Diagnostiquer et connaître les principes de prévention et de prise en charge des principales complications de la grossesse. Argumenter les procédures diagnostiques et thérapeutiques devant une fièvre durant la grossesse.
Rappel : les principales pathologies comportant un risque maternel, fœtal ou néonatal
Risque maternel
- toutes les infections responsables de sepsis (souvent d’origine urinaire, plus rarement biliaire, digestif ou respiratoire), les pathologies thromboemboliques, les urgences chirurgicales maternelles (ex. appendicite ou cholécystite, de diagnostic plus complexe), les infections bactériennes graves comme les méningites ;
- les déshydratations compliquant une diarrhée ;
- la grippe et la varicelle du fait d’un risque accru de pneumopathie virale maternelle sévère ;
- chez la voyageuse, le paludisme (plus sévère chez la femme enceinte, avec un risque accru d’accès pernicieux et d’hypoglycémies, et une mortalité accrue en cas de neuropaludisme), l’hépatite E au troisième trimestre (hépatites fulminantes).
Risque fœtal
Risque néonatal
Évaluer la femme enceinte fébrile
- un interrogatoire complet sur les antécédents, statuts sérologiques, vaccinations, voyages, contages et symptômes ;
- un examen physique exhaustif ;
- un bilan paraclinique guidé par les symptômes, mais devant comporter impérativement des hémocultures en cas de fièvre « nue », c’est-à-dire sans signes associés, dans l’hypothèse d’une listériose.
Interrogatoire
On recherche des antécédents orientant vers la cause de la fièvre (antécédents d’infections urinaires) ou des facteurs favorisants (notamment uropathie sous-jacente et immunodépression). Il faut connaître le statut vaccinal pour la rougeole, la varicelle, la grippe en période d’épidémie ainsi que le statut sérologique vis-à-vis de la toxoplasmose, de la rubéole, de la syphilis et du VIH. Il faut rechercher un contexte à risque infectieux : contage (virose dans l’entourage, tuberculose bacillifère, rapports sexuels à risque d’infection sexuellement transmise), voyage (prévention du paludisme ? autres prophylaxies ? gestion du péril fécal ?), contacts avec des animaux. Ces points sont repris dans le
Examen clinique
On recherche ensuite un point d’appel infectieux ainsi que des arguments pour une étiologie non infectieuse de la fièvre. Rappelons que la grossesse est aussi un facteur prédisposant aux thromboses. L’examen général comporte un examen de la nuque, un examen ORL (sinus, gorge, tympans), une palpation des aires ganglionnaires, un examen cutané, abdominal, cardiopulmonaire, urinaire et obstétrical.
Quelques remarques. L’ensemble du tégument doit être examiné avec attention. Il faut savoir reconnaître les éruptions caractéristiques des viroses, notamment l’exanthème morbilliforme de la rougeole qui débute en région rétro-auriculaire avec une évolution en une seule poussée descendante, le mégalérythème épidémique du parvovirus B19 qui débute par une atteinte isolée des joues avant de s’étendre aux membres et au tronc, et l’exanthème roséoliforme de la rubéole, discret et fugace. Il faut rechercher des vésicules herpétiques et varicelleuses. Les signes fonctionnels urinaires peuvent être trompeurs, la pollakiurie étant fréquemment rapportée en dehors de toute infection (il faut savoir rechercher des modifications aiguës de la miction et des brûlures mictionnelles). Sur le plan respiratoire, la dyspnée peut être présente de manière physiologique pendant la grossesse (ascension du diaphragme, diminution de la capacité résiduelle fonctionnelle, hypervolémie et augmentation du débit cardiaque). On est alerté par le caractère aigu de la dyspnée, ou l’association avec d’autres symptômes respiratoires tels qu’une toux ou une auscultation pathologique. Un examen obstétrical est indispensable. Il comporte une mesure de la hauteur utérine et la recherche de contractions, une auscultation des bruits du cœur du fœtus, un examen au spéculum (rupture des membranes ? leucorrhées ? vésicules herpétiques ?) et un toucher vaginal pour évaluer d’éventuelles modifications du col.
Examens complémentaires
Les autres examens sont guidés par les données de l’interrogatoire et de l’examen physique : sérologies selon le contexte (rubéole, toxoplasmose, cytomégalovirus, VIH, parvovirus B19, etc.), recherche de paludisme ou d’arbovirose en cas de retour d’une zone d’endémie et de symptômes dans un délai compatible (< 2 semaines après le retour pour une arbovirose). L’usage de la procalcitonine n’est pas validé chez la femme enceinte. Celui de la vitesse de sédimentation est à proscrire car elle est faussement positive pendant la grossesse.
L’échographie est également la technique d’imagerie de choix chez la femme enceinte pour la démarche diagnostique devant un point d’appel gynécologique ou digestif.
Les radiographies ne sont pas contre-indiquées, mais doivent être justifiées et l’utérus doit être protégé par un tablier de plomb lors de l’examen. Le recours au scanner doit rester exceptionnel, et discuté avec un obstétricien. L’IRM peut être une bonne alternative.
Prise en charge immédiate : quels sont les principes ?
Certaines situations peuvent justifier une prise en charge à domicile
Dans ce cas, on préconise l’administration d’un antipyrétique (paracétamol 1 g x 4/j PO), un traitement symptomatique et une surveillance rapprochée. Les autres cas justifient généralement une prise en charge en milieu hospitalier.
En milieu hospitalier
On rappelle qu’il faut impérativement recommander le port d’un masque chirurgical dès l’entrée dans l’accueil des urgences pour toute femme enceinte adressée à un service d’urgences obstétricales présentant un tableau respiratoire, ORL ou une éruption cutanée, afin d’éviter la transmission d’agents pathogènes aux autres femmes enceintes présentes, et au mieux lui remettre un masque de type chirurgical qu’elle portera dès l’entrée de l’hôpital
Pathologies spécifiques
Grippe : spécificités chez la femme enceinte
L’oséltamivir (inhibiteur de la neuraminidase) est recommandé en cas de syndrome grippal clinique chez la femme enceinte en période épidémique dans les 48 premières heures suivant le début des symptômes. S’y associe un isolement au domicile pendant les 72 premières heures de traitement.
Sur le plan préventif, la vaccination antigrippale est fortement recommandée à tout terme de la grossesse, en période épidémique pendant la grossesse, car elle protège la mère et l’enfant à naître. L’oséltamivir prophylactique est également indiqué dans les 48 heures suivant un contage avéré en période épidémique.
Listériose materno-fœtale
Hépatite E
Le génotype 1 est responsable d’hépatites fulminantes au troisième trimestre de grossesse. Il existe un risque de transmission verticale du virus et une mortalité néonatale non négligeable.
L’incubation de l’infection est de 2 à 6 semaines. L’hépatite est évoquée devant une fièvre, des myalgies, une asthénie, puis un ictère, des douleurs abdominales et une hépatomégalie. L’hépatite fulminante est définie par un taux de prothrombine inférieur à 50 % et une encéphalopathie survenant dans les deux semaines suivant l’apparition de l’ictère.
Le diagnostic est porté par une PCR (polymerase chain reaction) réalisée sur un liquide biologique (selles, sang) ou par sérologie sanguine. L’échographie hépatique est indispensable pour éliminer un obstacle. La ribavirine est contre-indiquée chez la femme enceinte car elle est tératogène. Comme dans toute hépatite, l’arrêt des médicaments hépatotoxiques est recommandé.
Infection intra-utérine (chorioamniotite)
Une infection intra-utérine est une indication à un accouchement en urgence ; la tocolyse est absolument contre-indiquée. Le traitement maternel repose sur une antibiothérapie intraveineuse par bêtalactamines de type céphalosporines de troisième génération associées à des aminosides.
Rappel des principaux anti-infectieux autorisés et interdits pendant la grossesse
Principales complications de la grossesse
➥Un dossier transversal avec une fièvre qui révèle une pyélonéphrite, puis une discussion thérapeutique interrogeant les indications des aminosides et les antibiothérapies utilisables pendant la grossesse.➥ Un dossier de fièvre révélant une infection intra-utérine (chorioamniotite) puis une infection materno-fœtale.➥ Une listériose permettant de discuter les différentes causes de fièvre pendant la grossesse.
La fièvre au cours d’une grossesse est un symptôme justifiant systématiquement une évaluation médicale. Les principales causes maternelles à identifier sont : pyélonéphrite, sepsis et choc septique maternel, méningite, urgence chirurgicale maternelle, paludisme, listériose, chorioamniotite et infection à un pathogène « TORCH » (y compris parvovirus B19) Le bilan initial comporte un examen clinique complet, à la recherche d’un point d’appel, de signes de gravité, d’un retentissement fœtal, et des prélèvements bactériologiques (hémocultures, examen cytobactériologique des urines, prélèvement vaginal), complétés selon l’orientation clinique. En l’absence d’orientation, un traitement probabiliste ciblant la listériose par amoxicilline en l’absence de contre-indication doit être mis en place.
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