Syndrome de Lynch. Chez les femmes atteintes, la chirurgie prophylactique constitue le meilleur moyen de prévention des cancers de l’endomètre et de l’ovaire. La chimioprophylaxie par contraception hormonale est une piste prometteuse dans cette population.
Le syndrome de Lynch, également appelé cancer colorectal héréditaire sans polypose (hereditary non polyposis colon cancer [HNPCC]) est un syndrome de prédisposition héréditaire aux cancers, de transmission autosomique dominante, lié à la mutation constitutionnelle d’un gène du système mismatch repair (MMR). Les gènes actuellement connus sont les gènes hMLH1, hMSH2, hMSH6 et PMS2 impliqués dans la reconnaissance des mésappariements de l’ADN lors de la réplication.
La prévalence de ce syndrome est de 1/800 à 1/1 000 dans la population générale.
Les femmes porteuses de l’une de ces mutations sont à haut risque de cancer colorectal et de l’endomètre non endométrioïde [fig. 1 A et B], et à risque plus modéré de développer un cancer des ovaires (endométrioïdes ou à cellules claires) [fig. 2 A et B], de l’intestin grêle, des voies excrétrices urinaires, des voies biliaires et de l’estomac. Le spectre restreint regroupe les cancers du côlon, du rectum, de l’endomètre, de l’intestin grêle et des voies urinaires. Le spectre élargi inclut les autres types de cancer.
Le risque moyen cumulé de développer un cancer gynécologique à 70 ans, indépendamment du type de mutation, est de 33 % (16-57) pour le cancer de l’endomètre et de 9 % (4-31) pour le cancer de l’ovaire.1 Les risques de cancer de l’endomètre et de l’ovaire à 70 ans sont élevés pour les mutations hMLH1 et hMSH2 alors qu’ils sont plus faibles pour MSH6. Enfin, les risques de survenue d’un cancer gynécologique sont faibles avant 40 ans (1 à 2 % pour l’endomètre et 0 à 1 % pour l’ovaire).

Critères diagnostiques du syndrome de Lynch

Le diagnostic clinique du syndrome de Lynch repose sur les critères généalogiques et anamnestiques d’Amsterdam 2 (v. tableau).
En présence des critères cliniques, un diagnostic moléculaire et génétique est ensuite réalisé. La première étape, réalisée sur le matériel tumoral, consiste à rechercher une instabilité des séquences microsatellitaires et une perte d’expression des protéines correspondantes, mise en évidence par immunohistochimie. Un séquençage ciblé des gènes MMR est réalisé dans un second temps à partir de l’ADN génomique, en cas de positivité de l’analyse immuno-histochimique. En cas d’identification de mutations constitutionnelles, un dépistage doit être ensuite proposé aux autres membres de la famille.
Dans les cas particuliers des cancers de l’endomètre, la recherche d’une instabilité microsatellitaire sur la pièce opératoire est recommandée chez les patientes ayant un cancer de l’endomètre avant 50 ans ou quel que soit l’âge chez une patiente dont un apparenté au premier degré a été atteint d’un cancer du spectre HNPCC.

Modalités du dépistage gynécologique en cas de syndrome de Lynch

Bien que le bénéfice du dépistage gynécologique n’ait jamais été prouvé, les recommandations actuelles sont de proposer une surveillance gynécologique annuelle à partir de 35 ans. Celle-ci comporte un interrogatoire, à la recherche de saignement gynécologique anormal, un examen gynécologique complet, une échographie pelvienne par voie sus-pubienne puis endovaginale à réaliser en première partie de cycle et une biopsie d’endomètre à la pipelle de Cornier plus ou moins une hystéroscopie diagnostique.2 Cette surveillance est débutée plus tôt en cas de survenue d’un cancer gynécologique à un âge jeune chez un membre de la famille. La surveillance mammaire ne diffère pas de celle effectuée chez les femmes non porteuses d’une mutation prédisposant au syndrome de Lynch.

Indications de la chirurgie prophylactique

En dehors du dépistage, il existe une recommandation de chirurgie préventive chez les patientes mutées ayant accompli leur projet parental. L’hystérectomie totale avec annexectomie par cœlioscopie constitue le meilleur moyen de prévention des cancers gynécologiques. Une étude a en effet évalué les bénéfices de la chirurgie prophylactique dans une population de 315 patientes ayant une mutation les prédisposant au syndrome de Lynch et a montré qu’elle était efficace, supprimant le risque de survenue d’un cancer de l’endomètre et de l’ovaire à distance.3
Il est recommandé de réaliser cette chirurgie à partir de l’âge de 45 ans chez les patientes ayant une mutation hMLH1 et hMSH2 ou, en fonction de l’histoire familiale, 5 ans avant le cancer endométrial le plus précoce.
Les risques de cancer gynécologique étant plus faibles en cas de mutation hMSH6, l’indication de la chirurgie prophylactique est plus discutable. En l’absence de contre-indication particulière, les patientes peuvent bénéficier d’un traitement hormonal substitutif en l’absence de contre-indication.

Rôle des contraceptions hormonales à visée préventive

La question des traitements hormonaux contraceptifs à visée préventive se pose chez les patientes ayant une mutation les prédisposant au syndrome de Lynch.
En effet, dans la population générale, il existe une réduction significative du risque de cancer colorectal liée à la contraception estroprogestative, avec un risque relatif pour les utilisatrices de l’ordre de 0,8. La durée d’utilisation ne semble pas déterminante. En revanche, la protection est plus grande près de l’arrêt du traitement. Il n’existe aucune donnée spécifique chez les femmes atteintes d’un syndrome de Lynch. Dans la population générale, il existe également une réduction significative du risque de cancer de l’endomètre liée à la contraception estroprogestative (risque relatif de l’ordre de 0,7) et du risque de cancer de l’ovaire avec un risque relatif de l’ordre de 0,7, avec un effet protecteur persistant jusqu’à 30 ans après l’arrêt.
Le dispositif intra-utérin au lévonorgestrel, qui pourrait avoir un effet protecteur sur la transformation endométriale maligne, est également associé à une plus faible incidence de cancer de l’endomètre, de l’ordre de 50 %, lorsqu’il est indiqué pour des ménorragies (règles abondantes et prolongées).
Chez les femmes ayant un syndrome de Lynch, une étude rétrospective récente multicentrique a mis en évidence, chez plus de 1 000 patientes, une diminution significative du risque de cancer de l’endomètre liée à la prise d’une contraception hormonale (voie orale, injectable ou implant) en cas de prise supérieure à 1 an, suggérant une efficacité préventive de ces traitements.4 Une étude prospective multicentrique randomisée (avec répartition aléatoire), portant sur 51 patientes ayant un syndrome de Lynch et ayant évalué l’effet de la contraception estroprogestative ou d’un progestatif injectable, a mis en évidence une diminution significative de la prolifération endométriale, constatée sur l’échographie pelvienne et la biopsie d’endomètre réalisées avant et après traitement.5 Ces résultats sont cohérents avec les mécanismes physiopathologiques impliqués dans la genèse des cancers de l’endomètre. En effet, l’atrophie endométriale provoquée protège de l’hyperplasie endométriale, et notamment du risque de développement d’une hyperplasie complexe et atypique, qui est le précurseur connu des cancers de l’endomètre. Un effet protecteur des macroprogestatifs serait également attendu, mais il n’existe aucune donnée publiée dans la littérature. 
Encadre

À retenir

La chirurgie prophylactique à type d’hystérectomie totale et annexectomie bilatérale constitue le meilleur moyen de prévention des cancers de l’endomètre et de l’ovaire chez les patientes porteuses d’une mutation les prédisposant au syndrome de Lynch.

La chirurgie prophylactique est recommandée une fois le projet parental accompli, à partir de l’âge de 45 ans ou, en cas d’antécédent familial de cancer de l’endomètre, 5 ans avant le cancer le plus précoce.

L’utilisation des contraceptions hormonales et/ou d’un traitement hormonal substitutif après une chirurgie prophylactique n’est pas contre-indiquée chez les femmes ayant un syndrome de Lynch.

La prescription d’une contraception hormonale est à privilégier par rapport aux contraceptions non hormonales, du fait de son effet potentiellement protecteur sur les cancers du spectre hereditary non polyposis colon cancer.

Références
1. Bonadona V, Bonaïti B, Olschwang S, et al. Cancer risks associated with germline mutations in MLH1, MSH2 et MSH6 genes in Lynch syndrome. JAMA 2011;305:2304-10.
2. Colombo N, Creutzberg C, Amant F, et al; ESMO-ESGO-ESTRO Endometrial Consensus Conference Working Group. ESMO-ESGO-ESTRO Consensus Conference on Endometrial Cancer: diagnosis, treatment and follow-up. Ann Oncol 2016;27:16-41.
3. Schmeler KM, Lynch HT, Chen LM, et al. Prophylactic surgery to reduce the risk of gynecologic cancers in the Lynch syndrome. N Engl J Med 2006;354:261-9.
4. Dashti SG, Chau R, Ouakrim DA, et al. Female hormonal factors and the risk of endometrial cancer in lynch syndrome. JAMA 2015;314:61-71.
5. Lu KH, Loose DS, Yates MS, et al. Prospective multicenter randomized intermediate biomarker study of oral contraceptive versus depo-provera for prevention of endometrial cancer in women with Lynch syndrome. Cancer Prev Res 2013;6:774-81.

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