En France, la prise de conscience des bienfaits de l’activité physique sur la santé s’est traduite par des évolutions dans le code de la santé publique en 2016 (loi n° 2016 - 41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, article 144) et en 2022 (loi n° 2022 - 296 du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France)avec les premiers textes de loi sur la possibilité de prescrire de l’activité physique adaptée (APA). Évidemment et heureusement, on avait commencé bien avant à la conseiller et à la prescrire – notamment les Grecs, dès l’Antiquité –, mais c’est le fruit de l’évolution depuis une cinquantaine d’années des connaissances sur le « sport-santé » (données de l’Organisation mondiale de la santé [OMS] et de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale [Inserm]) et le poids croissant de la sédentarité et des maladies associées qui y ont contribué. Le rôle fondamental de l’activité physique en tant que déterminant de santé en prévention (primaire, secondaire et tertiaire) et en thérapeutique est donc bien documenté, et sa prescription enfin reconnue.1 

Un outil existe aujourd’hui en France pour aider à cette prescription : il s’agit du Guide de promotion, consultation et prescription médicale d’activité physique et sportive pour la santé chez les adultes,publié en 2022 par laHaute Autorité de santé (HAS).2 

APA et sport-santé, de quoi parle-t-on ?

L’activité physique adaptée est différente d’une activité physique ordinaire. En effet, elle prend en compte les capacités physiologiques de la personne et son environnement. Elle a pour objectif d’améliorer et de maintenir la santé, tout en respectant les contraintes de la personne. Elle tient compte de la sévérité de la pathologie du patient, de ses capacités fonctionnelles et de sa motivation. Ses acteurs de terrain sont les professionnels paramédicaux, kinésithérapeutes en particulier, et les diplômés des sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS APA). 

Le sport-santé correspond à une activité physique qui utilise les disciplines sportives et leur adaptation via le maillage territorial des clubs et leurs éducateurs sportifs formés ainsi que les enseignants en STAPS APA investis dans les fédérations sportives. Le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) répertorie au moins 55 disciplines dans le dictionnaire Médico-Sport-Santé et y délivre des conseils et des informations validées.

Activité physique : des bénéfices bien documentés

Depuis 2011, la HAS reconnaît l’activité physique comme une « thérapeutique non médicamenteuse ».  En 2019, une expertise de l’Inserm concluait que ne pas prescrire une activité physique adaptée à un malade chronique stable était une perte de chance pour sa santé. L’APA fait partie intégrante du traitement de toutes les maladies chroniques, dont les cancers. Dans le diabète de type 2 débutant, l’hypertension artérielle ou la dépression légère à modérée, c’est par ailleurs le traitement de première intention, avant les médicaments.2 

Pour qui ?

Le public cible correspond à toute personne atteinte d’une affection de longue durée ou d’une maladie chronique, ou ayant des facteurs de risque, et les personnes en perte d’autonomie. Décidé en mars 2022, cet élargissement pourrait profiter à environ 20 millions de Français. Un décret datant du 31 mars 2023 fixe la liste des maladies chroniques, des facteurs de risque et des situations de perte d’autonomie ouvrant droit à la prescription d’activité physique adaptée.

La HAS parle de personnes incapables de pratiquer des activités physiques et sportives (APS) ordinaires en autonomie et en sécurité, et considérées comme physiquement « inactives ».

 Par qui ?

La prescription d’une APA est très encadrée tant sur la forme que sur le fond.

Concernant les prescripteurs, la parution d’un décret, le 30 décembre 2016, a autorisé les médecins traitants à prescrire l’APA à certains patients ; en 2022, l’ouverture de la prescription à tout médecin intervenant dans la prise en charge du patient a été obtenue. L’activité physique prescrite doit être adaptée à la pathologie, aux capacités physiques et aux risques médicaux du patient.

D’autres professionnels comme les masseurs-kinésithérapeutes (MK), dispensateurs de l’APA, ont à ce jour le droit de renouveler une ordonnance d’APA une fois, mais pas de la prescrire d’emblée. L’arrêté du 28 décembre 2023 fixant le modèle de formulaire de prescription d’une activité physique adaptée vient d’être publié. De nombreuses revendications existent actuellement pour permettre cette prescription initiale aux MK et aux infirmiers en pratique avancée (IPA). 

Les différents acteurs de ce parcours (médecins, pharmaciens, MK, psychomotriciens, enseignants en APA et éducateurs sportifs spécialisés) bénéficient de nombreuses formations dispensées par des personnes qualifiées, dans des conditions prévues par décret et organisées par les facultés de médecine : formation initiale mais également continue par le monde du sport, les syndicats médicaux et de pharmacie, les syndicats de kinésithérapeutes, etc.

Comment ?

Phase de repérage 

La phase de repérage correspond à l’évaluation du niveau d’activité physique du patient : sédentarité et niveau d’inactivité mesurés par des questionnaires, par exemple l’autoquestionnaire de Marshall qui permet de repérer rapidement, en deux questions, les patients inactifs (encadré 1). 

L’interrogatoire de repérage permet aussi de différencier le patient avec ou sans symptôme et avec ou sans facteurs de risque.

Le médecin prend donc connaissance de la situation de son patient, de ses antécédents et de son état de santé actuel afin de prodiguer les premiers conseils concernant l’activité physique : 

  • soit l’encourager directement à bouger si le patient est asymptomatique et simplement sédentaire dans sa vie personnelle et professionnelle ;
  • soit, s’il est symptomatique et/ou à risque, envisager le dispositif du « sport sur ordonnance » (encadré 2).
 

Dans ce dernier cas, le médecin doit réaliser une évaluation médicale minimale, voire plus poussée : mesurer le risque cardiovasculaire (score calcique et/ou aux scores clinico-biologiques recommandés tels que SCORE2 et SCORE2 -OP). et, si besoin, d’autres examens complémentaires (échographie de stress ou d’effort, IRM coronarienne, etc.) ; évaluer le risque de lésion de l’appareil locomoteur ; estimer le risque de malaise à l’effort…

Le parcours de prescription de l’APA est résumé dans l’encadré 3 et d’autres outils sont répertoriés dans l’encadré 4.

Incontournable entretien motivationnel

Après interrogatoire et bilan, si le patient est éligible à la prescription d’APA, le médecin recommande du « sport sur ordonnance » ou de l’APA. Il est primordial, au préalable, de déterminer la volonté du patient à intégrer une activité physique dans son quotidien. L’entretien motivationnel est une étape incontournable : il convient d’écouter activement le patient, d’identifier ses motivations profondes et ses éventuelles appréhensions. Le but est de l’aider à prendre conscience des bénéfices qu’il peut tirer de l’activité physique, tout en respectant ses limites. Le médecin et le patient décident ensemble de l’activité physique qui correspond le mieux à la condition et aux préférences du patient, tout en considérant les avantages spécifiques de l’activité choisie. Cet entretien est parfois délégué à des enseignants à part qui travaillent en coordination avec le médecin, préférentiellement dans des maisons sport-santé.

 Des activités physiques à privilégier ?

Les activités couramment recommandées sont la natation, la marche, la marche nordique, le vélo et le yoga. Cependant, beaucoup d’autres sports peuvent être pratiqués dans le cadre d’une adaptation, grâce au travail des fédérations sportives dont les offres sont adaptées et encadrées.

Le médecin comme le patient peuvent s’appuyer sur les informations disponibles sur le site internet des fédérations mais aussi répertoriées par le CNOSF dans une base de données avec des documents pédagogiques : le Médico-Sport Santé. Cette base liste, discipline par discipline, la description, les bénéfices, les risques, les modalités d’adaptation et les publics cibles. Aujourd’hui, plus de 55 fédérations sportives agréées disposent d’une version adaptée dite « sport-santé » (http ://bit.ly/48PyWLi).

Coordination entre le médecin, le patient et le professionnel du sport 

Le médecin rédige une ordonnance dédiée et le patient doit être adressé à un professionnel de l’APA (professionnel paramédical ou diplômé de STAPS) ; selon la sévérité, il peut être également orienté vers un éducateur sportif, souvent en milieu fédéral sportif. La coordination entre les médecins, les professionnels du sport et les patients peut s’avérer complexe. Il convient donc d’assurer un suivi régulier et adapté pour chaque patient, ce qui nécessite une bonne communication entre les différents acteurs qui accompagnent le patient.

Où pratiquer le sport sur ordonnance ?

Ces informations sont disponibles sur les sites internet des agence régionales de santé (ARS), sous un onglet nommé le plus souvent « sport-santé ». Les coordonnées des maisons sport-santé de chaque région y sont mentionnées. Les fédérations sportives et les comités départementaux olympiques et sportifs (CDOS) et les comités régionaux olympiques et sportifs (CROS) disposent des adresses de clubs et d’éducateurs sportifs. 

Les collectivités locales mettent aussi à disposition des listes de lieux et de clubs de pratiques adaptées.

Les maisons sport-santé, actuellement au nombre de 573, sont en cours d’évaluation et de labelisation pour 2024 sur l’ensemble du territoire, ce qui devrait renforcer le parcours de santé centré sur l’activité physique.

Encadre

1. Autoquestionnaire de Marshall pour repérer les patients inactifs

Date de passage du questionnaire :

Nom du patient :

Prénom du patient : 

Consignes 

Le patient remplit le questionnaire. Pour chaque question, il choisit une seule réponse. Il doit répondre à toutes les questions. 

Questions

A. Combien de fois par semaine faites-vous 20 minutes d’activité physique intense au point de transpirer ou de haleter ? 

Par exemple : jogging, port de charges lourdes, aérobic ou cyclisme à allure rapide 

  • plus de 3 fois par semaine (score = 4)
  • 1 ou 2 fois par semaine (score = 2)
  • jamais (score = 0)

B. Combien de fois par semaine faites-vous 30 minutes d’activité physique modérée, ou de la marche, qui augmentent votre fréquence cardiaque ou qui vous font respirer plus fort que normalement ?

Par exemple : tondre la pelouse, porter des charges légères, faire du vélo à allure modérée ou jouer au tennis en double 

  • plus de 5 fois par semaine (score = 4)
  • 3 ou 4 fois par semaine (score = 2)
  • 1 ou 2 fois par semaine (score = 1)
  • jamais (score = 0)

Lecture des résultats*

Additionner les scores obtenus à la question A et à la question B :

  • si  le score est supérieur ou égal à 4, le patient est considéré « suffisamment » actif : l’encourager à continuer
  • si score se situe entre 0 et 3, le patient est considéré « insuffisamment » actif : l’encourager à en faire plus
* Pour interpréter les résultats et aller plus loin, consulter la page  87 du livre « Les Fondamentaux du sport-santé : 80 outils pour mieux évaluer et accompagner vos pratiquants », Fédération française d’éducation physique et de gymnastique volontaire, éd. @mphora, 2014.D’après réf. 2. 
* Pour interpréter les résultats et aller plus loin, consulter la page  87 du livre « Les Fondamentaux du sport-santé : 80 outils pour mieux évaluer et accompagner vos pratiquants », Fédération française d’éducation physique et de gymnastique volontaire, éd. @mphora, 2014.
Encadre

2. Conseils pour rédiger une ordonnance d’APA

L’ordonnance de prescription d’activité physique adaptée doit :

  • porter une mention de type « Je vous prescris de l’activité physique adaptée à votre état de santé », accompagnée d’éventuelles limitations physiques et adaptations à faire lors de l’activité (par exemple : pas de saut ou pas d’accélération) ;
  • préciser le nombre de séances hebdomadaires conseillé, en général deux ou trois séances de 30 à 60 minutes par semaine ;
  • mentionner l’intensité recommandée, de légère à modérée (sous le seuil d’essoufflement) ;
  • spécifier les types d’exercices ; l’APA associe de l’endurance (cardio), du renforcement musculaire et des exercices d’équilibre ou des assouplissements ;
  • indiquer la durée de la prescription : « Au moins trois mois, renouvelable jusqu’à autonomie du patient » ;
  • notifier, si possible, les coordonnées d’une structure de coordination du dispositif sport-santé à proximité du domicile du patient.
Encadre

3. Le parcours de prescription de l’APA

Selon la Haute Autorité de santé, le parcours doit se dérouler en plusieurs étapes :

  • repérage en population générale ou en patientèle des personnes à risque pouvant relever d’un avis médical avant de débuter ou d’augmenter une activité physique (AP). On pratique une évaluation du niveau habituel d’AP du patient et de sa sédentarité, déterminée grâce à l’autoquestionnaire GPAQ, disponible en ligne sur www.mangerbouger.fr, ou grâce à l’autoquestionnaire Marshall ;
  • évaluation médicale minimale, si le patient relève d’un avis médical avant de débuter ou d’augmenter une AP ;
  • consultation médicale d’activité physique complétant l’évaluation médicale minimale, avec, si indiqué, la réalisation d’examens complémentaires selon le niveau de risque cardiovasculaire et de l’appareil locomoteur ou métabolique du patient. Il est nécessaire d’effectuer une estimation des risques associés à la pratique d’une AP, incluant contre-indications et limitations, ainsi que d’autres risques liés à des facteurs tels que la pathologie spécifique du patient, les traitements médicamenteux, un âge avancé, une grossesse, une situation de handicap, et le type d’AP ;
  • prescription médicale d’AP selon les quatre niveaux d’intervention et selon le niveau habituel d’AP (actif ou inactif), précisant fréquence, régularité, progressivité et intensité de l’AP envisagée ; le choix de l’activité, après une estimation de la motivation du patient pour un programme d’APA ou une AP est fait en collaboration ; de même, des conseils sont dispensés pour adopter un mode de vie plus actif et moins sédentaire ;
  • suivi médical après prescription d’AP (rendez-vous périodiques planifiés pour discuter des progrès et ajuster la prescription si nécessaire) ;
  • dispensation de l’AP et son suivi par des intervenants spécialisés dans le cadre d’un parcours de santé pluriprofessionnel structuré.
D’après réf. 2. 
D’après réf. 2. 
Encadre

4. Outils d’aide à la prescription de l’APA 

Outils d’aide au diagnostic et à la prescription : 

Pour en savoir plus

Synthèse de l’Inserm sur l’activité physique (2019) : https ://tinyurl.com/4e8m92zb 

Depiesse F, Coste O. Prescription des activités physiques en prévention et en thérapeutique (2e édition). Elsevier Masson. 2016 

Delamarche P, Carré F. Activités physiques adaptées et pathologies chroniques. Prévention, prescription, prise en charge. Elsevier Masson, 2021.

Encadre

Que dire à vos patients ?

Les patients symptomatiques ayant une pathologie chronique et/ou en perte d’autonomie doivent pouvoir bénéficier d’une APA ; le rationnel scientifique est solide et ne cesse de se renforcer. La prescription d’une APA, en fonction de la pathologie, peut considérablement améliorer le bien-être et la qualité de vie. 

Tous les patients asymptomatiques, actifs ou inactifs, peuvent commencer une activité physique d’intensité légère, comme la marche, sans consulter un médecin.

Références
1. Depiesse F, Coste O. Prescription des activités physiques en prévention et en thérapeutique (2e édition). Elsevier Masson. 2016.
2. HAS. Guide d'activité physique adaptée. Annexes. 2018. https://bit.ly/3vIhGZr 
3. Inserm. Activité physique. Prévention et traitement des maladies chroniques. Expertise collective. Synthèse et recommandations. 2019. 

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essentiel

Les médecins généralistes sont autorisés à prescrire l’APA depuis 2016, et pour tout médecin depuis 2022. Une telle prescription doit être adaptée à la pathologie, aux capacités physiques et aux risques médicaux du patient.

Une consultation pour prescription d’APA doit inclure au minimum une information sur l’alimentation équilibrée et le sommeil et une aide à lutter contre le tabagisme.

La prescription de l’activité physique adaptée résulte nécessairement d’une approche individualisée, encadrée et collaborative, pour garantir les meilleurs résultats possibles aux patients.