Mise à jour vaccinale ?
Il est recommandé d’effectuer cette enquête et la mise à jour éventuelle avant de commencer l’immunosuppresseur car l’efficacité des vaccins est meilleure chez les sujets immunocompétents. En outre, les vaccins vivants sont contre-indiqués par l’immunodépression induite.1
Un vaccin vivant doit être injecté au minimum 3 à 6 semaines avant de débuter l’immunosuppresseur. Après arrêt de ce dernier, un délai de 3 mois est nécessaire avant de vacciner.
Si la mise à jour vaccinale n’a pas été faite, elle doit l’être dès que possible : bien que réduite, l’immunogénicité des vaccins persiste sous immunosuppresseurs. Certains schémas vaccinaux sont alors renforcés : le
Les vaccins vivants – BCG, ROR, zona, varicelle, rotavirus, fièvre jaune, polio- myélite par voie orale, grippe par voie nasale – sont contre-indiqués chez les patients déjà sous immunosuppresseurs (incluant une corticothérapie > 10 mg/j d’équivalent prednisone depuis > 2 semaines ou un bolus dans les 3 mois précédents).
En raison des incertitudes sur l’efficacité de la vaccination chez les immunodéprimés et de la contre-indication des vaccins vivants, il est recommandé de vérifier le statut vaccinal de l’entourage et de faire les mises à jour conformément au calendrier en cours. Pour l’entourage immédiat sont préconisés : la grippe saisonnière, la varicelle en l’absence d’antécédent et en cas de sérologie négative, le rotavirus (Rotarix, en 2 doses, ou Rotateq, en 3 doses) chez le nourrisson.
Quelles mesures non vaccinales ?
L’impact de ces derniers sur l’immunité dépend des doses, de leur utilisation en monothérapie ou en association, et de la susceptibilité individuelle des patients. Il n’existe malheureusement pas de marqueurs fiables de l’immunodépression induite.
Un traitement antiparasitaire par ivermectine (1 prise unique 200 µg/kg) est proposé avant mise sous corticoïdes à tout sujet ayant voyagé en zone d’endémie.
Des cas de pneumocystose sous immunosupppresseurs sont rapportés. Du fait d’une iatrogénie potentiellement grave et selon des travaux chez les patients non VIH, la HAS ne recommande pas de traitement prophylactique systématique (2017). Un traitement préventif n’est justifié chez les patients allogreffés ou transplantés d’organe solide. Le cotrimoxazole 400/80mg/j est alors habituellement proposé pendant les 6 premiers mois d’immunodépression, au minimum.
En dehors de ces situations, l’indication des traitements prophylactiques sous immunosuppresseurs reste mal évaluée.2 Les malades ayant une tumeur cérébrale et recevant une corticothérapie ainsi que ceux traités pour une granulomatose avec polyangéite (maladie de Wegener) semblent également vulnérables. Une prophylaxie peut alors s’envisager au cas par cas en accord avec le spécialiste.
Infections à Herpes virus. Si la réactivation d’une infection latente à CMV est fréquente sous immunosuppresseurs, il est rare qu’elle se manifeste sous une forme grave. Aucun traitement préventif n’est recommandé. Des cas de colite et de rétinite sont néanmoins rapportés.
Une prophylaxie anti-HSV est à considérer en cas d’antécédents d’infection oculaire, buccale ou génitale à HSV. Chez les individus faisant des récurrentes her- pétiques sous immunosuppresseurs, on propose un traitement préventif par valaciclovir 500 mg/j en une seule prise. Il est néanmoins suspensif et doit être réévalué tous les ans.
La prophylaxie du VZV ne concerne que les patients n’ayant pas d’antécédent de varicelle et non vaccinés. Elle consiste en l’administration d’immunoglobulines spécifiques anti-VZV, ou à défaut polyvalentes, dans les 96 heures suivant un contage. Les immunoglobulines ne supprimant pas complètement le risque d’infection, une surveillance clinique est recommandée. En cas de symptômes évocateurs dans les 3 semaines, les patients se rapprocheront de leur médecin traitant.
Prévention de la grippe. En plus de la vaccination qui est indiscutablement recommandée, un traitement préemptif par oséltamivir (75 mg x 2/j pour une durée de 5 jours) doit être envisagée chez tout patient non vacciné le plus tôt possible après un contage.
Il devra bénéficier du vaccin par la suite..
En cas de contact antérieur avec le VHB confirmé par la sérologie, une prévention par ténofovir ou entécavir doit être discutée. Cela dépend du risque de réactivation, fonction du profil sérologique et de l’immunosuppresseur. Le risque de réactivation virale est particulièrement élevé avec le rituximab. Il paraît raisonnable de mettre en route un antiviral chez tout patient porteur de l’antigène HBs. À poursuivre jusqu’à 12 mois après l’arrêt du traitement. Si la recherche d’ADN du VHB est positive, il est recommandé d’attendre sa négativation avant d’initier l’immunosuppresseur.
Chez les patients antigène HBs négatif, et anticorps anti-HBc positif, le risque de réactivation virale reste faible (1,7 %). Il est nécessaire de surveiller le bilan hépatique et l’ADN du virus à 1 mois, puis tous les 3 mois, et de proposer un antiviral en cas de réactivation. Il faut dépister une surinfection par le virus Delta chez les patients ayant un antigène HBs positif.3
Certaines infections bactériennes peuvent être sévères sous immunosuppresseurs. L’éducation du patient est primordiale.
– Salmonellose : éviter la viande et les œufs crus, le lait non pasteurisé.
– Listeria monocytogenes (particulièrement sous anti-TNFα) : proscrire viande et légumes crus, lait non pasteurisé.
– Infections à Nocardia sp (notamment sous anti-TNFα) : pas de contact avec la terre (jardinage).
– Légionellose (surtout sous anti-TNFα, avec un risque relatif 18 fois supérieur à celui de la population générale) : fuir l’exposition aux eaux stagnantes, assurer l’entretien des systèmes de distribution d’eau et de climatisation. Diagnostic à évoquer rapidement en cas d’infection respiratoire fébrile.4
Tuberculose. Les mesures préventives ne sont recommandées qu’aux candidats à un traitement par anti-TNFα, car le risque d’infections graves après réactivation de tuberculose latente est particulièrement important (10 fois supérieur à celui de la population générale).
En cas de tuberculose latente, l’isoniazide seul pendant 9 mois ou la combinaison isoniazide-rifampicine durant 3 mois réduisent le risque de 80 %.5 L’anti-TNFα ne doit être commencé qu’après au moins 3 semaines de prophylaxie (sauf urgence).
Même si les données sont moins importantes, d’autres biothérapies (anticorps anti-IL-12/IL-23 (guselkumab, ustékinumab), anti-intégrines α4β7 (védolizumab) imposent ces précautions, et la prudence est de règle chez tous les patients sous immunosuppresseurs, chez qui la réactivation d’une tuberculose latente est possible.
Prévention de la COVID-19
Les patients transplantés d’organes solides, allogreffés ou atteints de cancers semblent les plus à risque.
La prévention repose sur un respect strict des mesures barrières (hygiène des mains, port du masque, distanciation sociale) et sur la vaccination. Tout patient immunodeprimé doit se voir proposer une vaccination selon les schémas en vigueur.
Bilan préthérapeutique avant immunosuppresseur
NFS, ionogramme sanguin, créatininémie, CRP, bilan hépatique, électrophorèse des protéines.
Sérologie VIH, CMV, EBV, VZV (si pas de varicelle antérieure).
Sérologie hépatite B (antigène HBs, anticorps anti-HBs, anticorps anti-HBc), sérologie virus Delta si antigène HBs positif, hépatite C.
Consultation gynécologique avec frottis (éliminer HPV).
Consultation en stomatologie afin d’éliminer un foyer dentaire.
Si traitement par anti-TNFα : test IGRA (interferon-gamma release assay) ou intradermoréaction à la tuberculine, radiographie thoracique.
Une check-list des mesures préventives anti-infectieuses doit être utilisée à chaque visite de suivi. L’éducation thérapeutique est cruciale, car l’adhésion du patient est essentielle à leur application.
2. Stern A, Green H, Paul M, et al. Prophylaxis for Pneumocystis pneumonia (PCP) in non-HIV immunocompromised patients Cochrane Database Syst Rev 2014.
3. AGA Institute Guidelines on Hepatitis B Reactivation (HBVr): Clinical Decision Support Tool Gastroenterology, Volume 148, Issue 1, 220.
4. Tubach F, Ravaud P, Salmon-Céron D, et al. Emergence of Legionella pneumophila pneumonia in patients receiving tumor necrosis factor-alpha antagonists Clin Infect Dis 2006 ;43:e95-100.
5. Carmona L, Gomez-Reino JJ, Rodriguez- Valverde V, et al. Effectiveness of recommendations to prevent reactivation of latent tuberculosis infection in patients treated with tumor necrosis factor antagonists Arthritis Rheum 2005;52:1766-72.