Parmi les missions des médecins généralistes, l’information du patient sur les nombreuses possibilités de soulagement qui existent en fin de vie a une importance centrale, au regard notamment des débats actuels concernant l’euthanasie. Les pratiques sédatives figurent parmi les possibilités de l’arsenal thérapeutique en situation palliative. Leur but n’est pas de provoquer délibérément la mort mais d’apaiser le patient de souffrances vécues comme insupportables.
Droit au soulagement
Le patient en situation de maladie grave en phase avancée et en fin de vie a droit au soulagement (un droit réaffirmé par la loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016).1 À cet égard, le médecin a des devoirs :
– « En toutes circonstances, le médecin doit s’efforcer de soulager les souffrances du malade par des moyens appropriés à son état et l’assister moralement. Il doit s’abstenir de toute obstination déraisonnable et peut renoncer à entreprendre ou poursuivre des traitements qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou qui n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie » (article R.4127-37 du code de la santé publique).
– « Le médecin doit accompagner le mourant jusqu’à ses derniers moments, assurer par des soins et mesures appropriés la qualité d’une vie qui prend fin, sauvegarder la dignité du malade et réconforter son entourage. Il n’a pas le droit de provoquer délibérément la mort » (article R.4127-38 du code de la santé publique).
Les sédations sont des pratiques de dernier recours quand tous les moyens de soulager le patient ont échoué. Le but recherché est ainsi le soulagement du patient, et non son décès.
Pratiques sédatives : définitions et indications
Il s’agit de rechercher, par des moyens médicamenteux, une diminution de la vigilance pouvant aller jusqu’à la perte de conscience, afin de réduire ou de faire disparaître la perception d’une situation vécue comme insupportable par le patient, en l’absence d’alternatives thérapeutiques (souffrance réfractaire).2 Avant toute décision et prescription, l’évaluation d’une souffrance réfractaire, souvent globale, requiert une démarche partagée entre les soignants et le patient afin d’en analyser les causes (
En situation palliative, les pratiques sédatives diffèrent selon les situations
Souffrance réfractaire vécue comme insupportable par le patient
Confusion avec agitation, défaillance respiratoire, douleur rebelle et souffrance psychique sont les symptômes réfractaires les plus fréquents en fin de vie. Il s’agit de proposer au patient une sédation dite « proportionnée » à l’intensité des symptômes, dont la profondeur sera adaptée au soulagement du patient et qui peut être réversible en fonction de l’évolution clinique.
Détresse respiratoire asphyxique ou hémorragique
Une sédation profonde doit être instaurée ; elle peut être réversible en fonction de l’évolution (arrêt de l’hémorragie, de l’asphyxie, par exemple).
Soins douloureux
Une sédation d’emblée profonde mais intermittente peut être envisagée, sans négliger l’adaptation du traitement antalgique associé.
Lorsque la mort est imminente
Une sédation profonde continue peut être instaurée, maintenue jusqu’au décès naturel du patient (SPCMD) qui survient dans les heures ou les jours qui suivent. En France, la loi du 2 février 2016 prévoit des situations spécifiques pour appliquer cette sédation profonde et continue jusqu’au décès à la demande du patient :1
- s’il éprouve une souffrance réfractaire aux traitements alors qu’il est atteint d’une affection grave et incurable et que le pronostic vital est engagé à court terme ;
- si, atteint d’une affection grave et incurable, il décide d’arrêter un traitement et que cette décision engage son pronostic vital à court terme et est susceptible d’entraîner une souffrance insupportable. Par exemple, le patient souhaite un arrêt de son assistance respiratoire.
Enfin, une SPCMD peut être décidée chez un patient qui ne peut pas exprimer sa volonté : si, à l’issue d’une procédure collégiale obligatoire,3 le médecin arrête un traitement de maintien en vie au titre du refus de l’obstination déraisonnable, il met en œuvre une sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès sauf si le patient s’y est opposé dans ses directives anticipées.
Information des patients
Les temps de discussion avec le patient pour évoquer le parcours de soins jusqu’à la fin de vie sont à privilégier en amont (par exemple, au moment de nommer une personne de confiance ou lors de l’information sur la possibilité de rédiger des directives anticipées). L’évocation des possibilités de sédation est aussi possible quand l’évolution de la maladie fait craindre l’émergence d’un symptôme réfractaire (dyspnée, risque d’asphyxie). La discussion peut avoir lieu lors d’un épisode anxieux ou de façon anticipée (« Quelles seraient vos craintes quant à l’évolution de la maladie ? » ; « Y a-t-il quelque chose qui vous fasse particulièrement peur ? »…). Néanmoins, il ne s’agit pas d’imposer au patient une information sur la sédation ni de lui faire envisager une situation qu’il n’imagine pas, au risque de provoquer chez lui davantage d’angoisse.
Modalités pratiques
La mise en œuvre des pratiques sédatives a fait l’objet d’un guide publié par la Haute Autorité de santé (HAS).3 Une formation gratuite en ligne (1 heure) est également disponible sur le site de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs.5
Comment s’assurer que la souffrance est réfractaire et que le pronostic vital est engagé à court terme ?
• Selon le guide de la HAS,3 une souffrance est réfractaire si tous les moyens thérapeutiques et d’accompagnement disponibles et adaptés ont été proposés et/ou mis en œuvre sans obtenir le soulagement escompté par le patient, ou avec des effets indésirables inacceptables. Le caractère réfractaire nécessite une évaluation pluriprofessionnelle car la souffrance est globale, avec intrication des dimensions physiques, psychiques, sociales, familiales, existentielles et spirituelles.
• Concernant le pronostic vital engagé à court terme, le guide de la HAS précise que la SPCMD à la demande du patient n’est indiquée que lorsque la mort est proche afin d’éviter le risque d’agonie prolongée.
Des fiches repères sont disponibles sur le site de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP).4
1. Loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie. JORF n° 0028 du 3 février 2016.
2. Blanchet V, Viallard ML, Aubry R. Sédation en médecine palliative : recommandations chez l’adulte et spécificités au domicile et en gériatrie. Med Palliat 2010;9(2):59-70.
3. Haute Autorité de santé. Guide du parcours de soins. Comment mettre en œuvre une sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès ? Janvier 2020.
4. SFAP. Sédations. Mai 2017 [en ligne, consulté en mars 2022]. Disponible sur https://sfap.org/actualite/sedations
5. https://elearning.sfap.org/login/index.php