Objectifs
Expliquer les éléments de prévention vis-à-vis des infections à risque fœtal. Préciser les particularités de la pharmacocinétique des médicaments chez la femme enceinte et les risques des médicaments durant la grossesse. Donner une information sur les risques liés

Infections et grossesse

Virus

Cytomégalovirus (CMV)

Le CMV est un virus à ADN, du groupe des Herpesviridae. La contamination est interhumaine, directe, et se fait par l’intermédiaire des sécrétions infectées telles que la salive, les urines, les sécrétions corporelles et le sang.
Chez la femme enceinte, l’infection est le plus souvent asymptomatique ou se présente sous la forme d’un syndrome pseudogrippal. Les réinfections et les récurrences sont possibles. Le CMV est responsable de l’infection congénitale la plus fréquente : 0,3 à 1 % des nouveau-nés excrètent du CMV dans leurs urines, en France.
La transmission materno-fœtale se fait par voie ­hématogène transplacentaire et augmente avec l’âge gestationnel (de 30 % au premier trimestre à 60 % au dernier trimestre). Les formes graves sont essentiellement celles acquises avant 20 semaines d’aménorrhée (SA) et particulièrement au premier trimestre.
L’infection est asymptomatique dans 90 % des cas à la naissance. Dans ces situations, la séquelle essentielle est la perte d’audition dans 5 % des cas. Le CMV est la deuxième cause de troubles auditifs, après les causes génétiques. Chez les nouveau-nés symptomatiques, les séquelles peuvent être extrêmement lourdes dans 90 % des cas.
Le dépistage systématique pendant la grossesse n’est actuellement pas recommandé par le haut conseil de la santé publique. S’il est réalisé, notamment chez les patientes à risque d’infection, il doit etre mensuel pendant la periode à risque foetal si la serologie initale est negative, et devant toute fièvre maternelle.
Les grands principes de l’interprétation de la sérologie du CMV pendant la grossesse sont les suivants :
  • première sérologie IgG-, IgM- : patiente non immunisée, information sur les conseils d’hygiène recommandée +++ , porposer une surveillance ;
  • première sérologie IgG+, IgM- : immunité anti-CMV mais attention au risque de réinfection. L’information sur les mesures d’hygiène doit quand même être faite . Aucun controle sérologique ne doit être fait ;
  • première sérologie IgG+, IgM+ : possibilité d’une infection récente mais aussi d’une présence non spécifique des IgM. Faire une sérologie sur un sérum antérieur qui aurait été gardé (toxoplamose, βHCG…), demander un test d’avidité des IgG pour dater l’infection ;
  • première sérologie IgG-, IgM+ : début d’infection ou IgM non spécifiques nécessitant un contrôle de sérologie 5 à 10 jours plus tard ;
  • deuxième sérologie montrant l’apparition d’IgG alors qu’il n’y en avait pas auparavant : séroconversion nécessitant une prise en charge spécifique par un expert.
Il est important de rappeler qu’il n’existe aucun profil sérologique spécifique pouvant affirmer un diagnostic de réinfection ou de réactivation.
En cas de séroconversion à CMV pendant la grossesse, un traitement préventif de la transmission materno-­fœtale doit être proposé dès le diagnostic de l’infection maternelle : valaciclovir 2 g quatre fois par jour. Ce traitement réduit le taux de transmission de l’ordre de 60 %. Une amniocentèse peut être proposée en respectant deux critères : après 21 SA et 6 semaines après la séroconversion avec recherche du virus par PCR (polymerase chain reaction).
En cas d’amniocentèse négative, la surveillance échographique peut être allégée. En cas d’amniocentèse ­positive ou si celle-ci n’a pas été réalisée, il est licite de proposer une surveillance échographique tous les quinze jours, voire une IRM vers 32 SA.
Une interruption de grossesse peut être discutée en cas de signes échographiques, en particulier cérébraux.
Dans tous les cas, à la naissance, le CMV est recherché dans les urines du nouveau-né et, en cas de positivité, une surveillance de l’audition est réalisée tous les ans jusqu’à l’âge de 6 ans.
Le mot d’ordre est donc la prévention, reposant sur des mesures d’hygiène simples qui ont démontré leur efficacité :
  • éviter tout contact avec les sécrétions d’enfants en bas âge (un tiers d’entre eux étant porteurs du virus), c’est-à- dire ne pas utiliser les mêmes couverts, le même verre, ne pas embrasser les enfants sur la bouche ;
  • lavage des mains +++.
 

Herpès génital

Il s’agit d’une des infections sexuellement transmissibles les plus fréquentes, touchant 20 % des femmes. Elle est liée aux herpèsvirus de types 1 et 2 (HSV 1 et 2). HSV1 est le plus souvent associé aux infections buccales, et HSV2 aux infections génitales. De rares cas de transmission in utero ont été décrits, aboutissant à des fœtopathies sévères. En cas d’infection herpétique pendant la grossesse, aucun suivi de diagnostic prénatal spécifique n’est recommandé. Un herpès génital maternel au moment de l’accouchement doit faire craindre l’infection néonatale, rare mais gravissime, à l’origine d’une mortalité et de séquelles neurologiques majeures en cas d'infection primaire maternelle. L’infection du nouveau-né se fait au moment de l’accouchement, par le passage par les voies génitales.
Après l’accouchement, les infections du nouveau-né peuvent se faire par contact avec des lésions labiales de la mère ou de l’entourage, qu’il faut éviter.
L’herpès néonatal est associé à un risque majeur de décès ou de séquelles neurologiques par septicémie herpétique ou méningo-encéphalite herpétique.
En cas de présence de lésions herpétiques au moment de l’accouchement, une césarienne de protection fœtale est indiquée, s’il s’agit d’une infection initiale primaire . En cas de primo-infection dans le dernier mois de la grossesse, une césarienne est également indiquée, surtout s'il s'agit d'une infection initiale primaire.
En cas de récurrence pendant la grossesse, il faut traiter la crise par aciclovir ou valaciclovir, et il convient de mettre en place un traitement prophylactique durant le dernier mois de la grossesse.
En cas de première manifestation ou de lésion atypique, un bilan biologique associant une sérologie spécifique de type et une PCR au niveau de la lésion est recommandé pour différencier une infection primaire d’une non primaire.
 

Virus de l’immunodéficience humaine (VIH)

En France, 0,1 à 0,2 % des femmes enceintes sont séropositives pour le VIH. Le risque de transmission est de 16 % sans traitement, 1 % sous trithérapie.
La grossesse ne modifie pas l’évolution d’une infection maternelle par le VIH, et le VIH ne semble pas avoir d’influence néfaste sur le déroulement de la grossesse. Le risque de transmission se situe principalement en fin de grossesse et lors de l’accouchement ; il augmente avec le stade de l’infection (sida déclaré, charge virale élevée, chute du taux de lymphocytes CD4) et en cas de rupture prématurée des membranes, accouchement prématuré, chorioamniotite. Afin de prévenir l’infection materno­fœtale, le dépistage maternel (sérologies VIH 1 et VIH 2) est systématiquement proposé en début de grossesse et renouvelé en fin de grossesse chez les couples à risque.
Le VIH n’est pas tératogène.
En cas de séropositivité pour le VIH, un suivi multidisciplinaire doit être mis en place avec une surveillance régulière de la charge virale et du taux de lymphocytes CD4. Un traitement antirétroviral est instauré afin d’obtenir une charge virale indétectable. Le choix des anti­rétroviraux se fait en lien avec les infectiologues et le centre de pharmacovigilance. Il associe deux inhibiteurs de la transcriptase inverse, et un inhibiteur de protéase. La césarienne prophylactique n’est pas systématique. Elle est indiquée au cas par cas en fonction de la charge virale. Si celle-ci est négative, un accouchement par voie basse est envisageable tout en évitant tout geste invasif (pH au scalp…). Une perfusion d’AZT n’est pas systématique pendant la durée du travail. L’allaitement maternel est contre-indiqué, mais cela pourrait changer dans un futur proche. Le nouveau-né reçoit un traitement par AZT pour une durée de six semaines. Une trithérapie peut lui être prescrite dans certaines situations majorant son risque de contamination.
 

Rubéole

Il s’agit d’une pathologie devenue rare de nos jours et dont le mot d’ordre est la prévention par la vaccination généralisée. Cette infection virale à transmission respiratoire ou transplacentaire lors de virémie se présente sous la forme d’un tableau clinique peu spécifique (incubation de 14 jours, phase éruptive débutant sur le visage). La primo-­infection rubéoleuse d’une femme enceinte en début de grossesse peut être responsable d’une embryofœtopathie grave : la rubéole congénitale (retard de croissance intra-­utérin, cardiopathies, anomalies cérébrales, ophtal­mologiques, surdité…). Le risque est majeur avant 12 SA et presque nul après 18 SA. Une sérologie maternelle est obligatoire en début de grossesse et est réalisée en cas d’éruption maternelle évocatrice ou de contage.
Le dépistage de la rubéole pendant la grossesse est obligatoire.
Selon les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), en l’absence de contage ou d’éruption, seules les IgG sont dosées au début de la grossesse.
Si elles sont négatives, on dose les IgG à 20 SA, dans le même laboratoire. Si elles restent négatives, on arrête la surveillance, et la vaccination est faite à la naissance. Si la deuxième sérologie est positive, il faut prendre l’avis d’un laboratoire de référence avant d’annoncer une infection aux parents (il peut exister des pièges d’interprétation).
Si elles sont positives, la surveillance est interrompue sans deuxième dosage.
On ne recherche des IgM qu’en cas de signe clinique ou de contage.
Il faut aussi retenir les éléments suivants :
  • une preuve de sérologie rubéole IgG positive un jour suffit, il est inutile de contrôler lors des grossesses ultérieures (recommandation de l’OMS) ;
  • en cas de preuve de deux vaccinations, il est inutile de revacciner et de faire des sérologies, la patiente est considérée comme immunisée, quelle que soit sa sérologie (recommandation de l’OMS).
Une infection par la rubéole prouvée avant 18 SA impose la recherche d’une infection fœtale reposant sur la réalisation d’une amniocentèse avec recherche du virus par PCR. Si celle-ci est positive, une surveillance échographique mensuelle est mise en place. La demande d’interruption médicale de grossesse est discutable d’emblée en cas de primo-infection maternelle avant 12 SA.
En cas de doute, il faut absolument analyser les sérologies en collaboration avec les biologistes, avant d’informer la patiente.
 

Hépatite B

En France, 1,5 % des femmes enceintes ont des Ag HBs positifs. Il n’existe pas d’embryofœtopathie liée au virus de l’hépatite B. Son risque est lié à une contamination périnatale. La prévention repose sur la sérovaccination des nouveau-nés de mère Ag HBs+. Le dépistage de l’infection maternelle est obligatoire au 6e mois de grossesse. Il consiste en une recherche de l’antigène HBs. Cependant, de plus en plus de sociétés savantes prônent le dépistage par une triple sérologie au premier trimestre de la grossesse.
La présence d’antigènes HBs doit faire prescrire :
  • un bilan hépatique complet ;
  • une sérologie complète de l’hépatite B (Ac anti-HBc, Ac anti-HBe, Ac anti-HBs) et recherche des marqueurs de réplication virale (Ag HBe et ADN viral) ;
  • un bilan des co-infections : sérologies VHC, VHD, VIH.
Ce bilan permet de différencier une infection maternelle chronique (95 % des cas, et dont le risque de transmission fœtale dépend de la charge virale) d’une infection aiguë (5 % des cas, le plus souvent asymptomatique, mais dont le risque de transmission périnatale est majeur).
En cas de charge virale élevée, un traitement antiviral peut être prescrit à la mère au dernier trimestre de la grossesse.
Le risque est la transmission périnatale du virus et l’infection aiguë (hépatite néonatale) ou chronique du nouveau-né. L’enfant s’infecte le plus souvent au moment de l’accouchement, principalement par exposition au sang et aux sécrétions génitales maternelles contenant du virus (la transmission pendant la grossesse par voie transplacentaire est très rare). Le risque de transmission dépend de la charge virale. La césarienne prophylactique n’est pas justifiée. L’allaitement n’est pas contre-indiqué. La prévention repose sur une prise en charge systématique du nouveau-né de mère Ag HBs+ par la sérovaccination, qui doit être réalisée le plus rapidement possible après l’accouchement.
 

Hépatite C

L’infection touche 1 % des femmes enceintes, souvent associée au VIH, qui augmente son risque de transmission au nouveau-né. Son dépistage (recherche d’anticorps anti-VHC) n’est pas obligatoire au cours de la grossesse, mais doit être demandé en cas de situation à risque (transfusions itératives dans les antécédents, toxicomanie intraveineuse, patiente VIH+). Si le dépistage maternel est positif, il faut préciser la charge virale (recherche de l’ARN viral par PCR) et s’il existe une co-­infection VIH. Comme pour l’hépatite B, le risque est la transmission périnatale du virus (surtout au moment de l’accouchement, et il est d’autant plus élevé que la charge virale est importante) et l’infection chronique de l’enfant. La césarienne prophylactique n’a pas d’intérêt, et l’allaitement maternel n’est pas contre-indiqué, sauf existence de crevasses ou saignement du mamelon.
 

Parvovirus B19

Virus à ADN, de la famille des Parvoviridae, il a un tropisme particulier pour les précurseurs érythrocytaires dans lesquels il se réplique, et bloque la maturation des cellules, entraînant une sidération médullaire responsable d’une anémie aiguë. Quarante pour cent des femmes enceintes ne sont pas immunisées contre le parvovirus B19, et 1 % d’entre elles font une primo-­infection pendant leur grossesse. L’infection, sans gravité chez la mère, apparaît sous la forme d’une éruption mal déterminée, mais expose le fœtus à une infection in utero, par voie hématogène transplacentaire dans 30 % des cas. Les risques fœtaux principaux sont la myocardite virale, l’anémie foetale voire, dans les cas sévères, l’anasarque fœtoplacentaire avec risque de mort fœtale in utero. Le diagnostic de l’infection maternelle repose sur la sérologie PVB19 et celle de l’infection fœtale sur l’amniocentèse (recherche d’ADN viral par PCR). Il n’existe ni mesures de prévention ni traitement spécifique. En cas de séroconversion pendant la grossesse, un suivi échographique, à la recherche de signes d’anémie (vitalité fœtale, vitesses cérébrales…), est instauré de façon rapprochée pendant trois mois. En cas d’anémie fœtale, un traitement purement symptomatique reposant sur une transfusion in utero est mis en place. Le virus n’est pas responsable de malformations, mais une anémie sévère prolongée peut entraîner des anomalies cérébrales qu’il faut rechercher par échographie et IRM.
 

Varicelle

Il s'agit d'une infection virale (virus à ADN de la famille des Herpesviridae) à transmission interhumaine directe (par voie aérienne lors de l’inhalation de particules infectieuses ou par contact direct avec une lésion cutanée), extrêmement contagieuse (48 heures avant le rash jusqu’au stade croûteux), mais rare à l’âge adulte et contre laquelle seules 5 % des femmes enceintes ne sont pas immunisées. Après une incubation de quatorze jours, l’infection maternelle apparaît sous la forme d’une éruption maculo-papuleuse prurigineuse, avec intervalles de peau saine, guérissant de façon spontanée en une quinzaine de jours.
L’infection maternelle avant 20 SA peut entraîner un syndrome polymalformatif (retard de croissance intra-­utérin, lésions neurologiques, ophtalmologiques, digestives, pulmonaires et musculaires).
En fin de grossesse et en péripartum, l’infection maternelle peut entraîner une varicelle néonatale maligne (éruption généralisée avec lésions ulcéro-hémorragiques, potentielle atteinte viscérale et/ou pulmonaire) avec mortalité élevée.
La pneumopathie varicelleuse, complication la plus fréquente et sévère chez l’adulte, reste rare, mais plus grave chez la femme enceinte, avec mise en jeu du pronostic vital. Le diagnostic est clinique. S’il existe un doute, il faut réaliser l’analyse d’un écouvillonnage d’une lésion en immunofluorescence.
En cas de contact d’une femme enceinte séronégative avec un sujet infecté, avant 20 SA, il est nécessaire d’instaurer un traitement antiviral préventif par aciclovir, ainsi qu’un traitement par immunoglobulines spécifiques si le contage date de moins de dix jours. Si l’infection maternelle est confirmée, le traitement est le même et est associé à un suivi échographique fœtal spécialisé et rapproché, à la recherche de signes évocateurs d’embryofœtopathie. À l’approche du terme, une tocolyse pour retarder l’accouchement et permettre à la mère de produire des anticorps se discute. En cas de lésions varicelleuses observées chez la mère dans la période allant de cinq jours avant jusqu’à cinq jours après l’accouchement, l’isolement séparé de la mère et de l’enfant, l’instauration d’un traitement en urgence par aciclovir IV pour une durée de huit jours pour la mère et l’enfant ainsi qu’un traitement par Ig IV du nouveau-né sont les mots d’ordre de la prise en charge materno-­fœtale.
Il est indispensable de vacciner toute femme en âge de procréer séronégative y compris en post partum +++, après vérification qu’il n’existe pas de grossesse en cours.

Parasite : Toxoplasma gondii

En France, 50 % des femmes sont immunisées contre l’infection parasitaire à Toxoplasma gondii. L’incidence de la séroconversion pendant la grossesse est de 1,5 %. L’infection maternelle peut être transmise au fœtus par voie transplacentaire, responsable d’une toxoplasmose congénitale. L’atteinte fœtale est d’autant plus sévère que l’infection survient tôt pendant la grossesse.
La prévention de la toxoplasmose congénitale repose sur un dépistage sérologique systématique en début de grossesse, puis un suivi sérologique mensuel des femmes séronégatives. Des mesures hygiénodiététiques simples sont à expliquer aux patientes telles que se laver les mains après avoir cuisiné, jardiné, avant les repas, laver consciencieux des fruits et légumes, bien cuire la viande, éviter les contacts avec les chats sauvages.
En cas de séroconversion maternelle, le risque est la diffusion hématogène et le passage transplacentaire de T. gondii pouvant infecter le fœtus. Ce risque est très faible en début de grossesse et augmente avec le terme, alors qu’à l’inverse le risque malformatif est maximal en début de grossesse. Toute séroconversion maternelle doit imposer la mise en route d’un traitement par spiramycine ou pyriméthamine-sulfadiazine selon le terme.
Le diagnostic de toxoplasmose congénitale repose sur une amniocentèse (recherche du parasite par PCR ; le test d’inoculation à la souris ne se fait plus) dès 18 SA et 4 semaines après la séroconversion maternelle. En cas d’amniocentèse négative, il faut maintenir le traitement par spiramycine jusqu’à l’accouchement. En cas d’infection congénitale, et en l’absence de signes échographiques de fœtopathie, la grossesse est poursuivie, et un traitement curatif mis en place : pyriméthamine-sulfadiazine. En cas de signes de fœtopathie, une interruption médicale de grossesse peut être discutée. À la naissance, un bilan néonatal reposant sur un examen clinique, une échographie transfontanellaire, un examen placentaire et des sérologies sont systématiquement réalisés.

Bactéries

Syphilis

Infection sexuellement transmissible en plein essor. Le depistage repose sur une serologie syphilis en debut de grossesse à renouveller dans les populations à risque. Son incubation de trois semaines est suivie dans 90 % des cas par un chancre génital, indolore, circonscrit, à base indurée, souvent associé à une adénopathie : on parle de syphilis primaire. En l’absence de traitement, le risque est l’évolution en syphilis secondaire, puis tertiaire. En dehors de tout traitement, le risque de transmission fœtale est de 50 %. Les principales conséquences fœtales au cours de la grossesse sont les fausses couches tardives, les morts fœtales in utero, les retards de croissance, la prématurité et la syphilis congénitale (anasarque, lésions cutanéo-­muqueuses, osseuses, poly­viscérales). Sa prévention, comme toute infection sexuellement transmissible, repose sur l’éducation des patientes et de leurs partenaires (rapports sexuels protégés…) et le dépistage sérologique systématique en début de grossesse, à renouveler en fin de grossesse chez les couples à risque.
Le diagnostic, évoqué par la clinique, est confirmé par la mise en évidence de Treponema pallidum au microscope à fond noir après prélèvement de chancre ou sérologie positive. L’infection maternelle nécessite la mise en place d’un traitement antibiotique par benzathine benzylpénicilline (1 injection intramusculaire de 2,4 millions d’unités). À la naissance sont réalisés un examen clinique complet du nouveau-né, un examen bactériologique du placenta, des sérologies sur prélèvements de sang au cordon. Un traitement antibiotique est instauré si une syphilis congénitale est confirmée.
 

Listeria monocytogenes

Maladie à déclaration obligatoire, due à Listeria mo­no­cytogenes, bacille Gram+, aéro-anaérobie facultatif, résistante au froid, et donc non détruite par la congélation mais uniquement par la pasteurisation, la listériose est fréquente chez l’animal et transmissible à l’homme par contamination digestive. La femme enceinte est particulièrement sensible à cette infection du fait de la dimi­nution des défenses immunitaires au cours de la grossesse. Cette sensibilité augmente avec le terme. La symptomatologie infectieuse, pauvre, consiste essentiellement en une fièvre isolée. Ainsi, toute fièvre chez une femme enceinte est une listériose, jusqu’à preuve du contraire. Peu dangereuse pour la mère, la listériose peut être responsable de chorioamniotite, pouvant entraîner, selon le terme, avortement spontané fébrile, accouchement prématuré fébrile avec un risque de méningo-­encéphalite et de septicémie néonatale, avec une mortalité très élevée. Il s’agit de la troisième cause de méningite néonatale, après Escherichia coli et le streptocoque B.
Le diagnostic repose sur l’isolement du germe (sur des hémocultures, qui sont systématiques devant toute fièvre chez la femme enceinte, avec recherche spécifique de Listeria monocyto­genes).
Le traitement repose sur une antibiothérapie par voie veineuse, par amoxicilline 6 g par jour pendant vingt et un jours. Des règles hygiénodiététiques sont à expliquer aux patientes afin de prévenir l’infection : éviter les aliments à risque (charcuterie, fromages au lait cru, fruits de mer, saumon fumé), bien cuire viandes et poissons, se laver les mains fréquemment, vérifier les dates de péremption, respecter la chaîne du froid...
Dans les cas de fièvre sans hémocultures positives, mais sans autres points d’appel, une antibiothérapie par amoxicilline reste le traitement recommandé.
 

Streptocoque B

La prévalence du portage asymptomatique chez la femme enceinte de ce germe (cocci à Gram+) atteint 10 % ; les potentielles conséquences fœtales de cette infection en font un problème de santé publique.
En effet, le risque est la survenue de chorioamniotite, d’infections néonatales précoces ou tardives (détresses respiratoires, septicémies, méningites), d’endométrites du post-partum… Son portage est dépisté de façon systématique par prélèvement vaginal, entre 34 et 38 SA, afin de déterminer la nécessité d’un traitement antibiotique perpartum. Le portage du streptocoque B ne présente pas de risque fœtal et nécessite donc un traitement uniquement lors de la rupture des membranes ou en perpartum. L’antibioprophylaxie perpartum (par amoxicilline 2 g puis 1 g/4 heures IV tout au long du travail) est recommandée en cas de portage lors de la grossesse mais aussi en cas de bactériurie à streptocoque B au cours de la grossesse, d’antécédent d’infection néonatale à streptocoque B et en l’absence du dépistage de fin de grossesse.

Médicaments et grossesse

Trois pour cent des enfants naissent porteurs d’une malformation pour laquelle les médicaments sont mis en cause dans 5 % des cas.
Tout médicament administré à la mère pendant la grossesse peut avoir des répercussions sur le fœtus, immédiates ou à plus long terme, la barrière fœtoplacentaire ayant en pratique un rôle relativement peu important dans la limitation du passage mère-enfant. Tout médicament ayant un poids moléculaire inférieur à 600 UI passe vers le fœtus. De façon générale, les médicaments les plus gros ne passent pas le placenta (héparine, insuline…) et ne posent donc pas de problème.
La pharmacocinétique d’un médicament est modifiée chez la femme enceinte :
  • modification de la résorption gastro-­intestinale : la motilité de l’estomac et de l’intestin est diminuée, le temps de vidange gastrique augmente de plus de 30 %, ce qui ralentit la résorption, mais la présence du médicament en son site de résorption augmente aussi, augmentant le Cmax ;
  • distribution : considérablement remaniée en raison de modifications hémodynamiques (augmentation du débit cardiaque et de la pression artérielle) et modification des répartitions des compartiments liquidiens ;
  • élimination rénale : le débit sanguin rénal double pendant la grossesse, entraînant une majoration de l’élimination rénale des médicaments.
Il n’existe pourtant pas de règles générales à appliquer chez la femme enceinte dans la prescription médicamenteuse pour prendre en compte ces modifications pharmacocinétiques.
Le risque tératogène dépend du terme. Trois cas de figure sont identifiables :
  • la période allant jusqu’au dixième jour post-conceptionnel où l’atteinte de l’œuf entraîne le plus souvent un avortement spontané précoce ;
  • entre 4 et 10 SA, période d’organogenèse, avec un risque tératogène majeur ;
  • après 10 SA, où le risque n’est plus tératogène, les organes étant déjà formés, mais concerne plutôt le développement, la maturation fœtale.
Voici quelques exemples de médicaments à retenir. En cas d’exposition, il faut se référer aux données les plus récentes sur le médicament en question, à la dose, à la durée et au moment d’exposition. Au moment de discuter tout médicament pris de façon chronique chez une femme enceinte, il faut prendre en compte la balance entre les avantages du traitement pour la mère et les risques pour le fœtus, et informer la patiente.
Cette liste n’est pas exhaustive. La prescription de médicaments pendant la grossesse doit refaire discuter le rapport bénéfice-risque au cas par cas en fonction des pathologies maternelles. Dans ce cadre, des consultations préconceptionelles sont indispensables, en collaboration avec le spécialiste concerné (psychiatre, cardiologue, neurologue…). Il faut toujours privilégier le médicament le plus ancien pour lequel on a le plus de recul et ne laisser en place que les médicaments indispensables. En cas de doute, il est conseillé de se référer au site spécifique www.lecrat.org.

Médicaments tératogènes

Isotrétinoïne et acitrétinoïne

Il s’agit de dérivés de la vitamine A, indiqués dans les acnés sévères, avec un effet tératogène majeur et donc formellement contre-indiqués pendant la grossesse. Leur prescription nécessite un test de grossesse sérique négatif préalable, datant de moins de trois jours et qui est répété un mois après le début du traitement, puis tous les deux mois jusqu’à la cinquième semaine après l’arrêt du traitement. La prise d’une contraception efficace, débutant un mois avant le traitement et ne se terminant qu’après un mois post-traitement, est indispensable.
Les malformations pouvant être dues à ces médicaments sont cérébrales, cardiaques, squelettiques.
En cas de grossesse, une interruption médicale de grossesse peut être envisagée d’emblée.
 

Valproate de sodium

Ce traitement neurologique est à l’origine d’anomalies de la fermeture du tube neural et est contre-indiqué pendant la grossesse. Il peut également être responsable de malformations de la face et des membres. S’il ne peut être arrêté, il doit être associé à une prescription d’acide folique, et des échographies doivent être orientées vers une recherche d’anomalie de fermeture du tube neural.
 

Lithium

Pourvoyeuse de malformations cardiaques dans 5 % des cas, la prise de lithium pendant la grossesse nécessite la réalisation d’échographies fœtales cardiaques spécialisées.
 

Antivitamines K

Formellement contre-indiquée au premier trimestre de grossesse (risque d’embryopathie) et au troisième trimestre (risque hémorragique périnatal), leur prescription n’est envisageable qu’au deuxième trimestre. Au premier trimestre, elles peuvent être responsables du « warfarin syndrome » : dysmorphie faciale, hypoplasie des dernières phalanges, calcifications osseuses, anomalies cérébrales. En cas d’exposition, des échographies orientées et une IRM doivent être réalisées.
 

Misoprostol

Médicament fréquemment utilisé en gynécologie au premier trimestre pour provoquer l’évacuation de grossesses arrêtées, cette prescription est hors auto­risation de mise sur le marché (AMM). Si la grossesse est évolutive, ce médicament peut induire un syndrome de Mœbius : paralysie centrale des 6e et 7e paires crâniennes, rétrognathie, trismus, anomalies distales des membres.
 

Immunosuppresseurs : mycophénolate

Il existe un risque de fausse couche dans 50 % des cas, malformations des oreilles, fente labio-palatine, micrognathie. Ce médicament doit être associé à une contraception efficace. Chez les patientes sous immunosuppresseurs, une consultation préconceptionelle est indispensable pour changer de traitement.
 

Antithyroïdiens de synthèse

Ces médicaments sont à l’origine d’aplasies du cuir chevelu, d’atrésies des choanes, voire de dysmorphies faciales, d’omphalocèle, de laparoschisis. Il peut également y avoir des goitres fœtaux.

Médicaments à risque fœtal

Inhibiteurs de l’enzyme de conversion

Ils sont formellement contre-indiqués pendant la grossesse car pourvoyeurs de complications maternelles (ils aggravent l’hypovolémie maternelle dans le cadre de la prééclampsie) et d’insuffisance rénale fœtale définitive.
 

Anti-inflammatoires non stéroïdiens

Ils sont à éviter pendant la grossesse mais surtout formellement contre-indiqués au troisième trimestre car pourvoyeurs de morts fœtales in utero, de fermetures prématurées du canal artériel, de détresses respiratoires néonatales, d’insuffisances rénales fœtales…

Médicaments à risque néonatal

Inducteurs enzymatiques (phénobarbital, phénytoïne, carbamazépine)

Ils agissent sur le métabolisme des vitamines K et D et sont donc pourvoyeurs de syndromes hémorragiques précoces et d’anomalies du bilan phosphocalcique. Ils ne sont pas contre-indiqués pendant la grossesse mais nécessitent une supplémentation quotidienne en vitamine K orale pendant le dernier mois de grossesse et en vitamine D le dernier trimestre.
 

Bêtabloquants

Les bêtabloquants augmentent le risque d’insuffisance cardiaque néonatale mais aussi de bradycardie et d’hypo­glycémie. De rares cas de retard de croissance ont été décrits. Leur prise pendant la grossesse impose une surveillance néonatale de trois jours.
 

Antibiotiques contre-indiqués pendant la grossesse

Il s’agit des tétracyclines, des aminosides (ototoxiques), des quinolones.

Vaccins

Les vaccins vivants atténués sont contre-indiqués pendant la grossesse. Il s’agit des vaccins contre la tuberculose (BCG), la rubéole, la rougeole, les oreillons (ROR), la fièvre jaune et la varicelle. Les femmes séronégatives seront donc vaccinées lors du post-partum.
Attention ! les vaccinations contre la grippe, le téta­nos, la poliomyélite, la rage, la coqueluche, le SARS-CoV-2 et l’HPV sont réalisables pendant la grossesse.

Intoxications et grossesse

Tabac

Véritable problème de santé publique, la consommation tabagique de la femme enceinte reste en augmentation. Plus de 25 % des femmes enceintes fument, et un quart poursuivent leur consommation pendant la grossesse. Pourtant, les complications pergravidiques sont significativement diminuées par un sevrage tabagique avant, voire même pendant, la grossesse. Les principaux constituants de la fumée du tabac passent la barrière placentaire, ce qui explique le risque pour le fœtus.
Avant même la grossesse, il est important de savoir que le tabac est responsable d’une baisse importante de la fécondité, en diminuant la réserve ovarienne et par le biais d’un effet antiœstrogénique de la nicotine. Cet effet, associé à la toxicité directe de la nicotine, altère la mobilité tubaire et explique un risque relatif de grossesse extra-utérine deux fois plus important que chez les non-fumeuses.
Le monoxyde de carbone, ayant une affinité pour l’hémoglobine supérieure à celle de l’oxygène, entraîne la formation de carboxyhémoglobine responsable d’une hypoxémie fœtale et des complications obstétricales. Le taux de fausses couches spontanées précoces, multiplié par deux chez la fumeuse, serait dû à une altération ovocytaire, de la qualité de l’endomètre, ainsi qu’à une diminution du flux sanguin utérin. Le risque relatif d’accouchement prématuré, et de rupture prématurée des membranes est également multiplié par deux chez les consommatrices. Le tabagisme, associé à la diminution du débit sanguin placentaire par altération des artères villeuses et à un effet toxique fœtal direct, est responsable d’une diminution du poids fœtal, proportionnelle à la consommation, voire d’un retard de croissance intra-utérin. Le taux d’anomalies placentaires comme le placenta prævia (secondaire à une hyper­trophie placentaire en réponse à l’hypoxémie fœtale), l’hématome rétroplacentaire (par nécrose déciduale ischémique) est multiplié par deux. Enfin, 11 % des malformations fœtales intra-utérines seraient attribuables au tabac. La majorité de ces complications est dose-dépendante.
Après la naissance, le tabac est également mis en cause dans la mort inattendue du nourrisson, dont le risque relatif est multiplié par deux chez les fumeuses. Il est également incriminé dans le sur-risque d’infections respiratoires basses et les otites de l’enfant, et dans l’obési­té de l’adolescent.
Il faut donc encourager le sevrage tabagique, chez les femmes désirant une grossesse comme chez les femmes déjà enceintes. Il faut adresser ces patientes en consultation spécialisée de tabacologie pour évaluer leur degré de dépendance, instaurer une thérapeutique adaptée (traitement nicotinique substitutif si nécessaire) et un suivi afin d’éviter les syndromes de sevrage et les risques de rechute (75 % des femmes rechutent dans la première année après l’accouchement).

Alcool

L’alcool, qui traverse la barrière placentaire, possède un effet tératogène et neurotoxique sur les structures cérébrales fœtales, quel que soit l’âge gestationnel. Contrairement au tabac, il ne semble pas y avoir d’effet dose-dépendant, et une consommation même modérée et ponctuelle pendant la grossesse peut entraîner des risques fœtaux importants. C’est le syndrome d’alcoolisme fœtal.
Le syndrome d’alcoolisme fœtal associe quatre éléments à des degrés divers :
  • retard de croissance (80 %) ;
  • dysmorphie crânio-faciale : ensellure nasale prononcée, nez court ; lèvre supérieure mince et convexe avec philtrum allongé, menton petit, étroit, fentes palpébrales étroites, oreilles basses, mal ourlées ;
  • malformations dans 10 à 30 % des cas : spina bifida, agénésie du corps calleux, malformations cardiaques, fentes labio-palatines ;
  • retard mental, qui peut être isolé.
Première cause de retard mental non génétique, le syndrome d’alcoolisation fœtale concerne 1 naissance sur 3 000. La gravité de l’atteinte fœtale est fonction de la dose ingérée, de la durée d’exposition et du terme de la grossesse, bien qu’une intoxication aiguë semble également dangereuse. La consommation d’alcool et sa quantité sont recherchées à l’interrogatoire chez toutes les femmes enceintes au cours du suivi. Au moindre doute, on réalise des examens biologiques comprenant alcoolémie, gamma GT et VGM, ces derniers paramètres étant augmentés dans le cadre d’une consommation chronique et se normalisant après plus de deux mois de sevrage. La patiente doit être adressée à un spécialiste addictologue. L’objectif est une consommation nulle d’alcool pendant toute la grossesse.
L’interrogatoire est la clé du dépistage. Il doit être intensifié en présence des situations cliniques suivantes : antécédent de syndrome d’alcoolisme fœtal, contexte de toxicomanie, contexte de violences conjugales, d’abus sexuels, tabagisme important, anomalie échographique.
L’utilisation d’une aide médicale au sevrage est possible (acamprosate). Il faut rechercher une carence vitaminique associée, la prise d’autres toxiques, envisager une prise en charge sociale de l’enfant à venir, prévenir les pédiatres. La surveillance échographique doit être adaptée. Au moment de l’hospitalisation, une prévention du delirium tremens doit être réalisée.

Drogues

La consommation de drogues pendant la grossesse est lourde de conséquences, autant pour la mère que pour le fœtus, avec un risque de séquelles majeures. Les femmes enceintes consommatrices de drogues illicites sont essentiellement des polyconsomatrices, combinant de façon très variable des opiacés, du cannabis, de la cocaïne et du crack, des amphétamines, des médicaments détournés (benzodiazépines). À ces consommations s’ajoutent fréquemment l’alcool et le tabac.
Ces grossesses sont donc à haut risque et nécessitent un suivi particulier, rapproché, multidisciplinaire, si possible en centres spécialisés. Un soutien psychosocial est indispensable ainsi qu’une prise en charge par les services de protection maternelle et infantile (PMI) associant assistantes sociales, médecins, sages-femmes, puéricultrices. Le risque de troubles de l'attachement mère-enfant ne doit pas être négligé.
 

Opiacés (héroïne, méthadone, morphine)

Les opiacés ayant un effet antigonadotrope et hyperprolactinémiant, ils sont souvent responsables d’une aménorrhée, ce qui peut entraîner, lors d’une grossesse, un retard au diagnostic et donc à la prise en charge. La consommation de drogues par voie intraveineuse est pourvoyeuse d’infections telles que le VIH, le VHC, le VHB et donc d’un risque accru de transmission néonatale. Le risque d’avortements spontanés est également augmenté. A été également observée une augmentation du risque relatif de retard de croissance intra-utérine, d’accouchements prématurés (augmentation des contractions utérines pendant les périodes de manque), de malformations fœtales intra-­utérines, et de la mortalité périnatale. Les opiacés ne sont pas tératogènes.
À la naissance, le risque majeur pour le nouveau-né est le syndrome de sevrage, caractérisé par des troubles respiratoires (apnées, tachypnée), neurologiques (convulsions, troubles du comportement et de la déglutition) et digestifs (diarrhée pouvant aller jusqu’à la déshydratation). En cas de toxicomanie à l’héroïne, la mise en route d’un traitement de substitution par méthadone ou buprénorphine est nécessaire.
 

Cocaïne, crack

La cocaïne, source de perturbations hémodynamiques maternelles telles que des poussées hypertensives et un effet vasoconstricteur important, est responsable d’une augmentation du risque d’accident vasculaire cérébral, d’infarctus du myocarde, d’œdème aigu du poumon, de fausses couches spontanées, de pré­éclampsie, d’hématomes rétroplacentaires, de placenta prævia… L’hypoperfusion placentaire est responsable d’un sur-risque fœtal de retard de croissance intra-utérin, d’accouchements prématurés. L’effet neurotoxique direct de la cocaïne est source de malformations fœtales, de séquelles neurologiques et psychomotrices. Le risque de mort subite du nourrisson est également augmenté. L’allaitement est strictement contre-indiqué, la cocaïne passant dans le lait maternel.
 

Cannabis (tétrahydrocannabinol)

Drogue la plus consommée en France, le cannabis possède des effets tératogènes pour de grandes consommations. La consommation occasionnelle de la femme enceinte serait moins risquée pour l’enfant que la consommation régulière, ce qui ne signifie pas pour autant qu’elle est sans risque, et la consommation de cannabis doit être proscrite pendant la grossesse. Il a été observé chez les enfants de mère consommatrice un sur-risque de retard de croissance intra-utérin, de prématurité. Les consommatrices présentent davantage de facteurs de risque de retard de croissance intra-utérin, tels que la dénutrition, un suivi obstétrical de mauvaise qualité, la consommation associée d’autres toxiques (tabac, etc.). Il est important de prendre en compte l’ensemble des facteurs de risque et non seulement la consommation de cannabis. Des troubles du comportement du nouveau-né sont également observés les premiers jours de vie (troubles du sommeil et hyperexcitabilité), justifiant une surveillance pédiatrique rapprochée. Le taux de morts inattendues du nourrisson est également majoré, et certaines études mettent en avant des conséquences sur l’enfant à naître jusqu’à son adolescence comme des difficultés d’apprentissage à 10 ans, des problèmes d’attention, de planification, une diminution des capacités de jugement.

Irradiation et grossesse

Les mécanismes délétères des rayonnements ionisants sont de deux types :
  • la mort cellulaire, à partir d’un seuil de 100-200 mgy. Les neurones sont sensibles à partir de 100-200 mgy, avec une relation dose-effet à partir de 500 mgy. La période de sensibilité maximale est de 10 à 27 SA. Entre 10 et 17 SA, on note une diminution sévère du quotient intellectuel (QI), avec un risque de 40 % d’aliénation mentale à partir de 1 000 mgy. Entre 18 et 27 SA, période de migration neuronale, la diminution du QI est moins importante. Les autres organes sont mieux préservés. Une irradiation très sévère peut entraîner un retard de croissance intra-utérin, et à l’extrême une mort in utero ;
  • les lésions de l’ADN : augmentation de 40 % du risque de leucémie ou augmentation du risque de cancer, sans effet seuil reconnu. C’est la dose précisément arrivée à l’utérus qui est délétère. Lorsque l’utérus n’est pas directement dans le champ d’irradiation, cette dose est souvent très faible. Le radiologue ou le radiothérapeute peuvent calculer ces doses.
L’irradiation naturelle est de l’ordre de 2 mgy/an. L’irradiation médicale moyenne est de 0,5 mgy/an, de différents types : radiodiagnostic (radiographie classique, scanner), médecine nucléaire (injection de produit radioactif dans l’organisme : scintigraphie au technétium, à l’iode), radiothérapie (irradiation à hautes doses de lésions malignes, formellement contre-indiquée pendant la grossesse).
Le risque sur le fœtus dépend de l’âge gestationnel. Jusqu’à dix jours post-conceptionnels, on parle de loi du « tout ou rien ». Une atteinte de l’œuf dans cette période entre fécondation et implantation entraîne une fausse couche. Une irradiation supérieure à 10 cGy, entre 4 et 10 SA, période d’organogenèse, pourrait être responsable de malformations. En pratique, l’irradiation diagnostique n’atteint pas ce niveau, et a donc très peu de risques d’entraîner des malformations d’organes. Après 10 SA, le risque malformatif est inexistant. Le risque, à cette période de neurogenèse, si l’exposition est supérieure à 50 cGy , serait une atteinte du système nerveux central avec retard mental séquellaire. Pour des irradiations faibles avec une dose-gonade inférieure à 10 cGy, les risques de malformations congénitales et de cancers radio-induits sont insignifiants.
Voici quelques exemples de doses moyennes : cliché standard de l’abdomen : 1,4 mgy ; urographie intraveineuse : 1,7 mgy ; scanner rachis lombaire : 2,4 mgy.
La réalisation d’une série de clichés centrés sur le rachis lombaire puis d’un scanner délivre en moyenne 4,1 mGy. On est donc loin de la limite des 100 mgy au-­dessus de laquelle existe un risque avéré pour le fœtus.
Que faire en cas de découverte d’une grossesse après un radiodiagnostic ? Rassurer la patiente. Même en cas d’irradiation directe de l’utérus, la dose délivrée dépasse exceptionnellement les 100 mgy.
En conclusion, au cours de la grossesse et chez les femmes allaitantes, il est recommandé, par mesure de précaution, d’éviter de réaliser des examens radio­logiques. Pourtant, ils sont licites en cas de nécessité médicale et obstétricale si aucun autre examen non ­irradiant ne peut les remplacer.
Points forts
Prévention des risques fœtaux

POINTS FORTS À RETENIR

CMV : infection materno-fœtale la plus fréquente, asymptomatique dans 90 % des cas à la naissance, et pourvoyeuse de séquelles auditives dans 5 % des cas. Si l’infection fœtale est symptomatique, le risque de séquelles neurologiques graves est majeur. La prévention est indispensable.

Herpès génital : en cas de lésions herpétiques liées a une infection primaire au moment de l’accouchement ou de primo-infection dans le dernier mois de la grossesse, la césarienne est indiquée. En cas de récurrence pendant la grossesse, un traitement par aciclovir est à instaurer et à réitérer lors du dernier mois de grossesse. Réflexe IST +++.

VIH : la transmission en fin de grossesse et lors de l’accouchement est fonction de la charge virale et du taux de CD4. Objectif : instaurer un traitement antirétroviral pour obtenir une charge virale indétectable. Pas de césarienne prophylactique ni de perfusion d’AZT systématique, contre-indication à l’allaitement.

Rubéole : dépistage obligatoire pendant la grossesse. Le virus est très tératogène. La prévention repose sur la vaccination universelle.

Toxoplasmose : dépistage sérologique obligatoire. Importance de la prévention.

Syphilis : dépistage sérologique systématique. Risque de malformation fœtale intra-utérine, retard de croissance intra-utérin, syphilis congénitale. Réflexe IST.

Listériose : maladie à déclaration obligatoire. Toute fièvre chez une femme enceinte est une listériose jusqu’à preuve du contraire. Prévention +++.

Hépatite B : dépistage de l’infection maternelle au 6e mois de grossesse (ou mieux en début de grossesse parla triple sérologie). Sérovaccination des nouveau-nés si la mère est Ag HBs+. Pas de césarienne prophylactique ni de contre-indication à l’allaitement.

Streptocoque B : portage dépisté de façon systématique par prélèvement vaginal entre 34 et 38 SA.

Varicelle : un contact datant de moins de 72 heures, d’une femme enceinte séronégative, impose un traitement par immunoglobulines et aciclovir. Vaccination des femmes en âge de procréer

Médicaments contre-indiqués pendant la grossesse : acide valproïque, acitrétinoïne, antimitotiques, isotrétinoïne, misoprostol, thalidomide, AINS après le premier trimestre, inhibiteurs de l'enzyme de conversion, cyclines, aminosides, quinolones…

Syndrome d’alcoolisation fœtale, drogues, tabac : importance de l’interrogatoire et de la prévention. Prise en charge multidisciplinaire+++.

Irradiations : risques quasi nuls en radiodiagnostic.

 

Message auteur

Message de l'auteur

Les questions peuvent être axées sur la prévention, qui apparaît plus importante que les conduites à tenir, qui, elles, sont davantage du domaine du spécialiste.

Il est fréquent d'avoir une question sur l’irradiation ou les médicaments au cours d’un dossier transversal.

Pour en savoir plus
Dossier Risques des radiations ionisantes. Rev Prat 2015;65(1):73-98.
Monographie Maladie chronique : quel projet de grossesse ? Rev Prat 2012;62(7):911-5.

Dans cet article

Ce contenu est exclusivement réservé aux abonnés