En France, près de 4 millions de personnes vivent avec un cancer ou en ont guéri.1 Cette situation provient à la fois de la fréquence élevée des cancers et de l’amélioration de la survie après cancer. Même après rémission, la prévention reste un enjeu important : une personne guérie d’un cancer a un risque parfois important d’en développer un autre ; on parle de second cancer lorsqu’il s’agit d’un nouveau cancer, autre qu’une récidive locale ou qu’une métastase du premier cancer.
Ainsi, la nutrition dans son ensemble (alimentation, consommation d’alcool, statut pondéral, activité physique...) continue à jouer un rôle majeur dans la qualité de vie, la survie ou le risque de second cancer des patients. Des informations générales sur la nutrition après le cancer et plus particulièrement sur la prévention nutritionnelle des seconds cancers sont ici fournies.
Facteurs nutritionnels et risque de second cancer
Dans le cadre d’une expertise collective coordonnée par l’Institut national du cancer (INCa), le retentissement des facteurs nutritionnels pendant et après cancer a été étudié.2
Les facteurs nutritionnels considérés incluent la consommation d’aliments, de compléments alimentaires, d’alcool, les profils de consommation alimentaire, le poids et la dénutrition. Les événements cliniques pris en compte pour déterminer le retentissement de ces facteurs sont la mortalité globale et celle liée au cancer, la progression et la récidive du cancer, les seconds cancers primitifs et la qualité de vie globale. Des recommandations nutritionnelles pour les professionnels de santé prenant en charge des patients atteints de cancer pendant et après la maladie ont ainsi été émises (tableau). Parmi les facteurs de risque de second cancer chez l’adulte, plusieurs facteurs nutritionnels ont été identifiés.
Surcharge pondérale
La surcharge pondérale (surpoids et obésité) chez les femmes au moment du diagnostic de cancer du sein est associée à une augmentation significative du risque de seconds cancers ; en particulier, l’augmentation est de 22 à 37 % pour le risque de cancer de l’autre sein, de 89 % pour le cancer colorectal et de 96 % pour le cancer de l’endomètre.3,4 Une relation dose-réponse est observée concernant la survenue d’un cancer de l’autre sein, avec un risque augmenté de 14 % pour une augmentation de l’indice de masse corporelle (IMC) de 5 kg/m2.5
Consommation d’alcool
La consommation de boissons alcoolisées au moment du diagnostic d’un cancer des voies aérodigestives supérieures (VADS) augmente aussi le risque de développer un second cancer des VADS ou d’autres sites. Les analyses montrent que, par rapport aux faibles consommateurs de boissons alcoolisées, les forts consommateurs, lors du diagnostic d’un cancer des VADS, ont un risque de second cancer (tous sites confondus) augmenté de 60 %.6
De même, la consommation de boissons alcoolisées chez les femmes lors du diagnostic de cancer du sein augmente le risque de développer un cancer de l’autre sein de 15 %.4
Activité physique
Une autre expertise de l’INCa a été menée pour étudier les bénéfices de l’activité physique pendant et après cancers.7 Les résultats des études ont montré que la pratique d’une activité physique, dès le début du parcours de soins, permet la prévention ou la correction d’un déconditionnement physique, un maintien et/ou une normalisation de la composition corporelle, une réduction de la fatigue liée aux cancers, une amélioration globale de la qualité de vie, une amélioration de la tolérance des traitements et de leurs effets. De plus, la pratique d’une activité physique avant ou après le diagnostic d’un cancer peut être associée à la réduction de la mortalité et du risque de récidive. Les études portent principalement sur des patients atteints de cancers du sein, colorectal ou de la prostate. La pratique d’activité physique post-diagnostic est associée à une réduction de la mortalité globale d’environ 40 % dans ces études. Très peu de travaux ont analysé les conséquences de la pratique d’une activité physique sur le développement de seconds cancers.
Dans une méta-analyse, l’activité physique pré- et post-diagnostic chez des patientes atteintes de cancer du sein est associée à une réduction respective de 28 et 21 % du risque de survenue d’événements carcinogéniques du sein, incluant la progression du cancer du sein, les seconds cancers ou les récidives.8
Des données à étoffer
Ces travaux d’expertise ont mis en évidence que les données publiées sur les facteurs nutritionnels et le risque de second cancer sont peu nombreuses, et portent majoritairement sur des patients ayant eu un diagnostic de cancer du sein.
Des études complémentaires, visant à évaluer l’efficacité de la réduction des facteurs de risque (surcharge pondérale, alcool et sédentarité) après un diagnostic de cancer, sur le risque de second cancer, sont souhaitables. Les données scientifiques sont encore insuffisantes, voire inexistantes, pour les autres facteurs nutritionnels, notamment les éventuels facteurs protecteurs (activité physique, consommation de fruits et légumes). Elles mettent en évidence les besoins de recherche sur des cohortes de patients ou des études d’intervention.
Quelle prévention nutritionnelle contre la survenue de seconds cancers ?
Les objectifs de prévention des seconds cancers ciblés sur les facteurs nutritionnels sont de réduire la surcharge pondérale et la consommation de boissons alcoolisées, et de promouvoir la pratique d’une activité physique régulière.
Les professionnels de santé sont encouragés à :
- évaluer la surcharge pondérale chez les patientes atteintes d’un cancer du sein et proposer des conseils, un accompagnement ou une prise en charge nutritionnelle ;
- évaluer la consommation d’alcool, notamment chez les patients atteints de cancers liés à l’alcool et proposer des conseils ou un accompagnement et, si besoin, une prise en charge en addictologie ;
- transmettre des informations pratiques aux patients, les aidant à atteindre une alimentation équilibrée et diversifiée ;
- promouvoir et prescrire la pratique d’activité physique régulière, adaptée à la situation du patient tout en conseillant de limiter la sédentarité (proposer des conseils de pratique ou un accompagnement avec un spécialiste en activité physique adaptée).
Repérer les situations à risque, informer et accompagner les patients : prévention tertiaire
En dehors des situations nutritionnelles identifiées pour la prévention des seconds cancers, il est important de s’inscrire dans une démarche globale de prévention tertiaire visant à préserver à long terme la santé du patient. Le diagnostic d’un cancer est l’occasion pour le patient de faire le point sur les facteurs de risque avec l’équipe médicale.
Au cours de la prise en charge, les professionnels de santé sont des acteurs clés pour encourager les patients à adopter des comportements plus favorables à la santé, et les accompagner dans cette démarche de prévention.
L’arrêt du tabac, en particulier, constitue un enjeu majeur. En effet, plusieurs études démontrent que le fait de continuer à fumer augmente le risque de second cancer.9 Par ailleurs, la consommation de tabac accroît les effets secondaires de certains traitements, augmente les risques périopératoires, ainsi que le risque de développer d’autres pathologies graves à moyen et long termes. Il est ainsi conseillé d’arrêter de fumer dès la mise en place du traitement. L’arrêt du tabac doit être proposé à tous les patients atteints de cancer, quels que soient la localisation et le stade.
Il convient également de rappeler aux patients, lorsque cela est adapté, de suivre les recommandations nutritionnelles valant pour la population générale (figure).
Le rôle des professionnels de santé repose sur une démarche de repérage (tabagisme, état nutritionnel, consommation d’alcool, inactivité physique/sédentarité), de conseils et d’accompagnement dans la durée et/ou d’orientation adaptée à la situation du patient.