutch population with that in 10 other populations. Ann Rheum Dis 1989;48:271-80.
4. Spector TD, MacGregor AJ. Risk factors for osteoarthritis: genetics. Osteoarthr Cartil 2004;12(Suppl A):S39-44.
5. Gelber AC, Hochberg MC, Mead LA, Wang NY, Wigley FM, Klag MJ. Joint injury in young adults and risk for subsequent knee and hip osteoarthritis. Ann Intern Med 2000;133:321-8.
6. Racunica TL, Teichtahl AJ, Wang Y, et al. Effect of physical activity on articular knee joint structures in community-based adults. Arthritis Rheum 2007;57:1261-8.
7. Barbour KE, Hootman JM, Helmick CG, et al. Meeting physical activity guidelines and the risk of incident knee osteoarthritis: a population-based prospective cohort study. Arthritis Care Res (Hoboken) 2014;66:139-46.
8. Cameron KL, Hsiao MS, Owens BD, Burks R, Svoboda SJ. Incidence of physician-diagnosed osteoarthritis among active duty United States military service members. Arthritis Rheum 2011;63:2974-82.
9. Teichtahl AJ, Wang Y, Heritier S, et al. The interaction between physical activity and amount of baseline knee cartilage. Rheumatology (Oxford) 2016;55:1277-84.
2. Murphy L, Schwartz TA, Helmick CG, et al. Lifetime risk of symptomatic knee osteoarthritis. Arthritis Rheum 2008;59:1207-13.
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