Objectifs
Diagnostiquer une intoxication par les psychotropes, les antalgiques opioïdes, le paracétamol, les médicaments cardiotropes, le monoxyde de carbone, l’alcool.
Diagnostiquer une intoxication aiguë par le cannabis, la cocaïne, les amphétamines, les nouvelles drogues de synthèse.
Connaître l’épidémiologie des intoxications chez l’enfant.
Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise en charge préhospitalière et hospitalière.

Définitions

Une intoxication est définie comme la survenue de tout effet toxique pour l’homme faisant suite à une exposition, unique ou répétée, à un mélange ou une substance, naturelle ou de synthèse, disponibles sur le marché ou présents dans l’environnement.
Être exposé à une substance toxique ne signifie pas toujours être intoxiqué, si aucun effet toxique n’est observé. Par exemple, l’exposition accidentelle à un médicament pris par erreur, en prise unique, même si ce n’est pas le traitement du sujet, peut n’avoir aucun retentissement clinique ou biologique. En revanche, des expositions répétées, ou l’absence de symptômes immédiats ne sont pas synonymes d’absence d’intoxication, comme l’exposition chronique à des métaux lourds dans des régions où leur concentration est élevée.

Principes généraux de prise en charge

On distingue habituellement les intoxications :
  • accidentelles, qui sont les plus fréquentes, surtout chez l’enfant et la personne âgée ;
  • volontaires, que l’on rencontre dans un but suicidaire ou addictif et qui sont les plus fréquentes chez les adolescents et les adultes ;
  • spécifiques :
  • professionnelles, généralement accidentelles, mais de pronostic plus sévère, au regard de la plus grande toxicité des produits industriels, par comparaison aux produits domestiques ;
  • dans le cadre de soumissions chimiques ou de maltraitances, rencontrées dans tous les milieux socioculturels et à tout âge. Il est primordial de garder à l’esprit ce mode d’intoxication, qui peut passer inaperçu si l’interrogatoire de la victime ne l’aborde pas, et dont le diagnostic repose sur des prélèvements spécifiques, dans un service dédié, afin de proposer une prise en charge globale (toxicologique, psychologique, judiciaire…).
Quand une personne intoxiquée ou des témoins contactent un service d’urgence, il est important d’apprécier l’état clinique de la victime et la ou les substances qui ont causé l’intoxication, dans le but d’adapter les moyens de secours et d’orienter le patient vers un établissement de santé possédant le plateau technique adapté.
Une façon systématique d’appréhender les intoxications repose sur les toxidromes (tableau 1), regroupements des symptômes cliniques, biologiques et électrocardiographiques évocateurs d’une cause toxique. Il s’agit d’une orientation diagnostique et en aucun cas de signes pathognomoniques d’une intoxication. De plus, il faut se souvenir que plusieurs substances peuvent être en cause dans un même tableau clinique, donc que les toxidromes se modifient selon la prépondérance de l’une ou l’autre de ces substances.
Pour tout patient intoxiqué, quels qu’en soient l’âge et le sexe, l’examen est complet, systématisé et consigné, car l’état de ce patient va continuer à évoluer.
Des examens complémentaires, guidés par l’état de la victime et par la nature du toxique, sont indiqués. L’électrocardiogramme est obligatoire. Le bilan biologique est guidé par l’orientation diagnostique. Les troubles électrolytiques sont fréquents, en relation avec le toxique ou ses complications (vomissements, hypotension et insuffisance rénale…). Le dosage quantitatif des toxiques n’est obligatoire que pour les substances dont la gravité du tableau clinique est corrélée à la concentration sanguine du toxique, ou pour guider une thérapeutique d’épuration.
Les principaux toxiques dont le dosage quantitatif est indiqué pour guider la prise en charge sont le paracétamol, le lithium, l’aspirine, la digoxine, l’acide valproïque.
Le traitement est global et doit prendre en compte toutes les dimensions :
  • les effets spécifiques de l’intoxication ;
  • l’aggravation de ses symptômes ;
  • l’aggravation d’une pathologie préexistante ;
  • la décompensation d’un trouble psychiatrique.

Avant la sortie du patient

Le lien avec le médecin traitant est essentiel pour le suivi post-intoxication. Dans le cadre d’intoxications accidentelles, surtout chez les enfants, il est nécessaire d’éduquer les parents sur les risques des accidents domestiques et de mettre en place des mesures de prévention des expositions des enfants aux médicaments.
Si l’intoxication est volontaire, dans un but suicidaire, un avis psychiatrique avant la sortie de l’hôpital est indiqué.

Attention aux présentations trompeuses

Qu’elles soient accidentelles ou volontaires, les intoxications concernent toutes les tranches d’âge, des nourrissons aux personnes âgées. La mortalité a diminué avec les progrès des techniques de réanimation. La démarche diagnostique doit être standardisée, en se fondant sur les toxidromes. L’évolution dépend du toxique, de sa présentation, et des comorbidités de la victime intoxiquée, qu’il faut rechercher.
Enfin, il faut être vigilant face aux présentations trompeuses et penser à une intoxication devant un coma inexpliqué, une agitation, une décompensation psychiatrique, un tableau clinique inhabituel, d’autant plus que l’on se situe aux âges extrêmes de la vie.

Intoxication par les substances illicites

Cocaïne

Plusieurs formes existent :
  • le chlorhydrate de cocaïne : poudre blanche inodore de saveur amère. La voie de consommation la plus fréquente est intranasale. Cette poudre de chlorhydrate de cocaïne ne peut pas être fumée en raison de sa thermolabilité. En revanche, elle peut être injectée par voie intraveineuse du fait de son hydrosolubilité ;
  • la cocaïne base (crack), la free base : ce sont deux formes de cocaïne qui peuvent être fumées et qui sont obtenues par le mélange du chlorhydrate de cocaïne, soit à de l’ammoniaque (free base), soit à du bicarbonate de soude (crack). L’association de ces solvants permet d’obtenir une cristallisation de l’alcaloïde, qui est ensuite chauffé, dégageant de la vapeur de cocaïne, ou une forme solide, appelée le caillou. Le crack est principalement consommé dans les milieux marginaux, et l’usager de crack, à l’inverse de l’usager de cocaïne, souffre de désocialisation.
Les effets de la cocaïne sont individus-dépendants ; ils varient avec la dose consommée et la voie d’administration. La demi-vie est d’environ 40 à 60 minutes. En administration intranasale, les effets cliniques débutent 3 minutes après la prise et se prolongent pendant 30 à 60 minutes. L’inhalation des vapeurs de cocaïne provoque des effets psychoactifs plus rapides, survenant en 5 à 10 secondes, souvent très violents, « le rush », et de durée brève, entre 5 et 10 minutes. Les effets de l’injection intraveineuse sont proches de ceux de la voie fumée.

Méthamphétamine

La méthamphétamine est une substance psychostimulante puissante, c’est un dérivé N-méthyl de l’amphétamine. L’isomère S est utilisé comme drogue et passe facilement la barrière hémato-encéphalique. Son métabolisme est hépatique, son élimination rénale et sa demi-vie de 4 à 12 heures. Elle se consomme fumée, inhalée ou dissoute et injectée. La durée de l’effet est d’environ 8 heures, identique quelle que soit la voie d’administration. La métamphétamine se présente sous la forme de cristaux, incolores et inodores, qui peuvent ressembler à du verre cassé, d’où son appellation de crystal, crystal meth, glass, ice, meth, speed, tina, shabu, kryptonite... Les effets recherchés sont psychoanaleptiques, plus puissants que ceux de l’amphétamine.

Cathinones

Les cathinones synthétiques sont des dérivés chimiques du groupe des legal highs ou designer drugs. Ce sont des dérivés alcaloïdes aux propriétés amphétamine-like. Il en existe plusieurs, dont les plus fréquentes dérivent de la méphédrone. Aujourd’hui, on rencontre essentiellement de la 4MEC et de la 3MMC. Les effets de l’intoxication sont individus-dépendants, en relation avec la dose consommée. La symptomatologie repose sur une stimulation du système nerveux autonome sympathique : tachycardie, palpitations, hypertension artérielle, sueurs, mydriase, diminution de la sécrétion salivaire, nausées et vomissements. D’autres signes ont été observés, comme une épistaxis en cas de consommation intra­nasale. La consommation de cette molécule est en augmentation et elle semble produire des effets « highs » supérieurs à ceux de la cocaïne.

Intoxications aiguës

Les tableaux cliniques pour la cocaïne, la métamphétamine et les cathinones ont en commun une activation du système sympathique, qui explique les troubles observés (tableau 1) :
  • une tachycardie, une vasoconstriction périphérique, des troubles du rythme cardiaque qui favorisent les épisodes d’ischémie myocardique. Le risque d’infarctus du myocarde est multiplié par 20 dans l’heure qui suit la prise de cocaïne, même si les sujets n’ont pas de facteurs de risque cardiovasculaires. Il reste cependant rare et avoisine 6 % des cas, même si la douleur thoracique est le mode de recours aux urgences le plus fréquent ;
  • des troubles du rythme cardiaque supraventriculaires ou ventriculaires, en relation avec la dysrégulation du système nerveux autonome ;
  • une hypertension artérielle secondaire à la vaso­constriction et à la tachycardie, prenant la forme de poussées hypertensives brutales qui peuvent nécessiter une prise en charge préhospitalière ;
  • des accidents vasculaires ischémiques, secondaires à un vasospasme ou à une thrombose artérielle ;
  • des accidents vasculaires cérébraux hémorragiques, secondaires à un accès hypertensif (rupture de malformation vasculaire préexistante). En conséquence, le clinicien doit être attentif : tout accident cardiovasculaire survenant chez un sujet de moins de 40 ans sans antécédent particulier doit faire évoquer une consommation de cocaïne ;
  • des convulsions liées à l’abaissement du seuil épileptogène induit par ces substances ;
  • des troubles psychiatriques : excitation psychomotrice, agitation, euphorie, symptômes anxieux exacerbés et hallucinations.

Dosages toxicologiques

Les dosages toxicologiques ne sont pas la priorité dans ce type d’intoxication. Les doses supposées ingérées sont le plus souvent approximatives, surtout pour les nouvelles drogues de synthèse, et la nature exacte des substances, difficile à définir, est souvent inconnue du consommateur. Il n’est pas décrit de relation entre la valeur du dosage de toxique et les signes cliniques observés.

Traitement

Les manifestations cardiovasculaires imposent un électrocardiogramme, une surveillance scopée, avec un monitorage de la pression artérielle non invasive et de la saturation artérielle.
Il n’existe pas de particularité pour la prise en charge d’un arrêt cardiaque par asystolie ou par troubles du rythme ventriculaire. L’effet stabilisant de membrane répond au traitement habituel.
Des bêtabloquants d’action rapide de type esmolol peuvent ralentir une tachycardie induite par les amphétamines. En revanche, les bêtabloquants sont contre-­indiqués dans les intoxications à la cocaïne, excepté le labétalol, dont l’effet alpha-/bêtabloquant limite le risque de vasoconstriction coronarienne.
La sédation des patients repose sur les benzodiazépines, de type diazépam, et le contrôle de la pression artérielle.

Intoxication aiguë à l’alcool

Les intoxications à l’alcool sont fréquentes dans les services d’urgence, qu’il s’agisse d’états d’alcoolisation aiguë ou de troubles en rapport avec une consommation chronique. Environ un tiers des admissions dans les services d’urgence seraient en lien direct (15-20 %) ou indirect avec une consommation d’alcool. Il faut faire attention devant des états d’alcoolisation aiguë car les symptômes peuvent passer au second plan quand ils sont associés à des traumatismes ou des accidents de la voie publique. Les alcoolisations aiguës peuvent aussi traduire la décompensation d’un trouble psychiatrique, ou être un moyen de passage à l’acte suicidaire. Enfin, elles peuvent entraîner des complications somatiques.
L’ivresse aiguë est la situation la plus connue et la plus visible cliniquement :
  • à faible dose, l’effet désinhibiteur et euphorisant de l’alcool prédomine ;
  • à dose plus élevée, une dépression du système nerveux central apparaît.
Les principaux symptômes observés sont une haleine caractéristique, ou haleine œnolique, des conjonctives injectées, une humeur joviale ou au contraire triste, une logorrhée.
Le comportement de l’individu peut être désinhibé, voire agressif.
À l’examen, on note une dysarthrie et un syndrome cérébelleux avec incoordination motrice ; des troubles de l’équilibre complètent le tableau.
Dans les intoxications sévères, les troubles de la conscience prédominent, en relation avec les effets dépresseurs du système nerveux central.
Le diagnostic est le plus souvent fondé sur des éléments de l’anamnèse et de l’examen clinique.
Chez le sujet jeune, le tableau clinique est facilement évoqué. En revanche il est parfois masqué par d’autres situations cliniques, lesquelles, à la première évaluation, paraissent au premier plan.
C’est le cas d’une hospitalisation non seulement chez les personnes âgées pour des chutes, des troubles de la conscience, ou une aggravation de troubles cognitifs, mais aussi, chez les enfants, pour des troubles du tonus musculaire, une crise convulsive, des troubles de la conscience. Chez l’enfant, l’alcool provoque des hypo­glycémies, et le dosage de la glycémie fait partie du bilan de routine.
L’alcool est souvent associé aux intoxications avec des psychotropes, qui peuvent modifier le tableau clinique de l’ivresse aiguë. De plus, les accidents de la voie publique sous emprise d’un toxique doivent faire évoquer un « équivalent de passage à l’acte suicidaire ».
La prise en charge aux urgences de l’intoxication alcoolique aiguë repose sur :
  • une hospitalisation pour surveillance ;
  • un bilan d’imagerie cérébrale en cas de coma ou de signes de focalisation neurologique ;
  • un bilan biologique comprenant un ionogramme sanguin, pour les diagnostics différentiels, et un bilan hépatique.
Le traitement est symptomatique, en recherchant toujours une co-intoxication associée.
Au décours de la surveillance d’une alcoolisation aiguë utilisée comme moyen de passage à l’acte suicidaire, un avis psychiatrique est indiqué.
Intoxication alcoolique aiguë en présence d’un trouble de l’usage d’alcool avec dépendance : dans ce cas particulier, quand la phase d’intoxication aiguë est résolue, il faudra surveiller le risque de syndrome de sevrage d’alcool. De plus, si la consommation d’alcool est chronique, la réhydratation doit être associée à l’apport de vitamine B1, pour éviter l’encéphalopathie de Gayet-Wernicke.

Intoxications par les psychotropes

Les psychotropes regroupent plusieurs classes médicamenteuses, prescrites de façon fréquente et cause d’intoxications le plus souvent volontaires. Même si les psychotropes les plus toxiques ont été remplacés depuis plusieurs années par des molécules présentant un moindre risque, le médecin prenant en charge ce type d’intoxication doit rester vigilant sur l’évolution clinique du patient et rechercher une co-intoxication associée. Les anxiolytiques et les hypnotiques sont des médicaments très prescrits en France : 15 à 20 % des Français en prennent ponctuellement, 10 % régulièrement.
Les antidépresseurs arrivent en deuxième position : 10 % des Français en prennent au moins une fois par an, 5 % régulièrement. Les femmes consomment deux fois plus de psychotropes que les hommes.

Antidépresseurs

Lors d’une intoxication par antidépresseurs, l’interrogatoire du patient ou de ses proches doit s’attacher à identifier la molécule en cause, car la toxicité varie en fonction de la molécule. On rencontre essentiellement les antidépresseurs de la classe des tricycliques, les inhibiteurs sélectifs ou non de la sérotonine, et les molécules apparentées.
Comme pour toute intoxication médicamenteuse, l’ordonnance de prescription est essentielle et doit être recherchée par les secours au domicile de la victime, car les associations de médicaments sont fréquentes.
Le plus souvent, les patients ayant des troubles neurologiques de type confusion ou agitation bénéficient d’un transport médicalisé dont l’indication est posée par le médecin régulateur de l’aide médicale urgente (Samu).

Antidépresseurs tricycliques

Les antidépresseurs tricycliques sont moins prescrits pour les troubles psychiatriques mais font partie de l’arsenal thérapeutique des douleurs neuropathiques. Il est donc important de ne pas oublier leur toxicité qui s’exprime par :
  • l’inhibition de la recapture des neurotransmetteurs centraux et l’inhibition centrale des réflexes sympathiques ;
  • l’effet stabilisant de membrane (v. infra) ;
  • les effets anticholinergiques et antihistaminiques ;
  • un blocage alpha-adrénergique ;
  • un blocage du courant potassique sortant IK, en particulier IKr, très important dans la physiologie de la repolarisation myocardique.
La clinique de cette intoxication est un tableau :
  • d’encéphalopathie anticholinergique (tableau 1) compre­nant :
  • un syndrome confusionnel, avec agitation, hallucinations, dysarthrie et tremblements des extrémités ;
  • une hypertonie pyramidale des quatre membres, avec hyper-réflexivité ostéotendineuse, trépidation épileptoïde et réflexes cutanés plantaires en extension ;
  • un syndrome neurovégétatif atropinique, avec tachycardie sinusale, sécheresse des muqueuses, mydriase bilatérale, rétention urinaire, abolition des bruits intestinaux ;
  • un coma peu profond, avec des myoclonies et des convulsions d’apparition rapide ;
  • de toxicité cardiaque : l’effet stabilisant de membrane myocardique fait la gravité de l’intoxication aux antidépresseurs tricycliques (v. infra).
Il existe des facteurs de prévisibilité du risque de l’intoxication aux antidépresseurs tricycliques.
Traitement : tout trouble de la conscience ou cardiaque impose l’hospitalisation en réanimation.
En cas de troubles de la conduction intraventriculaire, essentiellement un QRS large supérieur à 120 ms, il faut traiter l’effet stabilisant de membrane (v. infra).
L’hypotension est corrigée selon les données du monitoring de réanimation. En cas de choc cardiogénique, le recours aux catécholamines ou aux moyens d’assistance circulatoire externe est la règle. Les convulsions sont traitées par le diazépam, en première intention, ou par une autre benzodiazépine si la ventilation artificielle est indiquée.

Antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la sérotonine

Ce sont des molécules très souvent prescrites chez les patients avec une comorbidité psychiatrique. Le spectre clinique est large, et la sévérité de minime à extrême.
L’intoxication ou le surdosage, ou des interactions médicamenteuses peuvent provoquer un syndrome séro­toninergique associant une triade de symptômes :
  • des signes cognitivo-comportementaux : altération de l’état mental avec anxiété, impatience, irritabilité, agitation, confusion, troubles de la vigilance, état hypomane ou hallucinations ;
  • des troubles neuromusculaires : prédominant aux membres inférieurs, on observe des myoclonies, une akathisie (impatiences motrices), des troubles de la coordination, une hyperréflexie, une hypertonie ;
  • des manifestations neurovégétatives : hyperthermie, hypersudation, tachycardie, hypertension artérielle, des nausées ou vomissements ainsi que des diarrhées.
Le dosage quantitatif sanguin n’a pas d’intérêt dans la prise en charge quotidienne. Le traitement associe une surveillance en milieu de réanimation pour les formes sévères, avec surtout une prédominance des symptômes d’hypertonie et d’hyperthermie, qui peuvent indiquer une sédation avec curarisation et ventilation artificielle.
Dans les formes modérées, les benzodiazépines ont montré leur intérêt pour diminuer l’anxiété et les troubles neurovégétatifs.

Neuroleptiques

Les neuroleptiques, appelés aussi antipsychotiques, sont impliqués dans les intoxications médicamenteuses volontaires. Il en existe plusieurs classes, mais il est habituel de les regrouper en :
  • neuroleptiques de première génération (phénothiazines, butyrophénones et thioxanthènes) ;
  • neuroleptiques de deuxième génération (aripiprazole, benzamides substitués, benzisoxazoles, dibenzoxazépines…).
Les propriétés, antagonistes des récepteurs sérotoninergiques (5-HT), dopaminergiques (D2, D4…) mais aussi antihistaminiques et alpha-adrénergiques, varient en fonction des molécules, ce qui explique la multiplicité des symptômes observés lors de ces intoxications.
Il faut garder en mémoire que ces molécules peuvent être associées à d’autres psychotropes.
Les intoxications les plus symptomatiques sont habituellement secondaires à l’ingestion d’antipsychotiques de première génération, en particulier les phénothiazines.
Les antihistaminiques induisent un toxidrome anticholinergique (tableau 1)
Parmi les neuroleptiques en cause, on trouve l’alimémazine et la doxylamine.
Les phénothiazines aliphatiques ou pipéridinées sont plutôt sédatives, responsables d’un coma calme, hypo­tonique, d’une hypotension (vasoplégie avec effet alphabloquant) et d’un myosis.
Parmi les neuroleptiques en cause, on rencontre essentiellement la chlorpromazine, la lévomépromazine, l’acépromazine et la cyamémazine.
Les neuroleptiques pipérazinés ont plutôt des effets désinhibiteurs. Ils entraînent des comas hypertoniques, avec un risque de troubles de la conduction auriculo-­ventriculaire ou intraventriculaire, par effet stabilisant de membrane.
Le syndrome malin des neuroleptiques engage le pronostic vital. Il n’est pas causé par une intoxication aiguë mais survient plutôt lors d’un traitement prolongé par un neuroleptique ou un changement de molécule chez un patient déjà traité. Le tableau clinique associe de la fièvre, une hypertonie, une rhabdomyolyse, une insuffisance rénale aiguë ; il évolue vers des troubles de la conscience et un collapsus.

Antipsychotiques de deuxième génération (tableau 2)

Dans l’intoxication par antipsychotiques de deuxième génération, la tachycardie sinusale régulière est le symptome le plus fréquent. On peut observer une hypotension artérielle, voire une hypertension selon les molécules.

Critères de gravité

On peut retenir comme critères de gravité des intoxications par les neuroleptiques :
  • une ingestion d’antipsychotiques de première génération (phénothiazine) ;
  • un syndrome anticholinergique marqué ;
  • une agitation, compliquée ou non de convulsions et/ou d’un état de mal convulsif, ou un coma plus profond ;
  • une détresse respiratoire, avec hypoxie et/ou hypoventilation ;
  • une hypotension artérielle réfractaire au remplissage ;
  • un effet stabilisant de membrane, des troubles du rythme et de la conduction ;
  • une température extrême : ≤ 32 °C ; ≥ 40 °C ;
  • des troubles acidobasiques, hydroélectrolytiques significatifs, une rhabdomyolyse.

Prise en charge et traitement

Le dosage toxicologique sanguin ou urinaire n’a pas d’intérêt, hormis dans les cas médico-légaux ou si l’on recherche une co-intoxication pour expliquer un tableau clinique peu évocateur. Le traitement des intoxications par neuroleptiques est symptomatique, selon la molécule et les co-ingestions. Le traitement du syndrome malin des neuroleptiques, entité spécifique, repose sur la correction des troubles électrolytiques, le dantrolène (Dantrium, 1 mg/kg, jusqu’à une dose totale cumulée de 10 mg/kg) voire, si l’état clinique est sévère, une hospitalisation en réanimation et une anesthésie générale avec curarisation et ventilation contrôlée.

Intoxication par les benzodiazépines

Les benzodiazépines et apparentés sont des agonistes des récepteurs GABA-A, ce qui explique les tableaux cliniques en lien avec leur surdosage.
Les propriétés thérapeutiques des benzodiazépines sont :
  • anxiolytiques ;
  • sédatives ;
  • hypnotiques ;
  • myorelaxantes ;
  • anticonvulsivantes.
Les symptômes de l’intoxication aiguë surviennent une à trois heures après le surdosage, selon la molécule. Les signes cliniques associent :
  • une sédation et des troubles de la vigilance ;
  • une ataxie ;
  • une dysarthrie ;
  • une urgence vitale constituée d’un coma avec dépression respiratoire jusqu’au décès ;
  • des accidents domestiques (chutes chez les personnes âgées) ou accidents de la route ;
Une attention particulière doit être portée aux risques d’agressions sexuelles dans le cadre de soumissions chimiques avec ces molécules amnésiantes.
Les causes d’intoxication aiguë les plus fréquentes sont des prises de benzodiazépines au-delà des doses habituellement prescrites, pour rechercher un ou plusieurs effets thérapeutiques (anxiolytiques, hypnotiques, myorelaxants…), pour éviter la perte progressive d’effets quand le traitement est chronique, ou pour une intoxication médicamenteuse volontaire à visée suicidaire.
La disponibilité d’un antidote rend inutile le recours au lavage gastrique ou à tout autre moyen d’épuration du toxique. Le dosage sanguin ou urinaire n’a pas d’indication en pratique courante. Le flumazénil est l’antidote de choix pour les intoxications par les benzodiazépines. Il peut servir de test diagnostique chez un patient dans le coma : si des signes de réveil sont observés, l’intoxication aux benzodiazépines est fort probable. Cependant, l’administration de cet antidote est contre-indiquée en cas de co-intoxication supposée par une substance proconvulsivante. Les benzodiazépines diminuant le seuil épileptogène, les antagoniser brutalement majorerait le risque de convulsions du patient intoxiqué.
Le flumazénil est administré par voie intraveineuse, à la dose titrée de 0,1 mg toutes les 30 secondes jusqu’à obtention d’un réveil, puis le relais est pris en intraveineux continu, au pousse-seringue, à une posologie horaire égale à la dose de titration, sous surveillance en soins intensifs. Cette prise en charge paraît la plus sûre. Le réveil obtenu par titration doit permettre d’obtenir un état de vigilance compatible avec une ventilation efficace et la protection des voies aériennes.

Intoxications par les cardiotropes

Ce sont des intoxications peu fréquentes mais dont la gravité potentielle impose une prise en charge en réanimation. L’intoxication peut résulter d’une tentative de suicide, d’une ingestion accidentelle ou d’un surdosage thérapeutique.

Intoxication digitalique (encadré 1)

C’est le prototype d’une intoxication grave, le pronostic vital étant engagé rapidement alors qu’un traitement antidotique existe et que la prise en charge est codifiée. Deux produits sont rencontrés : la digoxine, absorbée par le tube digestif avec une demi-vie de 36 à 48 heures et une élimination rénale, et la digitoxine, absorbée rapidement par le tube digestif, métabolisée par le foie et éliminée dans la bile, dont la demi-vie est plus longue (de 3 à 9 jours).
Ces deux molécules sont des glycosides qui inhibent la pompe Na+/K+-ATPase des cellules myocardiques, augmentant le calcium intracellulaire. Il s’ensuit une modification des potentiels d’action et des troubles de la conduction.

Tableau clinique

Le tableau clinique évolue toujours vers des troubles du rythme et de la conduction, ce qui impose l’hospitalisation en réanimation.
Cependant, ce tableau clinique sévère est précédé par des troubles digestifs (nausées et vomissements) et des troubles neurosensoriels (dyschromatopsie, agitation) qu’il faut savoir corréler à l’intoxication digitalique.
Les facteurs pronostiques de gravité sont bien connus :
  • âge supérieur à 55 ans ;
  • sexe masculin ;
  • cardiopathie préexistante ;
  • kaliémie > 4,5 mEq/L ;
  • bradycardie inférieure à 60 batt/min ;
  • bloc atrioventriculaire du second degré.

Traitement

L’atropine est la molécule de première intention en cas de bradycardie. Le traitement spécifique repose sur l’administration de fragments Fab antidigitaliques, dont les indications sont mentionnées dans l’encadré 1. Une intoxication aiguë avec complications menaçant le pronostic vital immédiat indique une neutralisation équimolaire rapide alors qu’une intoxication aiguë grave avec facteurs pronostiques péjoratifs doit indiquer une neutralisation semi-molaire.
Il existe dans ces intoxications un risque de réapparition des symptômes, qui impose une surveillance durant plusieurs jours.

Inhibiteurs calciques

Ils bloquent les canaux calciques lents, indispensables à la genèse et à la conduction du potentiel d’action dans le tissu contractile cardiaque et les cellules musculaires lisses vasculaires. L’ingestion massive provoque une bradycardie par bloc auriculoventriculaire et effet inotrope négatif par diminution du calcium intracellulaire. Les inhibiteurs calciques sont vasodilatateurs, bathmotropes, chronotropes et inotropes négatifs, ce qui explique le collapsus tensionnel. Dans les formes graves, un arrêt cardiaque peut être observé.
La morbi-mortalité est élevée, expliquant les admissions en service de réanimation dès la présence de facteurs de gravité : bradycardie mal tolérée, troubles conductifs sino-auriculaire, intraventriculaire ou auriculoventriculaire, hypotension réfractaire.
Le traitement repose sur :
  • l’administration précoce de charbon activé ;
  • le remplissage vasculaire monitoré ;
  • l’utilisation de catécholamines ;
  • les sels de calcium (gluconate de calcium ou chlorure de calcium), administrés par voie intraveineuse, favoriseraient l’entrée du calcium à l’intérieur de la cellule sans que le mécanisme physiopathologique exact ne soit élucidé ;
  • l’administration d’insuline euglycémique s’explique par une augmentation de l’inotropisme, secondaire à l’augmentation du transport intracellulaire du glucose et du calcium ;
  • l’assistance circulatoire extracorporelle.

Bêtabloquants

Ce sont des analogues structuraux des bêtamimétiques. La plupart du temps, les intoxications sont bénignes, résultant d’une erreur de prise ou d’une confusion entre des comprimés. Dans les intoxications à visée suicidaire, la quantité absorbée est plus importante et requiert une hospitalisation.

Tableau clinique

Les tableaux cliniques varient en fonction des molécules absorbées, mais les troubles cardiocirculatoires dominent. Les signes cliniques associent une bradycardie sinusale à complexes fins sur l’électrocardiogramme (ECG). S’y associe une hypotension artérielle, par baisse de la contractilité myocardique.
Cependant, certains bêtabloquants ont un effet stabilisant de membrane, responsable d’une gravité majorée par des troubles de la conduction (encadré 2 et tableau 3). C’est le cas du propranolol et de l’acébutolol.
Le sotalol a, de plus, la particularité d’induire des torsades de pointes par allongement du QT indiquant rapidement l’administration de catécholamines pour accélérer la fréquence cardiaque, les torsades de pointes étant majorées quand une bradycardie est installée.

Traitement

Les admissions en réanimation sont larges. La surveillance monitorée par scope ECG et tensionnel est suffisante dans les intoxications peu sévères. Le remplissage vasculaire doit être monitoré.
L’usage de catécholamines : l’atropine augmente la fréquence cardiaque (FC) par action sur les récepteurs anticholinergiques muscariniques. Son administration, de 0,5 à 1 mg par voie intraveineuse en bolus, doit être rapidement réalisée ; cependant, en cas d’intoxication sévère par les bêtabloquants, l’atropine est sans effet sur la fréquence cardiaque, ce qui permet d’affirmer le blocage complet des récepteurs adrénergiques.
Pour les bêtabloquants avec effet stabilisant de membrane, le traitement est celui de l’effet stabilisant de membrane (encadré 2 et tableau 3). Pour l’intoxication par le sotalol, l’isoprénaline (Isuprel) est la catécholamine de choix.
Le glucagon est l’antidote des intoxications aux bêtabloquants. Il est indiqué en cas de collapsus non corrigé par le remplissage. Concernant son mode d’action, le glucagon possède un effet similaire aux catécholamines en activant l’adénylcyclase membranaire, sans passer par les récepteurs bêta mais en utilisant un récepteur indépendant, augmentant ainsi l’adénosine monophosphate cyclique (AMPc) intracellulaire. Son efficacité inotrope positive est donc indépendante des récepteurs bêta (qui sont bloqués par le bêtabloquant), améliorant ainsi la compétence cardiaque (inotropisme cardiaque). Son action chronotrope (FC) est plus modeste. Son efficacité globale est aléatoire. Il s’administre en bolus de 5-10 mg, relayé par une perfusion de 1 à 10 mg/h). L’efficacité est perceptible en moins de 10 minutes mais, dans la négative, le glucagon est considéré comme inefficace.

Chloroquine et hydroxychloroquine

La chloroquine (Nivaquine) et son dérivé hydroxylé, l’hydroxychloroquine (Plaquenil), sont utilisés depuis de nombreuses années dans le traitement du paludisme, même si leurs prescriptions dans cette indication diminuent au regard de l’apparition de souches résistantes de Plasmodium falciparum. L’hydroxychloroquine a un meilleur profil de sécurité, comparée à la chloroquine, et est proposée pour le traitement des connectivites, de type lupus, ou certains rhumatismes inflammatoires. Plus récemment, avec la pandémie à Covid-19, l’hydroxychloroquine a été prescrite par certaines équipes comme un traitement de cette infection virale, associée à l’azithromycine.
Concernant l’hydroxychloroquine, des allongements de l’intervalle QTc ont été observés à dose thérapeutique, et plusieurs services de pharmacovigilance ont alerté sur ce risque, dans cette indication. Des critères prédictifs des troubles du rythme cardiaque, par allongement du segment QT, même à dose thérapeutique, ont été proposés :
  • une bradycardie < 55 batt/min ;
  • le sexe féminin ;
  • l’hypokaliémie ;
  • l’association à des médicaments allongeant le QT, comme les macrolides (azithromycine dans cette indication).
Lors d’une intoxication aiguë, les symptômes apparaissent rapidement, dans les minutes ou heures suivant l’ingestion, ces molécules étant rapidement absorbées. Le toxidrome est identique, qu’il s’agisse de la chloroquine ou de l’hydroxychloroquine.
Des facteurs de gravité ont été identifiés, notamment :
  • dose ingérée ≥ 4 g ;
  • pression artérielle systolique < 100 mmHg ;
  • durée du QRS supérieure à 100 ms (tableau 4).

Tableau clinique

Le tableau clinique associe un état de choc cardiogénique avec collapsus. Il existe une hypokaliémie qui péjore le pronostic. Une ingestion de 5 g de chloroquine engage le pronostic vital.
Des convulsions sont associées à la sévérité du tableau clinique. Elles sont traitées par le diazépam en première intention ou par une autre benzodiazépine en cas de ventilation artificielle.
L’électrocardiogramme est indispensable. Il est prudent d’admettre en réanimation toute intoxication aiguë à la chloroquine. La surveillance rapprochée des patients permet de dépister tout facteur de pronostic péjoratif et de démarrer le traitement approprié.

Traitement

Le traitement est celui d’un effet stabilisant de membrane (encadré 2 et tableau 3). Le dosage sanguin de la chloroquine est un facteur prédictif de mortalité. La mortalité est de 1,6 % pour une chloroquinémie comprise entre 12 et 25 μM et de 21,3 % si elle est supérieure ou égale à 25 μM. La mortalité est nulle si la chloroquinémie est inférieure ou égale à 10 μM (concentration thérapeutique ≤ 6 μM).

Intoxication par le monoxyde de carbone

Physiopathologie

Le monoxyde de carbone (CO) est un gaz incolore, inodore, non irritant et toxique par inhalation. Ces éléments sont importants à connaître car les appels aux services d’aide médicale urgente pour « une odeur de gaz » sont fréquents. Cependant, les expositions au CO sont plus difficiles à diagnostiquer et sont la cause d’errance diagnostique.
L’origine du CO est à la fois endogène, par le catabolisme de l’hémoglobine, mais surtout exogène, issu des combustions incomplètes de molécules organiques environnementales.
Le CO diffuse très vite dans les tissus car sa densité est proche de celle de l’air ; sa toxicité par inhalation s’explique par son caractère lipophile, qui favorise l’absorption pulmonaire.
L’affinité du CO pour l’hémoglobine est 200 à 300 fois supérieure à celle de l’oxygène. Le CO se fixe sur l’ion fer de l’hémoglobine (l’hème), formant la carboxyhémoglobine (HbCO). Par ailleurs, 10 à 15 % du CO absorbé se fixe sur la myoglobine (qui, comme l’hémoglobine, est une hémoprotéine) des cellules musculaires squelettiques et cardiaques, il est responsable d’une hypoxie, d’une ischémie et d’une nécrose tissulaire. Au niveau cellulaire, la liaison du CO aux cytochromes provoque un dysfonctionnement de la chaîne respiratoire mitochondriale avec formation de dérivés réactifs de l’oxygène, à l’origine d’une nécrose et de l’apoptose des cellules myocardiques et neuronales. La demi-vie du CO est courte (de 2 à 6 h), et son élimination complète en 10 à 15 heures. La demi-vie de l’HbCO est de 3 à 5 heures en air ambiant. Le taux normal d’HbCO dans le sang varie de 0 à 2 %, mais il peut atteindre 5 à 6 % chez les fumeurs, voire 10 % chez les gros fumeurs.

Tableau clinique

À la phase précoce, il est important, pour poser le diagnostic précoce d’une intoxication au CO, de se souvenir qu’aucun symptôme n’est spécifique, surtout au début. Les plaintes sont souvent :
  • des céphalées ;
  • des nausées ;
  • des troubles sensoriels de type acouphènes, vision perturbée ;
  • une faiblesse des membres ;
  • une perte de connaissance brève.
Ces symptômes, surtout en période hivernale, doivent faire évoquer le diagnostic.
Si l’exposition au CO se poursuit, l’évolution se fait vers le coma, dit coma oxycarboné. Ce coma est précédé des symptômes précédemment décrits, l’asthénie s’aggrave, les troubles sensoriels évoluent vers une obnubilation ou une syncope, jusqu’au coma.
Si l’examen clinique est réalisé à ce moment-là, il doit rechercher une tachypnée, une tachycardie et une hypotension artérielle dans les formes sévères. En phase de coma oxycarboné, un syndrome extrapyramidal diffus et symétrique et une hypertonie, sans signes de focalisation, sont des éléments d’orientation. La recherche de complications aiguës potentiellement létales ne doit pas être différée :
  • crises d’épilepsie ;
  • troubles du rythme cardiaque ;
  • ischémie myocardique ;
  • encéphalopathie anoxique, parfois jusqu’au décès.
Pour poser le diagnostic d’intoxication oxycarbonée, il faut :
  • y penser ;
  • un tableau clinique compatible ;
  • une source exogène de CO ;
  • un dosage de CO.

Interroger l'entourage ou les co-exposés

Il est important de noter que tous les patients exposés au CO ne développent pas les mêmes symptômes. La gravité de l’intoxication au CO est majorée par des comorbidités préexistantes (maladies cardiovasculaires, pathologies pulmonaires, anémie) et par l’âge (la mortalité la plus élevée s’observant après 65 ans).

Examens paracliniques

Sur les lieux de l’exposition :
  • dosage du CO dans l’atmosphère toxique protège aussi les intervenants des équipes de secours (pompiers, ambulanciers, médecins…), en évitant leur exposition ;
  • dosage du CO expiré possible ;
  • dosage sanguin du CO, qui est la référence.

Traitement

Il commence sur les lieux de l’intoxication par :
  • l’interruption de toutes les sources de CO (arrêt des chaudières, chauffe-eau, poêles) ;
  • se protéger et protéger tous les intervenants sur les lieux ;
  • l’aération des pièces ;
  • l’examen de tous les proches de ou des intoxiqué(s) ;
  • le traitement des défaillances viscérales ;
  • l’administration d’oxygène pur à fort débit au masque.

À l’hôpital

Le traitement se poursuit par l’administration d’oxygène haut débit au masque pendant au moins 12 heures, à raison de 10 à 15 L/min. Il permet de diminuer la demi-vie de l’HbCO et de restaurer un transport d’oxygène normal.
L’oxygénothérapie hyperbare, en caisson, est réservée aux intoxications graves (encadré 3).

Après la sortie de l’hôpital

Des symptômes neurologiques retardés peuvent survenir après une phase de latence asymptomatique ou pauci­symptomatique, qui peut durer plusieurs semaines, d’où le nom de « syndrome post-intervallaire ». Un examen par un neurologue et une évaluation par un neuropsycho­logue sont indiqués, à la recherche de séquelles neuro­logiques sous la forme de troubles de la mémoire, de la concentration ou de l’humeur, de tremblements, de troubles de l’équilibre, de la marche, plus rarement de perte de l’audition.
Le médecin ayant pris en charge le patient intoxiqué doit contacter l’agence régionale de santé (ARS) pour déclarer cette intoxication. L’ARS mettra en place une enquête environnementale pour les sources d’exposition.
Le centre antipoison géographiquement compétent sera informé et assurera le suivi du patient dans le cadre de ses missions de toxicovigilance.
Les installations suspectes d’être la source d’émanation de CO seront vérifiées.
Le patient sera informé et éduqué sur l’apparition du syndrome postintervallaire.
Points forts
Principales intoxications aiguës

POINTS FORTS À RETENIR

Une classe médicamenteuse peut être responsable de plusieurs toxidromes.

Les principaux toxiques dont le dosage quantitatif est indiqué pour guider la prise en charge sont le paracétamol, le lithium, l’aspirine, la digoxine, l’acide valproïque.

Penser à une intoxication devant un coma inexpliqué, une agitation, une décompensation psychiatrique, un tableau clinique inhabituel, d’autant que l’on se situe aux âges extrêmes de la vie.

Savoir évoquer une maltraitance chez l’enfant.

Tout accident cardiovasculaire survenant chez un sujet de moins de 40 ans sans antécédent particulier doit faire évoquer une consommation de cocaïne.

Alcoolisation aiguë : la recherche d’une co-intoxication doit être systématique.

Le monoxyde de carbone (CO) est un gaz incolore, inodore, non irritant et toxique par inhalation.

Encadre

1. Indications pour un traitement Fab antidigitalique

Indications pour un traitement Fab antidigitalique curatif (1 seul facteur présent) :

• tachycardie ou fibrillation ventriculaire

• bradycardie < 40 batt/min réfractaire à l’atropine (1 mg IVD)

• kaliémie > 5 mmol/L

• choc cardiogénique (infarctus mésentérique)


Indications pour un traitement Fab antidigitalique prophylactique (3 facteurs associés) :

• sexe masculin

• âge > 55 ans

• cardiopathie préexistante

• bloc atrioventriculaire II ou III (résistant à l’atropine)

• bradycardie < 60 batt/min après atropine (1 mg IVD)

• kaliémie > 4,5 mmol/L

Encadre

2. L’effet stabilisant de membrane myocardique

Il est responsable de :

• la gravité de l’intoxication ;

• d’une cardiotoxicité directe (chronotrope, inotrope et dromotrope négatif) ;

• d’un effet pro-arythmogène ;

• d’une vasodilatation par inhibition de la contractilité des cellules musculaires lisses vasculaires.


À l’ECG

Les manifestations électrocardiographiques sont typiques et chronologiques :

• aplatissement diffus des ondes T ;

• allongement du QT ;

• élargissement du QRS ;

• allongement de l’espace PR ;

• élargissement de l’onde P.

L’allongement du QRS, mesuré en DII, est prédictif de crises convulsives et de troubles du rythme ventriculaire graves.

Encadre

3. Oxygénothérapie hyperbare

Indications de l’oxygénothérapie hyperbare

• Femme enceinte et enfants

• Troubles neurologiques

• Perte de connaissance

• Insuffisance coronarienne


Déroulement de la séance

• En caisson hyperbare

• 1 à 2 heures d’oxygénothérapie à 1 à 3 atmosphères


Objectifs de l’oxygénothérapie hyperbare

• Correction de l’anoxie tissulaire

• Accélération de la dissociation du CO des hémoprotéines

• Prévention du syndrome de reperfusion lors de la réoxygénation


Contre-indications

• Pneumothorax

• Œdème aigu du poumon

• Troubles du rythme ventriculaire

Pour en savoir plus
Prise en charge des intoxications médicamenteuses et par drogues récréatives 2020. Recommandations formalisées d’experts communes Société de réanimation de langue française-Société française de médecine d’urgence (SRLF-SFMU). Révision du consensus 2005 sur les intoxications aiguës.
Haute Autorité de santé. ECN. Mode d’emploi. https://www.has-sante.fr/jcms/p_3076609/fr/ecn
Intoxications graves par médicaments et substances illicites en réanimation. Conférence d’experts de la Société de réanimation de langue française, 2006.

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