Symptomatologie clinique

Les dyscalcémies font partie des troubles hydro-électrolytiques au même titre que les anomalies des bilans de l’eau, du chlorure de sodium, du potassium, du phosphate et de l’équilibre acide-base. Elles ont toutes en commun que leur symptomatologie clinique peut être extrêmement pauvre (voire absente) ou très marquée (presque toutes peuvent amener au coma, voire au décès) : il existe très peu de signes cliniques spécifiques. Par ailleurs, ces anomalies peuvent s’intriquer et rendre l’interprétation du profil clinicobiologique très complexe. C’est pour cela qu’il est important, au-delà de suivre un arbre décisionnel figé, de connaître à la fois la physiologie ainsi que les grands mécanismes pathologiques à l’origine de ces anomalies.
Les troubles hydro-électrolytiques sont des symptômes biologiques et, même si certaines valeurs peuvent être dangereuses, il n’existe pas de corrélation parfaite entre la biologie et la présentation clinique : le contexte et la rapidité d’installation sont probablement plus importants que la valeur en elle-même. Une hypercalcémie peut tout à fait être à l’origine d’un trouble du rythme cardiaque. En revanche, une hypercalcémie chronique (installée progressivement en plusieurs mois, voire années) n’aura pas le même retentissement cardiaque qu’une hypercalcémie aiguë (installée en quelques heures). Enfin, une hypercalcémie à 2,90 mmol/L peut être mieux tolérée qu’une hypercalcémie à 2,60 mmol/L mais qui est accompagnée d’une hyperkaliémie à 6,0 mmol/L et une acidose métabolique dans le cadre d’une insuffisance rénale aiguë.

Interrelations des troubles hydro-électrolytiques

L’hypercalcémie est souvent accompagnée d’une déshydratation extracellulaire (bilan négatif de chlorure de sodium). Il est important de savoir mettre en œuvre le traitement de l’une (l’expansion volémique) qui permet de réévaluer la prise en charge de l’autre (l’hyper­calcémie) : l’hydratation parentérale d’une hyper­calcémie à 2,90 mmol/L qui était initialement menaçante peut permettre d’obtenir une valeur plus proche de 2,60 mmol/L, diminuer le retentissement cardiaque et neurologique et ainsi permettre de compléter les explorations étiologiques.
Lors de la prise en charge initiale, il faut savoir changer sa stratégie au fur et à mesure de l’évolution clinicobiologique : la surveillance régulière est un élément clé permettant de s’assurer que les traitements entrepris permettent d’atteindre les objectifs prédéterminés. Par exemple, l’utilisation des biphosphonates en urgence est tout à fait indiquée dans les hypercalcémies des cancers, en particulier lorsqu’il s’agit de métastases osseuses. Ce qui ne veut pas dire que toute hypercalcémie menaçante doit être traitée par biphosphonate : il arrive malheureusement qu’un patient ayant un cancer, par exemple de la thyroïde (qui a été traité chirurgicalement par thyroïdo-para­thyroïdectomie avec curage ganglionnaire), présente une hypercalcémie par surdosage en vitamine D active dans le cadre du traitement de son hypoparathyroïdie postchirurgicale. Un traitement par biphosphonate, dans cette situation, serait catastrophique et entraînerait une hypocalcémie réfractaire prolongée, elle-même bien plus à risque de trouble du rythme que l’hypercalcémie initiale : les variations rapides sont aussi dangereuses. Il est donc important de prendre en compte l’ensemble des éléments de l’anamnèse pour choisir le traitement le plus adapté à la situation.

Troubles hydro-électrolytiques évalués par des mesures biologiques

La démarche diagnostique et la surveillance reposent essentiellement sur des mesures biologiques (dans le sang et/ou l’urine) : il faut absolument comprendre les limites (pré-analytiques et analytiques) de ces outils et savoir interagir avec les spécialistes de biologie médicale. Ceci est particulièrement important, notamment lorsque la biologie est en complète discordance avec le reste de la présentation clinicobiologique : une hypercalcémie isolée à 2,60 mmol/L, sans anomalie de la concentration circulante d’hormone para­thyroïdienne, ni de la phosphatémie, ni de la calciurie et sans aucun symptôme doit orienter soit vers une fausse hypercalcémie soit vers une forme rare (l’hypercalcémie hypocalciurique familiale). Dans tous les cas, la coopération multidisciplinaire est souvent la clé pour appréhender ces situations complexes.

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