Certaines patientes atteintes de cancer du sein ou de l’ovaire sont orientées en oncogénétique (tableau 1). Au cours de la consultation, si une analyse génétique est nécessaire, une information complète est délivrée et un consentement signé. Sont explicités les objectifs et limites de l’analyse moléculaire ainsi que l’obligation d’informer les apparentés en cas de variant délétère identifié. En effet, ces personnes peuvent alors bénéficier de tests ciblés : lorsque le variant est présent, dépistage et prévention adaptés sont mis en place. Dans le cas contraire, l’apparenté est rassuré : son risque rejoint celui de la population générale.

Quels gènes sont impliqués ?

Une part des histoires familiales de ces cancers est liée à des facteurs génétiques de transmission autosomique dominante avec une pénétrance – risque tumoral – élevée. Très rarement, ces facteurs font partie d’un syndrome tel celui de Li-Fraumeni (gène TP53), de Cowden (PTEN), de Peutz-Jeghers (STK11) ou associant cancer gastrique diffus héréditaire et carci- nome lobulaire infiltrant du sein (CDH1).
Plus souvent sont identifiés des variants délétères des gènes BRCA1 et BRCA2. Moins de 5 % (1/20) des femmes atteintes d’un cancer du sein en sont porteuses au niveau constitutionnel (mis en évidence à partir de l’ADN extrait des globules blancs circulants). Dans la population générale européenne, au moins 1 personne sur 500, homme ou femme, est concernée. Le risque de cancer du sein cumulé à l’âge de 80 ans est de 72 % (IC à 95 % : 65-79 %) pour BRCA1 et de 69 % (IC à 95 % : 61-77 %) pour BRCA2.1
Les variants délétères de PALB2 (Partner and localizer of BRCA2), identifié plus récemment, sont 10 fois moins fréquents que ceux de BRCA1/2. Le niveau moyen de risque mammaire est proche de celui de BRCA2.2 Le risque associé de cancer de l’ovaire n’est pas pour l’instant connu.
En France, chaque année, environ 20 % des 4 500 nouveaux cancers de l’ovaire sont liés à une prédisposition génétique. BRCA1/2 sont impliqués mais aussi les 4 gènes du système de réparation des mésappariements de l’ADN (MLH1, MSH2, MSH6 et PMS2) responsables du syndrome de Lynch et, plus récemment décrits, les gènes RAD51C et D.2
Le risque cumulé de cancer de l’ovaire à 80 ans est estimé à 44 % pour BRCA1 (IC à 95 % : 36-53 %) et 17 % pour BRCA2 (IC à 95 % : 11-25 %),1 avec une prédominance de carcinome séreux de haut grade.
Contrairement aux variants délétères de BRCA, ceux des gènes RAD51C et D ne semblent pas associés à un surrisque de cancer du sein. En revanche, celui de cancer de l’ovaire est du même ordre que celui de BRCA2 : RR : 5,88 et risque cumulé à 80 ans : 9 %.2 Dans le syndrome de Lynch, le risque cumulé de cancer ovarien à 80 ans varie de 8 à 15 % selon le gène concerné.2
Le séquençage à très haut débit permet l’analyse conjointe et rapide de plusieurs gènes. Afin d’homogénéiser les pratiques au niveau national, le Groupe génétique et cancer (GGC)-Unicancer a défini un panel de 13 gènes d’utilité clinique (surrisque néoplasique avéré, prise en charge médicale et tests génétiques présymptomatiques pour les apparentés) à analyser devant tout contexte évocateur « sein/ovaire » : BRCA1, BRCA2, PALB2, TP53, CDH1, PTEN, RAD51C, RAD51D, MLH1, MSH2/EPCAM, MSH6, PMS2.
Un autre enjeu, commun à l’ensemble de ces gènes, est la caractérisation des variants de signification inconnue.
Aujourd’hui, les laboratoires en identifient autant que de variants délétères.3 Leur classification est particulièrement complexe.

Dépister et surveiller

En 2017, l’INCa a publié les modalités de dépistage et les stratégies de réduction de risque des femmes porteuses d’une mutation BRCA1/2.4 Points marquants :
– mise en avant de l’IRM mammaire à partir de 30 ans jusqu’à 65 ans couplée à une mammographie limitée à une incidence oblique externe par sein pour les femmes indemnes de cancer du sein (tableau 2) ;
– absence d’intérêt de l’échographie pelvienne endovaginale et du dosage de marqueurs tumoraux pour dépister le cancer de l’ovaire (ou des trompes). Corollaire : annexectomie bilatérale prophylactique à un âge variant selon le gène impliqué.
Sont également abordés contraception, fertilité et traitement hormonal substitutif de la ménopause (voir www.e-cancer.fr).
Concernant PALB2, suivi et prise en charge du risque mammaire sont identiques à ceux de BRCA1/2. Pour RAD51C et RAD51D, seule l’annexectomie bilatérale entre 45 et 50 ans est retenue. Le syndrome de Lynch et les autres prédispositions (gènes CDH1, PTEN ou TP53) ont leurs propres recommandations.
Les femmes indemnes de variant délétère mais qui restent à très haut risque de prédisposition en raison de leur histoire personnelle et/ou familiale doivent bénéficier d’une surveillance mammaire adaptée à leurs caractéristiques et à l’évaluation du risque familial (préconisations spécifiques de la HAS, 2014).
Dans toutes les régions, des réseaux de suivi des personnes à très haut risque contribuent à l’établissement d’un plan personnalisé validé en réunion de concertation pluridisciplinaire, proposant dépistage adapté et/ou chirurgie de réduction de risque selon les recommandations.
Le décret n° 2016-1185 a supprimé le ticket modérateur (ou tiers payant) pour le dépistage effectué en cas de risque important (variant délétère ou risque élevé ou très élevé de cancer du sein sans altération génétique identifiée).

Analyse génétique : un double intérêt

Les cellules cancéreuses mutées BRCA sur les 2 allèles sont déficientes pour la réparation de l’ADN par recombinaison homologue. Ainsi, traitées par inhibiteur de poly-(ADP-riboses) polymérases (PARP), elles ne peuvent réparer les cassures simple brin et double brin de leur ADN et évoluent vers la mort cellulaire.5 En mars 2015, un inhibiteur de PARP, l’olaparib (Lynparza), a obtenu l’AMM en France chez des femmes atteintes d’un carcinome séreux de haut grade de l’ovaire, des trompes ou du péritoine, en rechute et sensible aux sels de platine et ayant un variant délétère de BRCA1 ou BRCA2 d’origine constitutionnelle ou somatique (ou détecté au niveau constitutionnel ou tumoral).
Cette thérapie ciblée est en cours d’évaluation en traitement adjuvant du cancer de l’ovaire, mais aussi dans ceux du sein, de la prostate et du pancréas ayant une inactivation des gènes BRCA1 ou BRCA2.
Dans ces situations où existe un intérêt théranostique (diagnostique et thérapeutique), il faut orienter précocement vers une consultation d’oncogénétique.
Un circuit rapide a en effet été développé avec consultation d’oncogénétique et résultats de l’analyse génétique (constitutionnelle et tumorale) en 6 à 8 semaines. On peut s’attendre, si les indications de ces molécules s’élargissent, à ce que le dispositif actuel d’oncogénétique (voir www.ecancer.fr pour les coordonnées) ait à faire face à une augmentation importante des demandes de tests. Les professionnels (oncogénéticiens, conseillers en génétique, oncologues, anatomopathologistes, biologistes moléculaires) vont devoir se coordonner et s’organiser afin que le service médical rendu soit maximal pour les patients et leur famille.

Références

1. Kuchenbaecker KB, et al. Risks of Breast, Ovarian, and Contralateral Breast Cancer for BRCA1 and BRCA2 Mutation Carriers. JAMA 2017;317:2402-16.
2. Moretta Serra J, et al. Recommandations françaises du Groupe Génétique et Cancer pour l’analyse en panel de gènes dans les prédispositions héréditaires au cancer du sein ou de l’ovaire Bull Cancer 2018;105:907-17.
3. Béroud C, et al. BRCA Share: A collection of clinical BRCA Gene Variants. Hum Mutat 2016;37:1318-28.
4. INCa. Femmes porteuses d’une mutation de BRCA1 ou BRCA2 /Détection précoce du cancer du sein et des annexes et stratégies de réduction du risque. Avril 2017.
5. Pujade-Lauraine E, et al. Olaparib tablets as maintenance therapy in patients with platinum-sensitive, relapsed ovarian cancer and a BRCA1/2 mutation (SOLO2/ENGOT-Ov21) Lancet Oncol 2017;18:1274-84.

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essentiel

L’analyse d’un panel de 13 gènes est désormais recommandée devant toute suspicion de prédisposition aux cancers du sein ou de l’ovaire.

Les recommandations nationales de suivi en cas de variants délétères BRCA1/2 ont été mises à jour.

Disposer d’un inhibiteur de PARP amène à recommander, dès le diagnostic, une consultation de génétique à toute femme atteinte d’un cancer de l’ovaire de haut grade, quel que soit son âge.