Après un AVC, l’objectif de la prévention cardiovasculaire est double : éviter une récidive cérébrale et les événements CV non neurologiques. Compte tenu des dernières études, il y a des nouveautés sur les indications des traitements médicaux et chirurgicaux et sur les valeurs cibles à atteindre (HTA, lipides). Le point sur les recos européennes fraîchement actualisées avec le Pr Didier Leys, neurologue à l’hôpital Roger-Salengro, Lille.
Après un AVC, le risque de récidive est de 5 % par an ; il est particulièrement élevé au cours des premières semaines suivant l’événement, surtout si l’infarctus était lié à une sténose athéroscléreuse. Par ailleurs, le risque d’événement vasculaire non neurologique est également accru (infarctus du myocarde et décès d’origine vasculaire non liés à un AVC). L’objectif de la prévention est donc double : éviter une récidive cérébrale et les événements vasculaires dans d’autres territoires artériels.
La prise en charge repose sur trois axes : le traitement antithrombotique, la prise en charge des facteurs de risque, l’éradication des causes. Si les plus grands progrès dans ce domaine ont été faits dans les années 1980 et 1990 (avec l’aspirine, la chirurgie de la carotide, les anticoagulants oraux dans la fibrillation atriale [FA]), la stratégie thérapeutique est constamment améliorée au vu des dernières études. Des nouvelles recos européennes de l’ESO (European Stroke Organisation) ont été publiées récemment.
Quel traitement antithrombotique ?
Après ischémie cérébrale (mais non en cas d’hémorragie cérébrale), chez des patients sans cardiopathie emboligène, le pilier du traitement antithrombotique est l’antiagrégant plaquettaire : l’aspirine à la dose minimale efficace (75 à 325 mg/j), en monothérapie, ou le clopidogrel en cas d’intolérance à l’aspirine.
Il existe deux exceptions :
- Les accidents ischémiques transitoires (AIT) et les infarctus cérébraux (IC) peu sévères (avec peu de séquelles), dans lesquels une double association de courte durée (par exemple aspirine-clopidogrel) est recommandée, idéalement pendant 3 semaines (pas plus de 3 mois).
- Les cardiopathies emboligènes – FA surtout, et quelques autres causes (foramen ovale perméable en attente de fermeture, dissection artérielle cervicale…) – qui relèvent d’un traitement anticoagulant. En cas de FA, les anticoagulants oraux directs (AOD) – dabigatran, rivaroxaban, apixaban – sont à préférer aux antivitamines K (AVK) car ils ont une efficacité au moins égale et une meilleure tolérance et maniabilité (pas de contrôle de l’INR [International Normalized Ratio], moins d’interactions médicamenteuses). Les AVK gardent toutefois une place chez les insuffisants rénaux, les patients ayant une prothèse valvulaire mécanique ou une thrombose veineuse cérébrale (pas d’études comparatives avec les AOD dans ce dernier cas).
Corriger les facteurs de risque
Le contrôle de l’HTA est crucial. L’analyse de la littérature – avec notamment la large étude PRoFESS – a montré qu’un traitement intensif diminue significativement le risque de récidive, avec un bénéfice particulièrement marqué chez les Asiatiques et les patients ayant eu une hémorragie cérébrale. La cible recommandée aujourd’hui est donc une PA < 130/80 mmHg.
Quelles classes d’antihypertenseurs privilégier ? En termes d’efficacité, peu importe la classe, mais l’association IEC + diurétique est la plus utilisée car elle correspond aux recommandations de prévention primaire et est généralement bien tolérée.
Quant au LDL-cholestérol, dans l’étude SPARCL – menée chez des patients ayant eu un IC ou une hémorragie cérébrale, et ayant un taux de LDL-c compris entre 1 et 1,9 g/L – le traitement par atorvastatine 80 mg était associé à une réduction du risque de récidive, indiquant l’intérêt de baisser le LDL-c en dessous de 1 g/L. Plus récemment, l’étude TST, indépendante de l’industrie, a montré le bénéfice supplémentaire d’obtenir un taux de LDL-c < 0,7 g/L, avec n’importe quelle statine. Si le traitement par statine au long cours augmente très légèrement le risque de diabète de type 2 et d’hémorragie cérébrale, la balance bénéfice/risque reste largement favorable en prévention secondaire (cependant, la cible est moins stricte, LDL-c < 1 g/L, chez les patients ayant eu une hémorragie cérébrale, v. encadré ci-dessous).
Les dernières recommandations précisent aussi que, si la cible n’est pas atteinte en 6 semaines avec la dose la plus élevée de statine, il faut ajouter l’ézétimibe.
Enfin, il ne faut pas oublier de prendre en charge les facteurs de risque classiques : arrêter le tabac, limiter l’alcool, encourager la perte de poids en cas d’obésité, une activité physique régulière, une alimentation équilibrée.
Éradiquer la cause
Les deux grandes causes que l’on peut supprimer sont la sténose carotide (athérosclérose) et le foramen ovale perméable (FOP).
En cas de sténose carotidienne, le bénéfice de la chirurgie est majeur en cas de sténose > 70 % chez un patient ayant eu un AIT ou infarctus récent non invalidant, et si le geste est effectué dans les 2 semaines après l’événement. La chirurgie est donc fortement recommandée dans ce contexte. Le bénéfice est plus faible (décision au cas par cas) en cas de sténose modérée (de 50 à 69 %) et de chirurgie réalisée entre 2 semaines et 4 mois. La chirurgie a un effet neutre ou même délétère pour les sténoses < 50 % ou les interventions réalisées plus de 4 mois après l’événement.
Quelle est la place du stent de la carotide ? Selon trois études européennes indépendantes, la chirurgie obtient de meilleurs résultats que le stent, notamment chez les plus de 70 ans (chez les plus jeunes, les deux techniques sont quasi-équivalentes). Ainsi, si la chirurgie reste la référence, le stent peut être une alternative envisageable chez les moins de 70 ans si le patient le souhaite ou dans des circonstances particulières qui contre-indiquent la chirurgie (paralysie récurrentielle d’un côté déjà opéré, sténose sur une carotide irradiée…).
Le FOP – persistance de la communication entre les deux oreillettes* – est la première cause d’ischémie cérébrale chez les jeunes. La fermeture est indiquée chez des sujets de moins de 55-60 ans ayant eu un infarctus cérébral authentifié d’origine inconnue, avec un FOP large ou associé à un anévrisme du septum interauriculaire, dans les 6 mois après l’IC.
Prévention secondaire post-AVC
Post-infarctus cérébral : que faire ?
Antithrombotique : aspirine 75 à 325 mg/j (ou clopidogrel 75 mg/j).
PA : cible < 130/80 mmHg.
Lipides : statine si LDL-c > 0,7 g/L et systématique si diabétique ou antécédent coronaire associé.
Diabète : objectif HbA1c ≤ 7 %.
Sevrage tabagique.
Limiter l’alcool.
Après hémorragie intracérébrale : que faire ?
Pas de traitement antithrombotique sauf indication cardiologique formelle.
Contrôler l’HTA avant tout (+++) ; PA strictement < 130/80 mmHg.
Cholestérol : comme en prévention primaire.
Arrêter l’alcool : même faiblement consommé (2 verres par jour), il augmente le risque de récidive.
Équilibrer le diabète, sevrer du tabac.
Anticoagulants oraux : en principe contre-indiqués mais évaluer le bénéfice/risque si fibrillation atriale associée (en alternative : exclusion percutanée de l’auricule gauche à discuter).
*Le foramen ovale est une communication physiologique entre les deux oreillettes permettant durant la vie fœtale l’apport de sang oxygéné d’origine placentaire. Il est amené à se fermer après la naissance lorsque le gradient de pression entre les oreillettes s’inverse. Dans environ 25 % des cas, selon les études anatomiques, la fermeture est incomplète, maintenant une communication entre les oreillettes, appelée foramen ovale perméable ou persistant. Ce vestige de la circulation fœtale a été impliqué dans diverses maladies, notamment la survenue d’accidents ischémiques cérébraux.
Dawson J, Béjot Y, Christensen LM, et al. European Stroke Organisation (ESO) guideline on pharmacological interventions for long-term secondary prevention after ischaemic stroke or transient ischaemic attack. Eur Stroke J 2022;7(3):I_XLI.
Matsuzaki M, Ogihara T, Umemoto S, et al. Prevention of cardiovascular events with calcium channel blocker-based combination therapies in patients with hypertension: a randomized controlled trial. J Hypertens 2011;29(8):1649-59.
Mas JL. Foramen ovale perméable et infarctus cérébral. Rev Prat 2021;71(2);177-80.