La délivrance de la PrEP – prescrite jusqu’à présent uniquement au sein des hôpitaux ou des Centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD) – a chuté dans l’année 2020, à cause de la fermeture de ces centres et de la surcharge des services hospitaliers dus à la crise sanitaire. Selon l’étude pharmaco-épidémiologique réalisée par Épi-Phare, les instaurations d’un traitement par PrEP et les délivrances du médicament ont respectivement diminué de 47 et de 36 % pendant le premier confinement ; 15 % des usagers n’auraient pas repris le traitement après ce confinement, d’après Santé publique France. Dans ce contexte, pour améliorer le recours à ce traitement et la prévention de l’infection par le VIH, la HAS a recommandé sa délivrance en médecine de ville, effective à compter du 1er juin 2021.
La PrEP, pour qui ?
La prophylaxie pré-exposition du VIH (Truvada et génériques : emtricitabine/ténofovir disoproxil 200 mg/245 mg) est l’utilisation à titre préventif de ces médicaments antirétroviraux chez une personne non infectée mais ayant un risque d’exposition au virus, notamment :
– hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) ;
– personnes transgenres, quelle que soit leur orientation sexuelle, rapportant des situations d’exposition au VIH présentes, passées ou futures ;
– hommes et femmes hétérosexuels dans des contextes de forte prévalence de l’infection par le VIH ou de fort risque d’exposition, à savoir :
. personnes ou partenaire(s) de personnes originaires de pays à forte endémie (en particulier l’Afrique subsaharienne, les Caraïbes et l’Amérique du Sud),
. partenaires multiples et/ou concomitants,
. sexe transactionnel ou travailleurs du sexe,
. partenaire de statut VIH inconnu ou perçu comme à risque d’acquisition du VIH,
. partenaire vivant avec le VIH avec une charge virale détectable ou inconnue (pas indiqué pour un couple stable lorsque le partenaire séropositif a une charge virale indétectable),
. femmes enceintes évoquant une exposition possible au VIH ou à des violences sexuelles,
. non utilisation du préservatif lors de rapports vaginaux ou anaux,
. marqueurs évoquant une exposition (autres IST, IVG…),
. antériorité ou dans les suites d’un traitement post-exposition (TPE) au VIH ;
– usagers de produits psycho-actifs injectables avec échanges de seringues, en particulier :
. partenaire sexuel ou d’injection de statut VIH inconnu ou perçu comme à risque d’infection,
. partenaire d’injection positif pour le VIH,
. partage du matériel d’injection.
Ces indications ne sont pas des critères de sélection, mais servent à guider la discussion avec le patient pour l’aider à prendre une décision éclairée sur l’utilisation du traitement. L’approche individualisée, tenant compte des expositions passées et futures, est nécessaire pour identifier les patients pour lesquels la PrEP est adaptée.
Quelles sont les contre-indications ?
– Séropositivité pour le VIH.
– Résultat de la sérologie VIH inconnu.
– Présence de signes ou symptômes faisant suspecter une primo-infection par le VIH.
– Insuffisance rénale avec clairance de la créatinine < 60 mL/min (pour le ténofovir disoproxil/emtricitabine).
– Hypersensibilité aux composants de la PrEP (ténofovir disoproxil, emtricitabine, ou aux excipients du produit).
Les situations suivantes ne constituent pas, en revanche, une contre-indication à la PrEP :
– porteurs chroniques du virus de l’hépatite B (mais uniquement en prise continue et après avis spécialisé, v. ci-dessous) ;
– femme enceinte et allaitante, dans le cadre d’un parcours de soin coordonné ;
– femme sous contraception hormonale.
Quels bilans avant la prescription ?
La PrEP ne doit pas être débutée sans consultation médicale préalable, compte tenu des risques associés à l’utilisation de ténofovir disoproxil/emtricitabine et de la nécessité de l’associer à des mesures d’accompagnement de la prescription.
Ainsi, elle peut être prescrite dès la première consultation mais ne doit être initiée qu’après analyse des résultats ; sinon, elle sera prescrite lors d’une deuxième consultation lorsque le patient reviendra avec ses résultats, et en l’absence de nouvelle exposition au VIH.
Avant d’initier le traitement, il faut réaliser :
– une sérologie VIH (test ELISA de 4e génération), fiable 6 semaines après la dernière exposition (les tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) et autotests ne sont pas recommandés) ;
– bilan rénal : estimation du débit de filtration glomérulaire par un dosage de la créatinine.
Les examens suivants peuvent être prescrits lors de la première consultation mais ne conditionnent pas l’initiation de la PrEP ; ils permettront de traiter une IST et d’initier ou d’effectuer un rattrapage vaccinal, le cas échéant (vaccination hépatite A chez les HSH, vaccination HPV, selon les recommandations) :
– sérologie hépatite B (antigène HBs, anticorps HBc, anticorps anti-HBs) : si les 3 marqueurs sont négatifs, une vaccination doit être proposée ; si une infection active par le VHB est détectée (antigène HBs+), le patient ne pourra bénéficier que du schéma continu de la PrEP, après avis spécialisé ;
– dépistages de l’infection par le virus de l’hépatite C (VHC), de l’hépatite A (VHA), de la syphilis, des infections à gonocoque et Chlamydia trachomatis par PCR (pharyngé, anal, urinaire ou vaginal), bêta-HCG chez les femmes, transaminases (ALAT).
Quelles modalités et schémas de prescription ?
La primo-prescription est réalisée pour 1 mois.
Les renouvellements de l’ordonnance sont réalisés pour une durée de 3 mois.
Les médicaments sont disponibles en génériques et pris en charge à 100 % par l’Assurance maladie. En l’absence d’ouverture des droits, la prise à charge financière peut être assurée par les CeGIDD.
Deux schémas d’administration sont possibles :
1. Schéma continu : 1 comprimé par jour, tous les jours, en mangeant. Il est validé pour tout patient ; il faut compter un délai de 7 jours de prise avant le premier rapport sexuel pour que la PrEP soit considérée comme efficace.
2. Schéma discontinu « à la demande » (hors AMM) ; validé uniquement chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, il peut être néanmoins proposé également en 2e intention aux hommes hétérosexuels si le schéma continu recommandé n’est pas accepté, mais il ne doit pas être utilisé chez les patients porteurs chroniques du VHB :
2 comprimés en une prise entre 2 h et 24 h avant le rapport sexuel à protéger, puis 1 comprimé 24 h (+/- 2 h) après la 1ère prise, suivi de 1 comprimé 24 h (+/- 2 h) après cette 2e prise ; en cas de rapports répétés, poursuivre avec 1 comprimé par jour jusqu’à 2 jours après le dernier rapport sexuel.
La prise concomitante et prolongée de la PrEP au ténofovir disoproxil/emtricitabine avec des médicaments néphrotoxiques tels que les AINS peut altérer la fonction rénale. Il n’y a pas d’interactions médicamenteuses de la PrEP avec les contraceptifs, les antidépresseurs, les substances psychoactives et l’alcool.
Quel suivi ?
Les consultations de suivi, et exceptionnellement la consultation initiale, peuvent être réalisées en téléconsultation en accord avec le patient et dans le cadre de la réglementation.
Les bilans à réaliser pour le suivi sont dans le tableau ci-contre.
Enfin, une offre de formation (FormaPrEP) a été développée pour guider les professionnels dans leur abord de la santé sexuelle et la prescription de la PrEP dans des conditions de sécurité optimales pour le patient. Elle est en libre accès (e-formation) et inscrite comme action du développement professionnel continu (DPC) : https ://www.formaprep.org/.
PrEP : une fiche pour la primo-prescription en MG
Afin d’accompagner les médecins généralistes dans la primo-prescription de la PrEP, le Collège de la médecine générale (CMG) a élaboré, en collaboration avec Santé publique France, une fiche synthétique. Indispensable pour la pratique !
Télécharger la fiche pratique du CMG ici.
Retrouvez également les réponses rapides élaborés par le Collège et la HAS pour accompagner les nouveaux prescripteurs à un bon usage de la PrEP.