En raison des événements tragiques en Ukraine, la demande de comprimés d’iode en officine explose. Les prendre en prévention a-t-il vraiment un intérêt ? Quels dispositifs sont prévus en France en cas d'exposition ?
Comment ça marche ?
L’administration de comprimés d’iodure de potassium permet de saturer la glande thyroïde par de l’iode stable et d’éviter ainsi la fixation et la pénétration des iodes radioactifs. L’objectif est de limiter l’apparition de pathologies thyroïdiennes, notamment cancéreuses, dans les années et décennies suivant l’exposition.
Attention : la prise de comprimés d’iode stable ne protège pas contre les autres éléments radioactifs (comme le césium 134 ou 137) potentiellement rejetés.
Peut-on en prendre en prévention ?
Cela n’a pas d’intérêt et c’est même dangereux. Les compléments alimentaires contenant de l’iode n’ont pas d’intérêt car insuffisamment dosés.
Pour être pleinement efficace, le comprimé doit être ingéré dans les quelques heures (idéalement 1 ou 2 heures) avant le passage des particules et gaz radioactifs et au plus tard dans les 8 heures.
En cas de possible exposition à de l’iode radioactif, comment sera réalisée la distribution des comprimés d’iode à l’ensemble de la population ?
En France, il existe deux dispositifs, complémentaires :
• Une distribution préventive pour les personnes qui résident ou travaillent à proximité d’une centrale nucléaire (rayon de 20 km).
• Les dispositions spécifiques du plan ORSEC iode, élaborées par les préfets, permettent une distribution en urgence à l’ensemble de la population, en cas de besoin. L’État dispose de stocks qui sont pré-positionnés :
– dans les départements (y compris outre-mer), chez des grossistes-répartiteurs, selon un maillage territorial permettant de conserver les stocks dans de bonnes conditions et de les mettre à disposition de la population dans des délais très courts ;
– dans les zones de défense et de sécurité, sur des plateformes permettant de réapprovisionner les départements, si nécessaire.
La France dispose-t-elle d’un stock suffisant de comprimés d’iode ?
Aujourd’hui, la pharmacie centrale des armées est le fabricant historique des comprimés d’iode en France. Le laboratoire Serb dispose également d’une AMM depuis le mois de novembre 2021. Si la situation le nécessitait, les stocks de l’État permettraient une distribution de comprimés à l’ensemble de la population.
En pratique ?
La dose à administrer varie selon le profil du patient. En France, la durée du traitement peut varier d’une prise unique à une prise quotidienne pendant 7 jours au maximum, selon les caractéristiques de l’accident. Les comprimés se conservent 10 ans au maximum, dans l’emballage extérieur d’origine, à l’abri de l’humidité, à une température inférieure à 25 °C.
Les populations ayant bénéficié du traitement doivent faire l’objet d’une surveillance par le médecin traitant, en particulier les femmes enceintes, les enfants et les sujets ayant un antécédent de goitre ou de pathologie thyroïdienne. À l’heure actuelle, il n’y a pas de contre-indication à l’administration d’iodure de potassium.
Cinzia Nobile, La Revue du Praticien
Pour en savoir plus :
Souidi M, Crambes C, Caire-Maurisier F, et al. Prophylaxie par iodure de potassium en situation d’accident nucléaire. Rev Prat Med Gen 2021;35(1062);496-8.
IRSN. Prise d’iode stable : mettre fin aux idées reçues. Mars 2022.
Ministère de l’intérieur. Campagne de distribution d’iode. 16 mars 2021.
Ordre national des pharmaciens. Demande en comprimés d’iode : quelles réponses apporter à la population ? 5 mars 2022.