Le traitement par ventilation à pression positive continue (dit PPC), s’il est bien suivi, augmenterait significativement la survie des patients atteints d’apnée du sommeil, selon une étude française présentée au cours de l’ERS International Congress 2021. Comment prescrire et surveiller ce traitement ?

 

Les résultats de l’étude de vraie vie1 ALASKA ont été présentés durant l’European Respiratory Society (ERS) International Congress 2021 par le Pr Jean-Louis Pépin. Cette étude s’appuie sur les données de 176 000 patients, issues du Système national des données de santé,2 géré par la Caisse nationale d’assurance maladie. Les analyses mettent en évidence que les patients adhérant à leur traitement PPC ont 39 % plus de chance de survie que les patients qui arrêtent la PPC au cours de la première année.

L’adhérence est un point clé pour la réussite de la prise en charge. Or, d’après les données de l’étude, 48 % des patients diagnostiqués arrêtent leur traitement avant 3 ans.

Rappel sur les modalités de prescription et de surveillance de ce traitement, et sur les mesures pour améliorer l’observance.

Indications

La PPC est indiquée :

– Chez les patients ayant un SAS sévère, dont l’indice d’apnées-hypopnées (IAH) à la polygraphie (PG) ou polysomnographie (PSG) est > 30/h, en présence de 3 symptômes parmi les suivants (non expliqués par une autre cause) : somnolence diurne ; ronflements sévères et quotidiens ; sensations d’étouffement ou de suffocation pendant le sommeil ; fatigue diurne ; céphalées matinales ; nycturie.

– Chez les patients ayant un IAH compris entre 15 et 30 :

. en cas de somnolence diurne sévère associée et/ou de risque accidentel pouvant entraîner un dommage corporel direct ou indirect ;

. en cas de comorbidité cardiovasculaire ou respiratoire grave : HTA résistante, fibrillation atriale récidivante, insuffisance cardiaque symptomatique, maladie coronaire à haut risque, antécédent d’AVC, BPCO sévère ou asthme mal contrôlé.

Principes

– Prescription initiale par un médecin spécialiste du sommeil valable pour 4 mois, après PG ou PSG diagnostiques.

– Renouvellement valable pour 1 an, à faire à 4 mois puis chaque année (par le MG à partir de la 4e prescription si le patient est observant).

– Mise en place par un prestataire de santé à domicile qui assure fourniture et maintenance du matériel, gestion du dossier administratif et contribue au suivi et à l’éducation thérapeutique (rémunéré à la performance si télésuivi).

– Air insufflé sous pression dans les voies aériennes (par une turbine) pour les maintenir ouvertes pendant le sommeil, en respectant la ventilation du patient.

– Pression fixe ou « autopilotée », c’est-à-dire variable entre 2 niveaux (dits minimal et maximal), suivant les besoins de désobstruction. Réajustements éventuels selon les données collectées par la machine.

– Effets attendus : un patient bien traité doit pouvoir dormir confortablement avec son masque. Disparition des ronflements, suffocations, nycturie, céphalées matinales ; amélioration de la vigilance diurne (suppression des plaintes de somnolence, voire des siestes, et des difficultés de concentration ou de mémoire). Sommeil, humeur et état général de meilleure qualité.

Critères d’efficacité/suivi

Paramètres enregistrés par la machine :

– IAH résiduel sous machine, objectif : < 5/h ;

– pression au 90e ou au 95e percentile (niveau de pression pour au maximum 90-95 % de la nuit) ;

– observance au minimum 4 h/nuit, sans limite max., à vérifier notamment lors des renouvellements ;

– attention aux fuites indésirables, compromettant l’efficacité et l’interprétation des autres données...

Le télésuivi permet au prestataire et au spécialiste du sommeil de surveiller à distance l’amélioration des données. Si l’état clinique et les rapports sont satisfaisants, aucun suivi supplémentaire n’est indiqué. Dans le cas contraire, il faut réadresser au spécialiste, pour réaliser une PSG sous PPC ± une capnographie nocturne et rechercher des événements de mécanisme central (défaut de commande respiratoire) et/ou une hypoventilation alvéolaire associée.

En 2e intention, on peut proposer une machine plus perfectionnée type autoasservie ou ventilation non invasive.

Si malgré le bon fonctionnement de la PPC, le patient a des plaintes persistantes (sommeil fragmenté) et peu de bénéfices : réévaluer le diagnostic initial (insomnie associée non traitée ?). Des alternatives sont possibles : orthèse d’avancée mandibulaire si l’état dentaire le permet ; traitement positionnel si les apnées se produisent sur le dos.

Difficultés liées à la PPC : que faire ?

– Sensation de manque d’air ou retrait involontaire du masque pendant la nuit. Le rapport détaillé peut montrer une pression maximale insuffisante avec persistance d’événements résiduels (IAH élevé). Dans ce cas : adresser à l’ORL.

– Sécheresse nasale ou buccale : mettre en place un humidificateur chauffant.

– Réveils potentiellement liés aux montées en pression de la machine : demander au prestataire de passer à un mode confort sur toute la nuit ou à une pression fixe (à régler à la P95 mentionnée sur le rapport).

– Fuites buccales = ouvertures de bouche : augmenter l’humidification, vérifier qu’elle est chauffante. Si cela est insuffisant, tester un masque facial.

Cinzia Nobile, La Revue du Praticien

*SAHOS : syndrome d'apnées obstructives du sommeil ; SAS : syndromes d'apnées du sommeil

Pour en savoir plus :

1. Pepin JL et al. CPAP termination and all-cause mortality: a French nationwide database analysis. ERS abstract 2021.

2. Pépin JL, Bailly S, Rinder P, et al. CPAP Therapy Termination Rates by OSA Phenotype: A French Nationwide Database Analysis.J Clin Med 2021;10(5):936.

À lire aussi :

Colas des Francs C, Escourrou P. PPC : prescrire et surveiller. Rev Prat Med Gen 2019;33(1029);752.

D’Ortho MP, Frija J, Lindenmeyer C, et al. Apnées du sommeil et e-santé : quel impact des objets connectés sur la pratique ?Rev Prat Med Gen 2019;33(1017);208-9.

Escourrou P, Martinot C. Adulte ronfleur : identifier le SAS !Rev Prat Med Gen 2019;33(1028);710.