La bronchite aiguë est la première cause de consommation d’antibiotiques en France, alors même qu’elle est de cause virale dans 90 % des cas. Il s’agit donc de l’un des enjeux majeurs de santé publique, notamment pour la maîtrise du volume de prescription antibiotique et du coût engendré. Connaître les principes de prise en charge (fig. 1) en fonction du terrain des patients semble donc être indispensable en cabinet de ville.
Les antibiotiques, ce n’est pas automatique et c’est même… inutile ici !
Le traitement d’une bronchite aiguë non compliquée est symptomatique et doit se faire en ambulatoire. Il comprend généralement des antipyrétiques (paracétamol) ; les anti-inflammatoires non stéroïdiens et les corticoïdes systémiques sont à éviter. Les corticoïdes inhalés peuvent être envisagés en cas de signes spastiques faisant suspecter une décompensation d’une maladie asthmatique sous-jacente.
Chez un adulte sans comorbidité respiratoire, les antibiotiques ne sont pas nécessaires. Et pour cause : dans 90 % des cas, l’origine de l’infection est virale. Les antibiotiques ne réduisent ni la durée, ni l’évolution des symptômes, ni le risque de complications de la bronchite aiguë. Il existe quelques exceptions, notamment en cas de maladie bronchique chronique sous-jacente (bronchopneumopathie chronique obstructive [BPCO], dilatation des bronches).
Les symptômes sont spontanément résolutifs le plus souvent dans les dix jours. Une toux post-infectieuse peut parfois persister jusqu’à trois semaines sans critères de gravité.
Place des traitements antitussifs
La toux est un réflexe naturel de protection des voies aériennes. Il faut la respecter. Dans certains cas, un sirop antitussif peut être proposé, mais il faut le restreindre aux cas de toux sèche, lorsque le retentissement général est trop important (toux insomniante, émétisante). Lorsque la toux devient grasse, le traitement doit être arrêté pour ne pas empêcher que le drainage bronchique se fasse correctement.
Dans tous les cas, les traitements antitussifs sont contre-indiqués chez l’enfant âgé de moins de 2 ans, et les médicaments à base de codéine ne sont pas recommandés chez les enfants âgés de moins de 12 ans, chez les femmes enceintes, ou en cas d’insuffisance hépatique.
Les traitements antitussifs (tableau) ont un mode d’action différent en fonction de leur cible :
- centrale : antitussifs opioïdes à base de codéine, dextrométorphane, éthymorphine. Ils agissent sur les déterminants neurologiques centraux de la toux ;
- périphérique : antihistaminiques. Ils réduisent les effets de l’histamine sur les bronches ;
- antispasmodique : ils sont élaborés à base de plantes (lierre grimpant).
Attention, les antitussifs opiacés peuvent avoir certains effets indésirables tels que somnolence, sensations de vertige, nausées et constipation.
Tous les médicaments à base de pholcodine ont été retirés du marché depuis fin 2022, en raison d’un risque rare mais sévère de réaction allergique.
Mucolytiques : pas d’indication dans la bronchite non compliquée
Les traitements mucolytiques permettent de fluidifier les sécrétions par action directe sur les mucopolysaccharides du mucus bronchique.
Il n’y a pas de recommandation pour les mucolytiques dans les bronchites aiguës non compliquées.
Ils peuvent être considérés au cas par cas pour des difficultés d’expectoration et doivent alors être associés à des séances de kinésithérapie respiratoire afin de favoriser le drainage des sécrétions bronchiques.
Grippe et Covid- 19 : quand instaurer un traitement antiviral ?
Chez les patients adultes ambulatoires suspectés d’être infectés par la grippe, le traitement antiviral est indiqué dans les situations à risque de complication (par exemple, en cas d’immunodépression ou de maladie chronique), de grossesse ou d’accouchement récent. Le traitement (oseltamivir [Tamiflu]) doit alors être institué le plus rapidement possible, idéalement dans les deux jours suivant le début des symptômes.
En cas d’infection Covid- 19 confirmée, un traitement antiviral peut être proposé aux patients non oxygénorequérants les plus à risque de formes sévères : patients immunodéprimés, de plus de 60 ans ou ayant des comorbidités à risque et un schéma vaccinal incomplet. Paxlovid (nirmatrelvir-ritonavir) est à privilégier et doit être prescrit idéalement dans les cinq jours suivant le début des symptômes. En cas d’insuffisance rénale sévère (clairance inférieure à 30 mL/min) ou d’insuffisance hépatique, il n’est néanmoins pas recommandé. En outre, de nombreuses interactions médicamenteuses peuvent en limiter l’utilisation. La liste des médicaments interagissant avec Paxlovid est à consulter sur https ://sfpt-fr.org/recospaxlovid.
BPCO et bronchite aiguë, une prise en charge particulière
La survenue d’une bronchite aiguë sur BPCO sous-jacente requiert des adaptations dans la prise en charge. Elle est en effet associée à une épidémiologie microbienne différente de la bronchite aiguë du sujet sain et nécessite plus fréquemment des antibiotiques. Par ailleurs, le risque d’aggravation de l’état respiratoire et d’exacerbation aiguë est à prendre en compte.
Infections bactériennes plus fréquentes sur terrain de BPCO
Les organismes infectieux le plus souvent en cause restent les virus : grippe, virus respiratoire syncytial, SARS-CoV- 2, rhinovirus, adénovirus. Les infections bactériennes sont toutefois plus fréquentes que chez les sujets sains, et leur répartition bactériologique est différente. Par fréquence décroissante, on décrit : Haemophilus influenzae, Streptococcus pneumoniae, Moraxella catarrhalis. Pseudomonas aeruginosa est plus rarement en cause mais doit être évoqué en cas de BPCO sévère (BPCO GOLD 4, c’est-à-dire avec un volume expiratoire maximal par seconde [VEMS] inférieur à 30 % de la valeur théorique), de bronchite nosocomiale ou de patient immunodéprimé. Le principal argument en faveur de la nature bactérienne de l’infection est la purulence des expectorations.
L’infection microbienne s’accompagne d’un recrutement de cellules inflammatoires, d’une hypersécrétion et d’une hyper-réactivité bronchique qui aggravent l’obstruction bronchique et peuvent entraîner une exacerbation aiguë de la BPCO. Celle-ci est définie par une majoration de la dyspnée et/ou de la toux et des expectorations qui s’aggravent en moins de quatorze jours. Il est généralement noté une augmentation de l’utilisation du traitement bronchodilatateur personnel par le patient dans les jours précédents. En l’occurrence, les infections bronchiques (virales ou bactériennes) représentent la principale cause des exacerbations de BPCO. La majorité des exacerbations sont légères à modérées et peuvent être prises en charge en ville.
Dans 10 % des cas, les exacerbations mènent à une hospitalisation. Ainsi, la survenue d’une exacerbation nécessite de rechercher systématiquement les signes de gravité, parmi lesquels la polypnée (fréquence respiratoire supérieure à 30 cycles/min) et la désaturation qui annonceraient une possible défaillance ventilatoire. Les signes d’hypercapnie sont plus tardifs (sueurs, céphalées, flapping, troubles de la vigilance).
Quels examens complémentaires ?
La réalisation de prélèvements biologiques est réservée aux cas de doute diagnostique. De même, la radiographie de thorax n’a pas d’intérêt en dehors d’un doute sur un diagnostic différentiel (pneumopathie par exemple), et l’examen cytobactériologique des crachats (ECBC) est réservé aux patients ayant une colonisation bactérienne chronique connue ou un échec d’antibiothérapie. Ainsi, dans la majorité des cas, aucun examen complémentaire n’est nécessaire.
Bronchodilatateurs, socle de la prise en charge
La prise en charge thérapeutique en ville est d’abord fondée sur les bronchodilatateurs, qui doivent être administrés à posologie élevée et précocement. Il s’agit en première intention de β2 -mimétiques de courte durée d’action seuls ou en association avec un anticholinergique, également de courte durée d’action. L’utilisation d’une chambre d’inhalation est un moyen simple et efficace de s’assurer de la bonne technique de prise et ainsi d’augmenter la concentration du médicament.
La mise en place d’une antibiothérapie pour cinq jours dépend de la présence d’une majoration de la purulence des expectorations et de facteurs de risque liés à la pathologie sous-jacente (fig. 2).
Une corticothérapie orale courte en ville n’est pas indiquée en première intention. Compte tenu de la répétition des exacerbations, notamment chez les patients avec un profil « exacerbateur », les effets indésirables de cures répétées de corticoïdes systémiques dépassent un bénéfice incertain. La corticothérapie est réservée aux formes avec bronchospasme persistant après quarante-huit heures de traitement ou aux formes nécessitant une hospitalisation, après avoir éliminé un diagnostic associé comme une décompensation cardiaque.
Prescrire de la kinésithérapie respiratoire peut être utile en cas d’encombrement bronchique.
Une consultation de suivi pour réévaluer l’évolution doit être systématique dans les jours qui suivent la mise en place du traitement. Dans tous les cas, la survenue d’une exacerbation doit être l’occasion de réévaluer à distance la pathologie de fond et de renforcer le suivi, à commencer, bien sûr, par le sevrage tabagique.
Toux persistante : quatre causes possibles
Après une bronchite infectieuse, la toux disparaît habituellement peu à peu, en moins de trois semaines. Cependant, passé ce délai, il se peut qu’une toux persiste, alors qualifiée de subaiguë, et ceci dans approximativement 10 à 15 % des cas. Une démarche diagnostique rigoureuse doit alors être conduite : d’une part, pour ne pas méconnaître une pathologie sous-jacente ; d’autre part, afin de mettre en évidence le mécanisme causal et envisager un éventuel traitement symptomatique adapté.
Si les infections des voies respiratoires basses, surtout d’origine virale, se compliquent de toux de façon banale, les mécanismes physiopathologiques impliqués sont complexes, associant hyperréactivité bronchique, hypersécrétion bronchique et défaut de clairance mucociliaire.
Écoulement nasal postérieur
La cause à éliminer en priorité est un écoulement nasal postérieur. Le traitement dans ce contexte se fonde sur les lavages de nez au sérum physiologique. Aucune autre intervention n’est nécessaire.
Hyper-réactivité bronchique
Un autre mécanisme fréquent est celui de l’hyper-réactivité bronchique post-infectieuse non spécifique, ou toux post-infectieuse.
Dans ce cas, la toux est typiquement sèche, déclenchée par le froid ou l’effort. À noter que l’hyper-réactivité n’implique pas systématiquement un asthme sous-jacent ; la résolution spontanée est fréquente et doit donc inciter à l’abstention thérapeutique et à la réassurance.
Cependant, en cas de symptômes persistants ou invalidants, un traitement peut être proposé. Il n’y a pas de consensus ni de recommandations de haut niveau de preuve, mais un traitement court (15 jours à 1 mois) par corticoïdes inhalés, plus ou moins associés à des bronchodilatateurs de longue durée d’action, est habituellement proposé avec consigne de rinçage de la bouche à l’eau après utilisation.
Pathologie pulmonaire
Il se peut également que la toux subaiguë post-infectieuse soit un symptôme d’une pathologie pulmonaire sous-jacente découverte à cette occasion. Cela doit donc inciter à la prudence : ne pas banaliser le symptôme, surtout dans les populations à risque comme les fumeurs. Les diagnostics principaux sont, dans ce cas, les pathologies bronchiques (BPCO, asthme, dilatation des bronches), infectieuses (coqueluche, tuberculose), néoplasiques (cancer bronchopulmonaire, pleurésie métastatique) ou interstitielles (pneumopathies interstitielles diffuses).
Dysfonction laryngée
Post-infectieuse avec toux, c’est une complication exceptionnelle mais décrite notamment dans les suites d’une infection à Covid- 19.
Trois situations nécessitant des explorations
En résumé, la persistance d’une toux subaiguë post-infectieuse doit faire réaliser des examens complémentaires dans trois situations :
- en cas de signes fonctionnels respiratoires associés (dyspnée, douleur thoracique ou, bien sûr, hémoptysie) ou de signes généraux et extrathoraciques persistants (altération de l’état général, dysphonie…) ;
- en cas d’anomalie de l’examen physique (crépitants secs, hypoventilation localisée, sibilants…) ;
- ou simplement en cas de persistance de la toux de façon particulièrement prolongée (après 4 à 6 semaines).
Il est possible de réaliser un scanner thoracique sans injection et des EFR en cas de suspicion de BPCO ou d’asthme ; le patient doit ensuite être adressé à un pneumologue.
Que dire à vos patients ?
- La bronchite aiguë est d’origine virale dans la très grande majorité des cas. Les antibiotiques n’ont donc aucune utilité. Il faut éviter les anti-inflammatoires, les corticoïdes, les antitussifs (sauf avis contraire de votre médecin).
- La fièvre disparaît en général en trois jours et la toux en trois semaines.
- Il faut consulter si la fièvre ou la toux persiste au-delà de ces délais, s’il y a des crachats de sang ou une violente douleur thoracique.
Liens utiles :
- infographies à l’attention des patients « Antibiotiques : soyons responsables » : http ://tinyurl.com/yc2v3r49
- podcasts sur les antibiotiques à l’attention des patients : https ://soundcloud.com/antibiotiques
Boîte à outils et aide à la prescription : https://antibioclic.com/ ; https://www.antibioest.org/antibioest-ville/
Dossier ANSM « Bien utiliser les antibiotiques » : http://tinyurl.com/yf2czkv2
Ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités. « Répertoire : des outils pour le bon usage des antibiotiques » : http://tinyurl.com/3rysb7e6
Dans cet article
- Les antibiotiques, ce n’est pas automatique et c’est même… inutile ici !
- Place des traitements antitussifs
- Mucolytiques : pas d’indication dans la bronchite non compliquée
- Grippe et Covid- 19 : quand instaurer un traitement antiviral ?
- BPCO et bronchite aiguë, une prise en charge particulière
- Toux persistante : quatre causes possibles