Anti-inflammatoires, immunosuppresseurs et antimitotiques, les dermocorticoïdes sont parmi les topiques les plus utilisés en dermatologie. Les règles d’or du bon usage (indications, contre-indications, modalités de prescription et d’arrêt) pour que le traitement soit efficace tout en évitant les effets indésirables et la corticodépendance.

Classes et formulations disponibles

La classification est fondée sur le niveau d’activité (tableau 1). Le choix dépend de l’âge du patient, de la zone à traiter et de la pathologie. La classe I (faible) n’est pratiquement pas prescrite en pratique courante. La classe II l’est fréquemment chez l’enfant et sur le visage chez l’adulte pendant une courte période pour éviter les effets indésirables (encadré). La classe III (forte) est la plus souvent utilisée et la IV (très forte) réservée aux dermatoses sévères.

Formulation et galénique sont également importantes à prendre en compte lors de la prescription. Elles sont choisies principalement en fonction du type et de la localisation des lésions, mais aussi de l’adhésion thérapeutique. Schématiquement, on dispose de :

  • pommades : à appliquer sur les plaques épaisses, les zones lichénifiées et en cas de xérose importante ;
  • crèmes : réservées aux grandes surfaces ; peuvent être utilisées au niveau des plis si les lésions sont peu suintantes ;
  • lotions : adaptées aux zones pileuses et aux plis ;
  • gels ou mousses : principalement sur le cuir chevelu.

Indications et effets indésirables

Les dermocorticoïdes sont le traitement de 1re intention des eczémas allergiques de contact, de la dermatite atopique, du psoriasis et de la pemphigoïde bulleuse (tableau 2). Les dermatoses infectieuses (herpès, varicelle, zona) les contre-indiquent, de même que l’acné et la rosacée qui peuvent être induites ou aggravées par ces traitements, limitant leur utilisation sur le visage. Les effets indésirables sont principalement locaux (encadré).1L’allergie de contact a une prévalence estimée entre 0,2 et 6 %. En cas d’aggravation d’une dermatose inflammatoire sous dermocorticoïde, une consultation allergologique avec patch-tests doit être réalisée, d’autant que des réactions croisées entre différentes molécules sont possibles.

La toxicité systémique est extrêmement rare. En effet, une étude a montré qu’au bout de 24 h (application matin et soir), moins de 2 % de la dose d’hydrocortisone est absorbée dans la circulation sanguine. Cependant, il faut y penser en cas d’utilisation au long cours sur une grande surface, en particulier chez l’enfant et la personne âgée (au-delà du seuil de 50 g par semaine d’un dermocorticoïde de classe III).1

Modalités de prescription en pratique

Une application par jour est suffisante en raison de l’effet « réservoir » (accumulation du dermocorticoïde dans le stratum corneum, assise la plus superficielle de l’épiderme).

Concernant la quantité, la règle de la phalangette est très utile : une dose de dermocorticoïde recouvrant la dernière phalange (0,5 g) permet de traiter une zone correspondant à 2 paumes de mains (figure). En fonction de la surface corporelle lésée, on indique au patient le nombre hebdomadaire de tubes qu’il doit impérativement utiliser pour que le traitement soit efficace.

Dans la dermatite atopique, il n’est plus recommandé d’arrêter progressivement les dermocorticoïdes en espaçant les applications. Il suffit de traiter les zones inflammatoires tant qu’elles persistent : les lésions diminuant en surface, la quantité de produit sera automatiquement réduite. Pour les autres dermatoses (hors dermatoses bulleuses auto-immunes), par analogie à ce qui est fait dans la dermatite atopique, on conseille de traiter jusqu’à disparition des lésions (pas de dégression progressive des applications). Il faut se référer à un dermatologue si corticodépendance ou corticorésistance. Ces consignes, plus simples pour le patient, sont mieux suivies.

Enfin, en cas de traitement d’entretien, dans la dermatite atopique et le psoriasis, on conseille une stratégie proactive, qui consiste à appliquer les dermocorticoïdes 2 fois par semaine sur les zones récidivant fréquemment, afin de prévenir les poussées.2

Freins à la prescription

La corticophobie est un phénomène assez fréquent.3 Chez les patients atteints de dermatite atopique, sa prévalence est estimée entre 20 et 80 % selon les séries. Elle est également importante chez les pharmaciens : 50 % de ces derniers délivreraient ponctuellement ou régulièrement une quantité inférieure à la dose prescrite.4 Il est extrêmement important de l’évaluer afin d’optimiser la prescription. L’adhésion thérapeutique est également cruciale. En effet, les applications répétées au long cours sont très contraignantes pour les patients, qui finissent souvent par les arrêter prématurément.5 Cette notion est fondamentale chez les malades ayant des maladies chroniques évoluant par poussées, comme le psoriasis ou la dermatite atopique. En cas d’échec thérapeutique, on recommande de compter le nombre de tubes utilisés par le sujet depuis la dernière consultation.

Encadre

Effets indésirables possibles des dermocorticoïdes

Effets indésirables locaux

• Troubles cutanés secondaires à l’atrophie : télangiectasie, purpura de Bateman, amincissement épidermique en papier à cigarette, ulcérations, retard de cicatrisation

• Infections locales : aggravation d’une candidose, d’une démocidose, dermatophytie, herpès

• Troubles oculaires (si application périoculaire) : cataracte, glaucome

• Eczéma allergique de contact (au corticoïde lui-même ou à un excipient)

• Autres troubles cutanés : acné, dermatite périorale, rosacée, hirsutisme, hyperpigmentation, hypopigmentation, photosensibilité

Effets indésirables systémiques (rares +++)*

• Troubles endocriniens : syndrome de Cushing, vergetures, retard de croissance

• Métaboliques : hyperglycémie, diabète, ostéopathie fragilisante

• Troubles oculaires : cataracte, glaucome

* Pour les prévenir : moins de 50 g/semaine d’un dermocorticoïde fort

Références
1. Hengge UR, Ruzicka T, Schwartz RA, et al. Adverse effects of topical glucocorticosteroids. J Am Acad Dermatol 2006;54(1):1-18.
2. Berth-Jones J, Damstra RJ, Golsch S, et al. Twice weekly fluticasone propionate added to emollient maintenance treatment to reduce risk of relapse in atopic dermatitis: randomised, double blind, parallel group study.  BMJ 2003;326(7403):1367.
3. Li AW, Yin ES, Antaya RJ. Topical Corticosteroid Phobia in Atopic Dermatitis: A Systematic Review.  JAMA Dermatol 2017;153(10):1036-42.
4. Raffin D, Giraudeau B, Samimi M, et al. Corticosteroid Phobia Among Pharmacists Regarding Atopic Dermatitis in Children: A National French Survey.  Acta Derm Venereol 2016;96(2):177-80.
5. Alinia H, Moradi Tuchayi S, Smith JA, et al. Long-term adherence to topical psoriasis treatment can be abysmal: a 1-year randomized intervention study using objective electronic adherence monitoring.  Br J Dermatol 2017;176(3):759-64.

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