L’anticorps monoclonal nirsévimab (Beyfortus) a reçu l’AMM européenne fin 2022, après la publication dans le NEJM de résultats prometteurs d’un essai de phase III (efficacité de 75 % contre la bronchiolite nécessitant un suivi médical). Son indication – plus large que celle du palivizumab (Synagis), employé seulement chez les enfants à haut risque – concerne tous les nouveau-nés et les nourrissons pendant leur première saison de circulation du VRS.
En septembre 2023, la France a fait partie des quelques pays – avec l’Espagne, les États-Unis, l’Allemagne et le Luxembourg – qui ont organisé des campagnes d’immunisation avec cet anticorps en prévision de la saison épidémique hivernale. Victime de son succès, cette campagne, pour laquelle 200 000 doses avaient initialement été commandées, a dû être adaptée (restriction du dosage 50 mg aux maternités puis interruption de la livraison en ville des dosages 100 mg). Qu’en est-il dans les autres pays ?
Une communication parue dans le journal Eurosurveillance rapporte les résultats très encourageants de la campagne d’immunisation avec Beyfortus menée dans le réseau hospitalier de la région de Galice (Espagne) depuis fin septembre 2023.
Trois groupes d’enfants étaient visés par la campagne :
- Saisonniers : tout enfant né depuis le 25 septembre 2023 et jusqu’en mars 2024 (saison d’épidémie de circulation du VRS) ; ces enfants recevaient une dose de Beyfortus à l’hôpital, dans les premières 24 heures de vie (hormis contre-indication).
- Rattrapage : tout enfant ayant entre 0 et 6 mois au moment du début de la saison de circulation du VRS (donc né entre le 1er avril et le 24 septembre 2023) ; les parents étaient invités à prendre rendez-vous dans leur hôpital local.
- Haut risque : tout enfant ayant entre 6 et 24 mois au moment du début de la saison de circulation du VRS et ayant une pathologie à risque de forme grave de bronchiolite ; ils recevaient la dose prioritairement, dans la semaine suivant le début de la campagne.
Les enfants éligibles qui n’auraient pas reçu leur dose 3 semaines après le début de la campagne étaient recontactés ensuite au travers des réseaux de soins primaires pour programmer un nouveau rendez-vous.
Par ailleurs, les immunisations ont été précédées d’une vaste campagne d’information à l’égard des parents et des professionnels (webinaires, vidéos, brochures de questions-réponses, communiqués de presse…).
L’efficacité de cette campagne d’immunisation sur les hospitalisations et le recours aux soins primaires pour bronchiolite sera évaluée par l’étude NIRSE-GAL en cours, mais les résultats préliminaires concernant la couverture dans chacun des groupes visés sont déjà disponibles.
Ils font état du succès de la campagne : dans les 3 premières semaines, la couverture était de 97,5 % dans le groupe d’enfants à haut risque (317 enfants sur 325) et 81,4 % dans le groupe « rattrapage » (5 820 enfants sur 7 150) ; dans le groupe « saisonnier », elle a atteint 92,6 % au 31 octobre 2023.
Aucun effet indésirable grave n’a été décelé sur cette période parmi les 7 241 doses administrées.
Selon les auteurs, ce succès est dû à la campagne d’information et d’éducation et au déploiement rapide des injections dans les maternités, permettant une immunisation rapide des enfants visés avant le début de la circulation du VRS.
En France, les experts d’Infovac rapportent que plus de 70 % des enfants nés depuis le 15 septembre ont reçu une injection de Beyfortus. Ils constatent, en parallèle, que l’épidémie de bronchiolite chez les moins de 2 ans, bien que demeurant à des niveaux élevés, est beaucoup moins sévère qu'en 2022 alors que les épidémies ont débuté à la même période. D'après les données du réseau PARI, la baisse est très significative pour les < 3 mois (ce qui correspond à la tranche d'âge des nourrissons ayant reçu le nirsévimab).