Exposition aux UV artificiels, prise de bêtacarotène, polyphénols et autres compléments alimentaires… Induire artificiellement une pigmentation dans le but de « glisser » vers un phototype plus élevé, moins exposé aux risques liés aux UV, est une piste tentante, mais que montrent les dernières études ? Le point avec Jean-Claude Béani, professeur honoraire de dermatologie.

 

L’exposition aux UV artificiels pour acquérir un bronzage supposé protecteur est définitivement à bannir. Le risque cancérigène de l’utilisation des cabines à bronzer est, en effet, clairement démontré dans différentes méta-analyses, particulièrement pour le mélanome ; ainsi, d’après l’une de ces analyses, le risque de mélanome augmente de 20 % chez les utilisateurs réguliers de lampes à bronzer et double si cette utilisation se fait avant 35 ans.1 L’agence internationale pour la recherche sur le cancer considère ces dispositifs comme un cancérigène de groupe 1, à l’instar du tabac pour le cancer du poumon.

Des molécules antioxydantes (vitamines E, C, bêtacarotène) pourraient avoir un intérêt, l’un des mécanismes à l’origine des dommages cutanés solaires étant l’induction par les UV d’un stress oxydant. Malheureusement, les études cliniques montrent qu’une supplémentation orale ne procure pas de protection significative contre l’érythème solaire dans la vraie vie et que le bêtacarotène n’a pas d’effet préventif sur la survenue des cancers. Pire, la prise au long cours de ces produits pourrait être néfaste. Selon l’étude Suvimax, l’apport supplémentaire d’un cocktail de bêtacarotène, vitamine C et E, gluconate de zinc et sélénium, chez la femme, pendant 8 ans, augmentait le risque de cancers cutanés particulièrement de mélanome ; ce sur-risque disparaît 5 ans après l’arrêt de l’apport supplémentaire, renforçant le lien de causalité.2

Les analyses de cohorte avec le thé, le café, le chocolat, les extraits de tomates et autres polyphénols emportent peu la conviction d’une réelle efficacité sur un apport supplémentaire alimentaire ; les prises au long cours de nicotinamide, d’aspirine ou d’anti-inflammatoires non stéroïdiens en prévention des cancers cutanés doivent être mieux évaluées du point de vue de la balance bénéfice-risque.

Enfin l’étude, fort médiatisée, sur la prévention potentielle des cancers par une alimentation « bio » ne montre pas d’effets préventifs pour les cancers cutanés.3

Jean-Claude Béani, professeur honoraire de dermatologie ; 163, chemin Sainte Claire 38340 Voreppe, jeanclaudebeani@gmail.com.

Références :

1. Boniol M, Autier P, Boyle P et al. Cutaneous melanoma attributable to sunbed use: systematic review and meta-analysis.BMJ 2012;345:e4757.

2. Ezzedine K, Latreille J, Kesse-Guyot E et al. Incidence of skin cancers during 5-year follow-up after stopping antioxidant vitamins and mineral supplementation.Eur J Cancer 2010;46(18):3316-22.

3. Baudry J, Assmann KE, Touvier M et al. Association of Frequency of Organic Food Consumption With Cancer Risk: Findings From the NutriNet-Santé Prospective Cohort Study.JAMA Intern Med 2018 ;178(12):1597-606.