Objectifs
Connaître la définition et les principales classes de psychotropes.
Connaître les modalités de prescription et de surveillance d’un médicament appartenant aux principales classes de psychotropes.

Antidépresseurs 

La classe des antidépresseurs regroupe des molécules ayant une efficacité dans le traitement de la dépression et du trouble anxieux. Cinq classes d’antidépresseurs ont été définies (tableau 1) : les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS), les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNA), les antidépresseurs tricycliques ou imipraminiques, les inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO) et les antidépresseurs « atypiques » ou « autres antidépresseurs ». L’hypothèse du mécanisme d’action des différentes classes est celle d’une interaction avec les différents systèmes monoaminergiques impliqués dans la physiopathologie de la dépression, mais aussi des troubles anxieux (principalement sérotonine, noradrénaline et dopamine). Les mécanismes synaptiques diffèrent selon les classes (notamment inhibition de la recapture synaptique des monoamines, inhibition des systèmes enzymatiques de dégradation…).

Quand prescrire un antidépresseur ?

Indications 

Les antidépresseurs sont principalement indiqués dans deux troubles : les troubles de l’humeur et les troubles anxieux.
En cas de trouble de l’humeur, ils sont utilisés en tant que traitement d’initiation et de consolidation pour les épisodes dépressifs caractérisés et en tant que traitement de maintenance dans le cas d’un trouble dépressif récurrent, afin de prévenir les récidives.
Certaines classes d’antidépresseurs sont indiquées en cas de trouble anxieux généralisé, de trouble panique, de trouble phobique et de trouble du stress post-traumatique. Certaines classes sont également indiquées en cas de trouble obsessionnel compulsif (TOC).
Il existe d’autres indications aux antidépresseurs : certains troubles du sommeil (énurésie, narcolepsie), douleurs neuropathiques (tricycliques, IRSNA), céphalées rebelles et migraines (imipraminiques, IMAO).
 

Contre-indications et interactions médicamenteuses 

Les principales contre-indications de chaque classe d’antidépresseurs sont résumées dans le tableau 1.
Aucun autre antidépresseur ne doit être associé aux IMAO (contre-indication absolue du fait du risque important de syndrome sérotoninergique).
L’hypersensibilité connue à une molécule contre-­indique automatiquement celle-ci.
La grossesse est une contre-indication relative : certaines molécules sont utilisables en fonction du rapport bénéfice-risque, avec, en première intention, les ISRS, les IRSNA et les antidépresseurs « atypiques ».
Ces trois classes ont globalement peu de contre-­indications hormis celles citées ci-dessus. Leur posologie doit être adaptée en cas d’insuffisance rénale et hépatique. Certains ISRS (citalopram et escitalopram) doivent être utilisés avec précaution en cas d’anomalies de l’électrocardiogramme favorisant les torsades de pointes du fait du risque dose-dépendant d’allongement de l’espace QT. L’agomélatine est contre-indiquée de façon abso­lue en cas d’insuffisance hépatique.
Les tricycliques et les IMAO possèdent davantage de contre-indications, notamment sur le plan cardiovasculaire (tableau 1). Le régime alimentaire doit être adapté en cas de traitement par IMAO (tableau 1).

Comment prescrire ?

Choix de la molécule

En raison de leur meilleur profil de tolérance, les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine sont indiqués en première et deuxième intentions dans le traitement de la dépression et des troubles anxieux. La prescription d’un tricyclique ou d’un IMAO ne se fait qu’en troisième ou quatrième intention.
Le choix de la molécule est effectué en fonction de l’autorisation de mise sur le marché (AMM), de l’indication (épisode dépressif ou trouble anxieux) et des préférences du patient.
 

Bilan préthérapeutique 

Le bilan préthérapeutique s’attache à rechercher des contre-indications en fonction de la molécule choisie et comprend donc systématiquement un examen clinique (interrogatoire et examen physique).
Pour les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine et les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline, aucun bilan paraclinique n’est nécessaire du fait d’une bonne tolérance, hormis un électrocardiogramme (ECG) pour le citalopram et l’escitalopram en cas d’anomalies préexistantes ou de facteurs de risque de torsades de pointes.
Pour les imipraminiques et les inhibiteurs de la monoamine oxydase, le bilan paraclinique comprend : un ECG, un bilan rénal et hépatique et un électroencéphalogramme (EEG) en cas d’antécédents d’épilepsie. Un bilan ophtalmologique est réalisé s’il existe un risque de glaucome à angle fermé.
Pour l’agomélatine, le bilan hépatique est obligatoire en préthérapeutique.
 

Éducation et information du patient

Comme pour toute prescription médicamenteuse, le patient doit être informé des bénéfices attendus du traitement et de ses potentiels effets indésirables ainsi que de la durée prévue du traitement. Le délai d’action avant l’effet antidépresseur est précisé ainsi que la nécessité de la prise quotidienne du traitement. Le patient doit être prévenu du risque d’effets indésirables en cas d’arrêt brutal du traitement.
 

Initiation

L’initiation de l’antidépresseur s’effectue en mono­thérapie, par voie orale, avec augmentation des doses jusqu’à une posologie efficace. Dans le cas des troubles anxieux, le traitement doit être débuté à plus faible dose que durant un épisode dépressif caractérisé. Certains troubles anxieux (TOC) nécessitent, à terme, des posologies plus importantes que pour la dépression. Chez le sujet âgé, la posologie initiale doit être plus faible (diminution de moitié par rapport à un adulte) et l’augmentation plus progressive.
 

Traitement de maintien

Le traitement de maintien conserve la molécule et la posologie ayant permis la rémission. La monothérapie est toujours privilégiée.
 

Durée 

La durée du traitement antidépresseur est d’au moins six à huit mois après l’obtention de la rémission complète de l’épisode dépressif. Pour les patients souffrant d’un trouble dépressif récurrent ou d’un trouble anxieux, la durée est plus longue (au moins deux ans pour un trouble dépressif récurrent).
 

Arrêt du traitement

L’arrêt du traitement doit s’effectuer progressivement, par paliers successifs sur plusieurs semaines, voire plusieurs mois, afin d’évaluer le maintien de la stabilité clinique et d’éviter un syndrome d’interruption du traitement. Les principales manifestations d’un arrêt brutal associent anxiété, irritabilité, troubles du sommeil, vertiges et troubles de l’équilibre.
Après plusieurs épisodes dépressifs caractérisés, le risque principal est celui de la récidive, qui augmente avec le nombre d’épisodes antérieurs.

Comment surveiller un traitement antidépresseur ?

Efficacité 

Le délai d’action d’un antidépresseur est compris entre deux et quatre semaines, toutes classes confondues. Il n’est donc pas possible de conclure à l’inefficacité d’un traitement avant ce délai. À l’inverse, une réponse trop rapide doit faire évoquer un virage maniaque (donc un potentiel trouble bipolaire) et faire l’objet d’une surveillance étroite. L’évaluation de l’efficacité se fait sur la régression des symptômes initiaux et des cibles thérapeutiques identifiées. Une attention particulière doit être portée au risque suicidaire.
 

Tolérance

La surveillance de la tolérance comporte deux points principaux : la survenue d’un virage maniaque et le risque suicidaire, en plus de la recherche des potentiels effets indésirables liés directement à l’action pharmacologique. L’aggravation des idées suicidaires et une majoration de l’anxiété sont possibles dès l’initiation du traitement, en particulier chez les sujets de moins de 24 ans. Ces deux points doivent donc être surveillés régulièrement.
Les principaux effets indésirables des traitements antidépresseurs sont souvent précoces, bénins et transitoires (troubles digestifs, tremblements...). Les troubles sexuels sont plus tardifs et peuvent persister dans le temps. Le poids doit être surveillé. La surveillance à l’ECG de l’intervalle QT s’impose pour certaines molécules.
Chez les personnes âgées, une attention particulière doit être portée aux troubles de l’équilibre et au risque d’hyponatrémie.
Enfin, une vigilance accrue est recommandée vis-à-vis d’un effet indésirable rare mais grave : le syndrome sérotoninergique (tableau 2).

Thymorégulateurs 

Le terme thymorégulateur regroupe les molécules qui diminuent la durée, la fréquence et l’intensité d’un épisode thymique en cas de trouble bipolaire. Elles jouent également un rôle dans la prévention de la survenue de ces épisodes.
On distingue trois groupes de thymorégulateurs :
  • le lithium ;
  • certains anticonvulsivants (divalproate de sodium, valpromide, carbamazépine, lamotrigine) ;
  • certains antipsychotiques de seconde génération (quétiapine, olanzapine, aripiprazole).
Le maniement des antipsychotiques est abordé dans le chapitre dédié.

Quand prescrire un thymorégulateur ?

Indications 

L’indication principale des thymorégulateurs est le traitement du trouble bipolaire.
Ils s’utilisent de manière curative au cours d’un épisode maniaque ou dépressif et de manière préventive entre les épisodes. Ils sont également utilisés en prévention de la récidive dans les troubles schizo-affectifs.
 

Contre-indications et interactions médicamenteuses 

Les contre-indications et interactions médicamenteuses de chaque molécule sont précisées dans le tableau 3. Une vigilance accrue doit être portée aux fonctions rénale, cardiovasculaire et thyroïdienne pour le lithium ainsi qu'à l’association à certains médicaments d’usage courant (anti-inflammatoires non stéroïdiens [AINS], corticoïdes, diurétiques…). L’association aux antidépresseurs ou aux antipsychotiques augmente respectivement le risque de syndrome sérotoninergique et de syndrome malin des neuroleptiques.
Les antiépileptiques ont des contre-indications hépatiques (valpromide, carbamazépine), cardio­logiques (carbamazépine) et dermatologiques (lamotrigine, carbamazépine) et surtout de nombreuses ­interactions médicamenteuses, qui doivent systématiquement être recherchées.
Le valpromide et le divalproate de sodium présentent des risques tératogènes importants. Ils sont contre-­indiqués au cours de la grossesse et chez toute femme en âge de procréer.
Le lithium peut être utilisé en cas de grossesse après analyse de la balance bénéfice-risque. La grossesse doit être étroitement surveillée, notamment au premier trimestre.

Comment prescrire ?

Galénique

Le lithium et les anticonvulsivants s’administrent par voie orale uniquement. Le lithium existe sous deux formes : à libération immédiate (LI) et à libération prolongée (LP).
 

Information et éducation 

Le patient doit être informé des bénéfices attendus du traitement instauré, ainsi que de ses potentiels effets indésirables. Il doit être prévenu de l’importance de l’observance pour éviter les rechutes et les récidives.
Les femmes en âge de procréer doivent recevoir une information sur la tératogénicité selon la molécule et la nécessité de l’encadrement d’une éventuelle grossesse.
 

Bilan préthérapeutique

Un bilan préthérapeutique clinique est indispensable, à la recherche de contre-indications et d’interactions médicamenteuses. Un bilan paraclinique spécifique s’ajoute selon la molécule (tableau 3) avec, en particulier, un bilan rénal et thyroïdien pour le lithium, un bilan hépatique pour les anticonvulsivants et le dosage de βhCG chez les femmes en âge de procréer.

Comment surveiller un traitement thymorégulateur ? 

Efficacité 

L’évaluation de l’efficacité d’un traitement thymorégulateur s’attache à rechercher des signes d’amélioration ou d’aggravation de la symptomatologie initiale en cas de traitement curatif d’un épisode thymique et des signes de rechute ou de récidive en cas de traitement d’entretien.
 

Tolérance 

Les principaux effets indésirables sont résumés dans le tableau 3.
 

Toxicité

Toute prescription de lithium doit faire l’objet d’une surveillance biologique régulière et de recherche de signes de surdosage (tableau 4).
Une intoxication massive aux anticonvulsivants aboutit à un coma calme, avec hypotonie musculaire, hyporéflexie, myosis, diminution de l’autonomie ventilatoire, acidose métabolique, hypotension et choc cardiovasculaire.

Antipsychotiques

Les antipsychotiques sont les molécules indiquées dans le traitement des troubles psychotiques. Certains d’entre eux sont également thymorégulateurs (indication dans le trouble bipolaire et le trouble schizo-affectif). Ils partagent le même mécanisme d’action principal : l’antagonisme des récepteurs dopaminergiques D2. On distingue deux grandes classes d’antipsychotiques : les antipsychotiques typiques (ou de première génération) et les antipsychotiques atypiques (ou de seconde génération).

Quand prescrire un antipsychotique ?

Indications 

L’indication principale des antipsychotiques est le traitement des psychoses chroniques : schizophrénie, trouble schizo-affectif et trouble délirant persistant. Certains antipsychotiques sont indiqués dans le traitement des phases maniaques et/ou dépressives du trouble bipolaire.
Les autres indications sont le traitement symptomatique de courte durée de l’anxiété (si échec des thérapeutiques habituelles), les symptômes psycho-comportementaux de la démence et les états d’agitation psychomotrice.
 

Contre-indications et interactions médicamenteuses 

Les contre-indications des antipsychotiques sont résumées dans le tableau 5. Seuls une hypersensibilité connue ou un antécédent de syndrome malin des neuroleptiques contre-indiquent de manière absolue une molécule donnée. Les contre-indications relatives impliquent une surveillance étroite et/ou une adaptation posologique. Des précautions d’emploi sont également nécessaires en cas d’insuffisance cardiaque, respiratoire, hépatique ou rénale et de grossesse ou d’allaitement. Un allongement de l’intervalle QT doit motiver un avis cardiologique avant toute prescription et une surveillance étroite.
Les interactions médicamenteuses, nombreuses, sont d’origine pharmacocinétique (modification de l’absorption ou du métabolisme par un inducteur ou un inhibiteur enzymatique) et pharmacodynamique (synergie des effets anticholinergiques, notamment sédation et hypotension).

Comment prescrire un antipsychotique ?

Choix de la molécule 

En première intention, il est recommandé de choisir un antipsychotique de deuxième génération. La molécule est choisie selon l’indication, l’objectif thérapeutique, les antécédents (à la recherche de contre-indications mais également d’un traitement antérieur ayant été efficace), les interactions médicamenteuses et les préférences du patient. À efficacité égale, la molécule présentant le moins d’effets indésirables doit être privilégiée.
 

Information et éducation

La plupart des indications des antipsychotiques étant des pathologies chroniques, l’information et l’éducation du patient concernant le traitement sont un élément clé de la prise en charge. Elle doit s’attacher à présenter les bénéfices attendus du traitement et les potentiels effets indésirables. Les modalités de prise du traitement doivent être expliquées et le patient doit être informé des risques d’un arrêt brutal.
 

Bilan préthérapeutique

Le bilan préthérapeutique est résumé dans le tableau 6. Il permet de repérer d’éventuelles contre-indications et de suivre l’évolution sous traitement sur le plan méta­bolique. Une grossesse est toujours recherchée chez la femme en âge de procréer.
Même en cas d’urgence, un ECG préalable à l’administration du traitement reste indispensable (tableau 7).
 

Initiation et mode d’administration

La plupart des molécules sont disponibles par voie orale et intramusculaire. La voie d’administration choisie dépend du contexte (situation d’urgence ou non). La voie orale est toujours privilégiée. Le tableau 7 résume les recommandations en cas de situation d’urgence.
 

Traitement d’entretien 

Une fois l’état du patient stabilisé, le traitement d’entre­tien conserve la molécule initiale. La posologie minimale efficace est à rechercher, et la monothérapie doit être privilégiée. Certaines molécules existent sous forme intramusculaire à libération prolongée (une injection par mois ou par bimestre ou trimestre). Dans les troubles psychotiques, ces molécules peuvent être proposées en cas de bonnes réponse et tolérance à la molécule prise par voie orale et selon la préférence du patient. Dans les troubles bipolaires, c’est également une option qui reste moins fréquemment utilisée.
 

Durée

Dans les troubles psychotiques, après la résolution symptomatique d’un épisode unique, le traitement est maintenu pendant au moins deux ans. L’arrêt est alors progressif, en maintenant un suivi régulier de l’état clinique. En cas d’épisodes ultérieurs, le traitement est maintenu au moins cinq ans après rémission totale des symptômes.

Surveillance

Efficacité 

La surveillance de l’efficacité recherche l’amendement des symptômes initiaux lors de l’initiation du traitement et l’absence de réapparition de symptômes lors d’un traitement d’entretien.
 

Tolérance 

Les effets indésirables à rechercher ainsi que la surveillance d’un traitement antipsychotique sont résumés dans les tableaux 5 et 6.
Les effets indésirables sont nombreux et souvent responsables d’une mauvaise observance. Leur recherche est systématique à chaque entretien.
Les principaux effets indésirables sont psychiatriques, neurologiques, métaboliques, cardiovasculaires et toxiques. Les antipsychotiques de première génération ont davantage d’effets indésirables neurologiques et les molécules de seconde génération plus d’effets métaboliques, pour certaines d’entre elles.
Pour l’ensemble des traitements, la surveillance de l’intervalle QT est indispensable devant les risques de mort subite en cas de QT long (> 450 ms chez l’homme et 470 ms chez la femme).
Le risque d’agranulocytose existe pour toutes les molécules mais est significativement plus important avec la clozapine, motivant une obligation réglementaire de suivi régulier des leucocytes en cas de traitement par cette molécule (hémogramme hebdomadaire puis mensuel).
La plupart des antipsychotiques ont un risque tératogène faible. Ils peuvent être poursuivis en cas de grossesse en fonction de la balance bénéfice-risque.
Une attention particulière doit être portée à un effet indésirable rare mais grave, le syndrome malin des neuroleptiques (tableau 8).

Anxiolytiques

Les anxiolytiques sont séparés en deux catégories : les benzodiazépines et les anxiolytiques non benzodiazépiniques. Leurs indications principales sont le traitement ponctuel de l’anxiété et celui de l’attaque de panique. Malgré leur nom, ils ne sont pas indiqués comme traitement de fond des troubles anxieux, pour lesquels un traitement antidépresseur est indiqué.

Benzodiazépines 

Définition et généralités

Les benzodiazépines constituent la classe principale des anxiolytiques. Leur effet anxiolytique est dû à la facilitation de la transmission gabaergique qui diminue l’hyper­excitabilité neuronale induite par l’anxiété. Leur action sur le système gabaergique leur confère cinq grands effets : l’anxiolyse, la sédation, l’effet anticonvulsivant, l’effet myorelaxant et l’effet amnésiant. On observe également parfois un effet orexigène. Ces effets varient selon la molécule.
Les principales particularités des benzodiazépines sont la tolérance pharmacologique et l’apparition d’un syndrome de sevrage à l’arrêt, en cas de traitement prolongé. Elles imposent des règles de prescription strictes (tableau 9).
Les principales molécules de cette classe sont détaillées dans le tableau 10. Il est à noter que l’oxazépam est le métabolite final de nombreuses benzodiazépines. En tant que métabolite final, il n’est pas métabolisé par le foie ; il doit donc être privilégié en cas d’insuffisance hépatique. De plus, sa demi-vie courte en fait la molécule de référence pour les femmes enceintes.
 

Quand prescrire ?

Indications 
Les benzodiazépines sont indiquées dans quatre situations : traitement symptomatique des manifestations anxieuses intenses ou invalidantes (type attaque de panique), traitement préventif du syndrome de sevrage alcoolique, traitement des crises convulsives et des douleurs neuropathiques.
Du fait de leur effet sédatif, les benzodiazépines sont parfois utilisées dans le traitement ponctuel de l’insomnie liée à des troubles psychiatriques.
Contre-indications et interactions médicamenteuses
Les contre-indications aux benzodiazépines sont résumées dans le tableau 10. Il n’y a pas d’interactions médicamenteuses contre-indiquant formellement la prescription de benzodiazépines. Une attention accrue doit être portée sur les molécules sédatives pouvant potentialiser les benzodiazépines et accroître la somnolence.
Selon la nécessité, les benzodiazépines peuvent être utilisées au cours de la grossesse, à la posologie minimale et pour la durée la plus courte possible. L’oxazépam est privilégié du fait de sa demi-vie courte. En cas de traitement au cours du troisième trimestre, l’équipe en charge de l’accouchement doit être prévenue (risque de syndrome de sevrage chez le nouveau-né).
 

Comment prescrire ?

Information du patient
Le patient doit être informé des règles de prescription des benzodiazépines (tableau 9). Il doit également savoir que le traitement par benzodiazépine est transitoire et connaître le risque de somnolence et les précautions à prendre en cas de conduite automobile. Les risques de majoration des effets indésirables en cas de consommation d’alcool doivent être exposés et les règles d’arrêt du traitement par baisse progressive doivent être expliquées clairement, en précisant le risque de sevrage en cas d’arrêt brutal.
Bilan préthérapeutique 
Le bilan préthérapeutique est clinique uniquement, à la recherche de contre-indications et d’interactions médicamenteuses.
Mode d’administration et règles de prescription
La voie orale est à privilégier. La voie intramusculaire (IM) peut être utilisée en cas d’urgence ou d’impossibilité de prise orale pour certaines molécules. Rarement, la voie intraveineuse lente (IVL) peut être utilisée ; elle présente un risque accru de dépression respiratoire, imposant la présence d’un service de réanimation à proximité.
Les règles de prescription des benzodiazépines sont résumées dans le tableau 9 et peuvent être retenues selon l’acronyme « RMADR ».
 

Surveillance 

Efficacité 
L’efficacité est évaluée sur la régression des symptômes ayant motivé la prescription.
Tolérance 
Les principaux effets indésirables sont résumés dans le tableau 10. La dépendance est l’effet indésirable principal des benzodiazépines. Elle entraîne une perte d’efficacité du traitement pour une même dose et un syndrome de sevrage à l’arrêt. La sédation et la désinhibition sont deux effets indésirables fortement potentialisés par l’alcool. Les altérations cognitives sont représentées par des altérations de la mémoire et des capacités de réaction, pouvant aller jusqu’à une confusion chez les sujets âgés. On observe parfois des réactions paradoxales entraînant agitation et agressivité. Un antécédent de réaction paradoxale doit inciter à la prudence en cas de nouvelle prescription. Les rebonds d’anxiété et d’insomnie apparaissent à l’arrêt du traitement, ils diminuent souvent en quelques jours. Le risque de chute et de fracture est très important chez le sujet âgé et doit être pris en compte avant toute prescription, puis étroitement surveillé.
La toxicité doit également être surveillée, avec un risque de surdosage (tableau 11).

Anxiolytiques non benzodiazépiniques 

Les principaux anxiolytiques non benzodiazépiniques, leurs caractéristiques et leurs contre-indications sont résumées dans le tableau 12.
À ces classes de molécules, s’ajoutent les antidépresseurs, traitement de fond des troubles anxieux, et certaines molécules antipsychotiques de première génération possédant un effet anxiolytique (cyamémazine, lévomépromazine…). Les antipsychotiques, du fait de leurs effets indésirables, ne sont utilisés qu’en seconde intention pour le traitement symptomatique de l’anxiété.

Hypnotiques 

Les hypnotiques sont des molécules qui induisent le sommeil. On en distingue deux classes : les hypnotiques benzodiazépiniques et les hypnotiques apparentés aux benzodiazépines (ou molécules en « z »).
Les principales molécules hypnotiques benzodiazépiniques sont le lormétazépam et le loprazolam. Les molécules en « z » sont le zolpidem et le zopiclone.

Quand prescrire ?

Indication

L’unique indication des hypnotiques est le trouble d’insomnie aiguë. Le trouble d’insomnie chronique n’est pas une indication de ces traitements.
 

Contre-indications 

Les contre-indications des benzodiazépines sont décrites dans la section dédiée. Celles des molécules en « z » sont l’hypersensibilité, l’âge inférieur à 15 ans, la grossesse, l’allaitement, les insuffisances respiratoire et hépatique sévères et la myasthénie.
Pour toutes les molécules hypnotiques, un syndrome d’apnées du sommeil non appareillé est une contre-indication absolue.
Une vigilance doit être portée à l’association avec d’autres molécules ayant un effet dépresseur du système nerveux central.
La prescription d’un hypnotique est possible au cours de la grossesse en fonction de la balance bénéfice-­risque. En cas de prescription au troisième trimestre, l’équipe en charge de l’accouchement doit être prévenue (risque de syndrome de sevrage chez le nouveau-né).

Comment prescrire ?

Bilan préthérapeutique

Le bilan préthérapeutique est clinique uniquement, à la recherche de contre-indications.
 

Information du patient

Les informations délivrées au patient sont les mêmes que pour les anxiolytiques. Outre les bénéfices et effets indésirables potentiels du traitement, les règles de prescription (tableau 13) doivent être expliquées. Le risque de trouble de l’usage et le possible entretien de l’insomnie par les hypnotiques doivent être particulièrement signalés au patient.
Toute prescription d’hypnotique doit s’accompagner d’une éducation thérapeutique sur les règles d’hygiène du sommeil.

Surveillance 

Efficacité 

La surveillance de l’efficacité est à programmer impérativement à la suite de l’initiation d’un traitement hypnotique.
 

Tolérance

Les effets indésirables des hypnotiques sont les mêmes que ceux des anxiolytiques.
Un surdosage en hypnotique occasionne les mêmes effets qu’un surdosage en benzodiazépine (tableau 11).

Psychostimulants 

Les psychostimulants sont des molécules qui accroissent la vigilance. Ils possèdent les propriétés suivantes : stimulation de l’attention, amélioration de la vigilance (et donc, à l’inverse, difficultés d’endormissement), ­effet anorexigène et stimulation du système cardiovasculaire. Il existe deux principaux psychostimulants : le méthylphénidate et le modafinil. Le méthylphénidate existe sous deux formes : libération immédiate et libération prolongée permettant d’avoir un effet maintenu sur le nycthémère en une prise par jour.

Quand prescrire ?

Indications 

Le méthylphénidate est indiqué en cas de trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) chez l’enfant de plus de 6 ans. Depuis 2021, l’indication a été étendue aux adultes avec TDAH pour lesquels un impact fonctionnel modéré à sévère est mis en évidence sur au moins deux composantes (professionnelle et/ou universitaire, sociale, y compris familiale) et lorsque la présence de symptômes du TDAH a bien été établie dans l’enfance.
Le modafinil est indiqué en cas de somnolence dans la narcolepsie et l’hypersomnie idiopathique. En cas d’échec, le méthylphénidate peut être prescrit en seconde ligne pour cette indication.
 

Contre-indications et interactions médicamenteuses

Les principales contre-indications et interactions médicamenteuses des psychostimulants sont résumées dans le tableau 14.
La prescription du méthylphénidate est possible au cours de la grossesse selon la balance bénéfice-risque. En cas de poursuite tout au long de la grossesse, l’équipe médicale en charge de l’accouchement doit être prévenue (risque d’hyperexcitabilité chez le nouveau-né).
Les données concernant la tératogénicité du modafinil sont contradictoires. L’utilisation doit être évitée dans les dix premières semaines de grossesse. Au-delà, ce traitement peut être utilisé en fonction de la sévérité des symptômes.

Surveillance

Efficacité

L’efficacité est surveillée en évaluant l’amélioration des symptômes cibles.
 

Tolérance 

Les principaux effets indésirables des psychostimulants sont résumés dans le tableau 14. Ils sont fréquents mais d’intensité légère. L’effet anorexigène du méthylphénidate doit faire surveiller de façon régulière la croissance staturo-pondérale des enfants.
Le modafinil peut entraîner des réactions cutanées graves telles que le syndrome de Stevens-Johnson, des nécrolyses épidermiques toxiques ou un syndrome DRESS (drug reaction with eosiphilia and systemic symptoms). Il doit être systématiquement arrêté en cas d’éruption cutanée.
Points forts
Prescription et surveillance des psychotropes

POINTS FORTS À RETENIR

La démarche diagnostique est essentielle pour poser la bonne indication du traitement.

Le bilan préthérapeutique (électrocardiogramme, βhCG +++) est indispensable pour éliminer une contre-indication.

L’instauration du traitement se fait toujours en monothérapie, en favorisant la voie orale et à dose progressivement croissante jusqu’à posologie minimale efficace.

La surveillance de l’efficacité, de la tolérance et de l’observance est systématique.

Message auteur

Message de l'auteur

Cet item est un item transversal, les questions sur les traitements et leurs modalités de prescription sont très fréquentes dans tous les dossiers.

Pour chaque classe, les principales contre-indications et le bilan préthérapeutique doivent être connus.

Les encadrés et les points clés sont à connaître par cœur, en particulier les règles de prescription des benzodiazépines et des hypnotiques.

Par convention, les effets indésirables des traitements sont présentés dans la section « surveillance ». En pratique, ils sont vérifiés avant la prescription et participent au choix de la molécule.

L’information du patient est une nouveauté de l’item, à ne pas oublier dans un dossier.

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