Objectifs
Diagnostiquer une prééclampsie, principes thérapeutiques (posologies).
Connaître et prévenir les complications de la prééclampsie.
La prééclampsie est une pathologie fréquente, exclusivement obstétricale, pouvant mettre en jeu le pronostic vital aussi bien fœtal que maternel. Il est indispensable de connaître les critères diag­nostiques, de sévérité et de gravité de cette pathologie. Son unique traitement est l’arrêt de la grossesse. Cependant, en l’absence de défaillance d’organe avant 34 semaines d’aménorrhée (SA) ou de signes de sévérité entre 34 et 37 SA, certains cas de pré­éclampsies peuvent bénéficier d’une prise en charge expectative afin de diminuer les complications potentielles de la prématurité.

Épidémiologie

La prévalence de la prééclampsie se situe entre 2 et 3 % des grossesses, elle évolue vers une forme sévère dans près de 10 % des cas.1 En France, la majorité des décès maternels rapportés aux complications de la prééclampsie sont encore jugés comme « possiblement évitables », les facteurs d’évitabilité concernent l’adéquation des soins dans tous les cas et l’organisation des soins (lieu de prise en charge) dans 40 % des cas.2

Physiopathologie

La prééclampsie est due à des troubles précoces de la placentation, responsables d’une insuffisance placentaire et d’un dysfonctionnement de l’endothélium maternel.3 Elle est spécifique de l’espèce humaine, et sa genèse débute dès le premier trimestre de grossesse avec :
  • un défaut d’invasion trophoblastique extravilleux et de remodelage vasculaire sous-placentaire et notamment des artères spiralées, entraînant des phénomènes d’ischémie-reperfusion et d’hypoxie placentaire ;
  • l’hypoxie placentaire relative associée au stress oxydant est responsable d’un dysfonctionnement du trophoblaste villeux qui libère différentes molécules (sFLT1, radicaux libres, cytokines) et débris syncytiaux dans la circulation maternelle ;
  • les substances libérées induisent un dysfonctionnement de l’endothélium maternel entraînant les signes cliniques et biologiques de la maladie chez la mère.
Les symptômes maternels peuvent persister plusieurs semaines en post-partum.
Connaître la physiopathologie de la pré­éclampsie permet de mieux comprendre certains signes cliniques : prise de poids excessive et apparition d’œdèmes (baisse de la pression oncotique plasmatique secondaire à la protéinurie et augmentation de la perméabilité vasculaire), dysfonction endothéliale pouvant évoluer vers une microangiopathie thrombotique (MAT), le plus souvent dans le territoire vasculaire hépatique (mise en tension de la capsule de Glisson expliquant la douleur en barre épigastrique). MAT expliquant la thrombopénie et l’hémolyse du HELLP syndrome (hemolysis, elevated liver enzymes and low platelets).

Facteurs de risque

Les principaux facteurs de risque sont les suivants  :
  • l’antécédent personnel de prééclampsie ou de retard de croissance intra-utérin vasculaire ;
  • l’hypertension artérielle chronique ;
  • le syndrome des antiphospholipides [SAPL] ;
  • le lupus ;
  • les pathologies rénales chroniques ;
  • le diabète prééxistant à la grossesse ;
  • l’âge maternel supérieur à 40 ans ;
  • l’obésité ;
  • les grossesses obtenues par fécondation in vitro avec don d’ovocyte ;
  • les grossesses multiples ;
  • la nulliparité.

Définitions

Prééclampsie

La prééclampsie est définie par trois critères associés :
  • une hypertension artérielle (HTA) systolique ≥ 140 mmHg et/ou diastolique ≥ 90 mmHg ;
  • une protéinurie ≥ 0,3 g/24 h ou à un ratio protéinurie/créatininurie ≥ 30 mg/mmol sur échantillon d’urines ;
  • survenant après 20 SA.
Il existe des formes rares et atypiques qui n’entrent pas dans la définition de la prééclampsie telle que décrite ci-dessus du fait de l’absence d’une protéinurie significative. Dans ces situations, l’absence de protéinurie n’exclut pas le diagnostic de prééclampsie en cas d’HTA gravidique associée à des signes de gravité ou de sévérité, tels que définis ci-dessous.
Le diagnostic de pré­éclampsie peut s’effectuer selon la même définition jusqu’à quinze jours en post-partum.

Prééclampsie sévère

Différents critères cliniques et biologiques permettent de définir une prééclampsie comme sévère.
Les critères cliniques sont les suivants :
  • une HTA sévère (PAS ≥ 160 mmHg et/ou PAD ≥ 110 mmHg) ou non contrôlée ;
  • une oligurie < 500 mL/24 h ou < 25 mL/h ;
  • une douleur abdominale épigastrique et/ou une douleur de l’hypochondre droit « en barre » persistante ou intense ;
  • une douleur thoracique, une dyspnée, un œdème aigu pulmonaire (OAP) ;
  • des signes neurologiques : céphalées sévères ne répondant pas au traitement, troubles visuels ou auditifs persistants (myodésopsies, phosphènes, acouphènes), réflexes ostéotendineux vifs, diffusés et polycinétiques.
Les critères biologiques sont au nombre de quatre :
  • une protéinurie > 3 g/24 h ;
  • une créatinémie ≥ 90 μmol/L ;
  • une thrombopénie < 100 000/mm3 ;
  • une cytolyse hépatique (ASAT et/ou ALAT > 2 fois la normale).
La présence d’un des critères de sévérité constitue une indication de naissance après 34 SA.

Critères de gravité

Les critères de sévérité et de gravité ont été définis par les recommandations du Collège national des gynécologues et obstétriciens français et de la Société française d’anesthésie et de réanimation de 2020 :4
– une PAS ≥ 180 mmHg et/ou une PAD ≥ 120 mmHg ;
  • une douleur épigastrique et/ou de l’hypochondre droit « en barre » persistante ;
  • des céphalées sévères ne répondant pas au traitement, des troubles visuels ou auditifs persistants, un déficit neurologique, des troubles de la conscience ;
  • une crise d’éclampsie ;
  • une détresse respiratoire, un œdème aigu du poumon ;
  • un HELLP syndrome ;
  • une insuffisance rénale aiguë.
Ces critères imposent un transfert maternel médicalisé en urgence, une prise en charge en milieu adapté (monitorage maternel continu et fœtal selon le terme), l’utilisation de la voie veineuse en cas de nécessité d’un antihypertenseur, une perfusion de sulfate de magnésium en prévention primaire ou secondaire de la crise d’éclampsie quel que soit le terme.
Avant 34 SA, en situation de viabilité fœtale, la pression artérielle ≥ 180/120 mmHg, si elle est rapidement contrôlée et isolée, n’est pas systématiquement un critère de naissance, et l’expectative sous surveillance hospitalière peut se discuter pour diminuer la prématurité. En revanche, les autres critères de gravité peuvent être considérés comme des défaillances d’organe et constituent une indication de naissance en urgence, en plus de leur prise en charge spécifique.

Autres critères

Selon les définitions françaises, les critères de sévérité et de gravité ne prennent pas en compte les caractéristiques fœtales. La prééclampsie est fréquemment associée à un retard de croissance in utero (RCIU), potentiellement sévère. Ces fœtus sont plus à risque d’anomalies du rythme cardiaque fœtal (RCF) et de mort fœtale in utero.

Complications maternelles de la prééclampsie

Complications neurologiques

La crise d’éclampsie concerne 0,4/1 000 naissances.5 Elle peut survenir quel que soit le terme et dans le post-­partum. Il s’agit d’une crise convulsive généralisée en dehors de tout contexte d’épilepsie. Certains signes neuro­logiques peuvent être annonciateurs et doivent systématiquement être recherchés : phosphènes, acouphènes, céphalées, réflexes ostéotendineux vifs, polycinétiques et/ou diffusés. Sa prise en charge est une urgence vitale ; à la phase aiguë, les manœuvres de réanimation doivent être effectuées : position latérale de sécurité, protection des voies aériennes supérieures. La perfusion de sulfate de magnésium en prévention de la récidive et la naissance par césarienne en urgence sont systématiques. Compte tenu de la fréquence élevée des diagnostics différentiels et du risque de complications neurologiques sévères, une imagerie cérébrale doit systématiquement être réalisée après la naissance de l’enfant. Les lésions neuroradiologiques observées dans le contexte de l’éclampsie évoquent dans une majorité de cas un syndrome d’encéphalopathie postérieure réversible (PRES). L’examen de choix pour son diagnostic est l’imagerie par résonance magnétique (IRM). Les diagnostics différentiels sont le syndrome de vasoconstriction cérébrale réversible, l’hémorragie sous-arachnoïdienne, l’accident vasculaire cérébral ischémique ou hémorragique, la thrombophlébite cérébrale, le purpura thrombotique thrombocytopénique.4 Des accidents vasculaires cérébraux hémorragiques ou ischémiques peuvent compliquer l’HTA aiguë, indépendamment d’une crise d’éclampsie.

HELLP syndrome

Il s’agit d’une MAT à tropisme hépatique, spécifique de la grossesse, qui complique 5 à 10 % des prééclampsies.5 Le HELLP syndrome se manifeste sur le plan biologique par une thrombopénie < 100 G/L (100 000/mm3), une hémolyse mécanique (haptoglobine basse ou indosable, LDH > 600 UI/L et bilirubine libre élevée, test de Coombs négatif, présence de schizocytes) et une cytolyse hépatique (ASAT et/ou ALAT ≥ 2 fois la normale).
Le HELLP syndrome doit être évoqué devant toute douleur épigastrique en barre ou en hypochondre droit, et recherché de manière systématique en cas de poussée d’HTA. L’hématome sous-capsulaire du foie est une complication rare et le plus souvent mortelle pour la mère. Ce diagnostic doit être évoqué en cas de persistance d’une douleur en hypochondre droit associée à une déglobulisation aiguë. Les signes biologiques de coagulation intravasculaire disséminée (CIVD), de HELLP syndrome et d’insuffisance hépatocellulaire sont souvent associés.

Hématome rétroplacentaire

La prévalence de l’hématome rétroplacentaire (HRP) est d’environ 0,9 %6 (il peut aussi survenir en dehors de tout contexte de prééclampsie). L’HRP correspond à un hématome entre le placenta et le myomètre, responsable de l’interruption des échanges materno­fœtaux. Il peut rapidement être responsable d’une mort fœtale in utero, et d’une CIVD chez la mère. Aucun signe clinique n’est absolument spécifique, et les tableaux sont souvent incomplets. L’HRP peut se manifester par des douleurs abdominales brutales, souvent continues et associées à une contracture utérine (« utérus de bois »), par des métrorragies au 2e ou 3e trimestre de grossesse, des contractions utérines isolées, des anomalies du rythme cardiaque fœtal. Le tableau d’HRP est souvent contemporain d’une poussée d’HTA aiguë. L’échographie ne doit pas retarder la naissance et ne permet pas toujours de visualiser l’hématome en cours de constitution.

Complications rénales

Certaines formes cliniques de prééclampsie, le plus souvent compliquées de protéinuries massives, évoluent vers une oligoanurie maternelle sans élévation systématique de la créatininémie. Une insuffisance rénale aiguë avec élévation significative de la créatininémie peut également s’observer isolément. Ces manifestations constituent une défaillance d’organe et sont résolutives après la naissance ; ni le remplissage vasculaire ni les diurétiques n’ont prouvé leur intérêt pour prolonger significativement la grossesse dans ce contexte. En dehors des cas de nécrose tubulaire aiguë secondaires à des tableaux de choc hémorragique surajoutés (hémorragie de la délivrance sévère, HRP massifs avec CIVD), l’insuffisance rénale rapidement évolutive en pré- et post-partum doit faire évoquer des diagnostics différentiels selon les contextes cliniques (syndrome hémolytique et urémique atypique, purpura thrombotique thrombocytopénique , syndrome catastrophique des antiphospholipides).7

Complications cardiopulmonaires

La prééclampsie peut se compliquer d’œdème aigu pulmonaire cardiogénique de déclenchement multifactoriel (travail cardiaque augmenté en cours de grossesse, poussée d’HTA aiguë surajoutée, remplissage vasculaire inadapté). Sa prise en charge impose une réanimation maternelle en urgence (oxygénothérapie, traitement diurétique) ainsi qu’une naissance en urgence.
Un bilan étiologique complet doit être systématique (électrocardiogramme, dosage de la troponine, du brain natriuretic peptide [BNP] ou du NT-pro-BNP [N-terminal pro brain natriuretic peptide]) et doit comprendre une échocardiographie transthoracique maternelle en urgence à la recherche d’une cardiopathie (préexistante méconnue ou cardiomyopathie du péripartum). En cas de doute diagnostique dans ce contexte, un angio­scanner thoracique avec injection de produit de contraste à la recherche d’une embolie pulmonaire doit être effectué.

Évaluations clinique et paraclinique d’une prééclampsie

Il est indispensable de mesurer la pression artérielle et de réaliser une bandelette urinaire avec recherche de protéinurie lors de toute consultation obstétricale. En cas de suspicion de prééclampsie, les signes cliniques de gravité doivent être recherchés :
  • neurologiques (céphalées, phosphènes, acouphènes, réflexes ostéotendineux vifs, diffus ou polycinétiques) ;
  • pulmonaires (dyspnée, désaturation, auscultation pulmonaire) ;
  • œdème des membres inférieurs, oligurie, prise de poids rapide ;
  • douleurs abdominales inhabituelles, contracture utérine, douleur en hypochondre droit, vomissements ;
  • métrorragies ;
  • sur le plan fœtal (mouvements actifs fœtaux, recherche d’un retard de croissance par la mesure de la hauteur utérine, enregistrement du rythme cardiaque fœtal par monitoring).
Pour ce qui concerne le bilan biologique, il convient de doser :
  • protéinurie ;8
  • hémogramme, LDH, haptoglobine, taux de prothrombine (TP), temps de céphaline activée (TCA), fibrinogène ;
  • ASAT, ALAT, créatinine, uricémie, ionogramme sanguin ;
  • bilan préopératoire (groupe ABO Rhésus RAI).
En plus de l’enregistrement du rythme cardiaque foetal, une évaluation échographique est indispensable ;9 elle permet :
  • une estimation du poids et de la vitalité fœtale ;
  • une évaluation de la présentation fœtale, localisation placentaire, quantité de liquide amniotique, Doppler ombili­cal et cérébral fœtal.

Prise en charge d’une patiente ayant une prééclampsie

La prise en charge initiale d’une patiente prééclamptique (figure) doit se faire aux urgences obstétricales de la maternité, puis en hospitalisation en service de grossesse à haut risque. Les critères de gravité imposent une prise en charge multidisciplinaire immédiate (sage-femme, obstétricien, anesthésiste-réanimateur) en milieu adapté (salle de surveillance post-interventionnelle [SSPI] ou salle de naissance) avec un monitorage maternel continu et fœtal selon le terme. Certaines situations (HTA non contrôlée, éclampsie, œdème aigu pulmonaire, hématome sous-capsulaire du foie, HRP, anomalie du RCF)10 nécessitent une naissance immédiate et imposent des mesures thérapeutiques sur site, avant un éventuel transfert inter-établissement ultérieur.
En dehors de ces situations, compte tenu du caractère imprévisible de cette pathologie, le transfert in utero (TIU) vers une maternité de type adapté à l’âge gestationnel et au poids fœtal estimé est recommandé.4
Pour les grossesses de moins de 32 SA ou si l’estimation pondérale fœtale est inférieure à 1 500 g, le TIU doit s’effectuer vers une maternité de type 3. La nécessité du recours à un service de réanimation pour la mère doit également être prise en compte dans les formes sévères. En cas de prééclampsie sévère, il est usuel de surveiller la patiente en hospitalisation jusqu’à l’accouchement.
Enfin, une prééclampsie avec signes de gravité avant 24-25 SA et une estimation de poids fœtal inférieure aux seuils retenus pour une prise en charge néonatale active par l’équipe obstétrico-pédiatrique peut justifier une interruption médicale de grossesse pour sauvetage maternel.

Corticothérapie anténatale

La corticothérapie à visée maturative fœtale doit être réalisée dès le diagnostic de prééclampsie si le terme est inférieur à 34 SA,11 elle améliore le pronostic néonatal dans sa globalité (réduction de la mortalité néonatale et des complications respiratoires, neurologiques et digestives). Elle consiste en deux injections intramusculaires à 24 heures d’intervalle de 12 mg de bétaméthasone.

Traitement antihypertenseur

En situation de prééclampsie non sévère, il est recommandé de prescrire un traitement antihypertenseur par voie orale en cas de PAS mesurée entre 140 et 159 mmHg et/ou de PAD mesurée entre 90 et 109 mmHg à plusieurs reprises et au repos, pour réduire la morbidité maternelle ou périnatale.
Dans cette population, l’objectif tensionnel est donc strictement inférieur à 140/90 mmHg.12
En situation de prééclampsie sévère, il est recommandé d’administrer systématiquement un traitement antihypertenseur aux patientes avec une PAS ≥ 160 mmHg et/ou une PAD ≥ 110 mmHg au repos et persistant durant plus de quinze minutes, et de maintenir la pression artérielle en dessous de ces seuils pour réduire la survenue de complications maternelles, fœtales et néonatales sévères.
En cas de prééclampsie sévère avec au moins un signe de gravité clinique ou biologique, il est recommandé d’administrer le traitement antihypertenseur par voie intraveineuse.
Les antihypertenseurs recommandés en cas de prééclampsie et utilisables par voie veineuse sont le labétalol (alpha/bêtabloquant), la nicardipine (inhibiteur calcique de type dihydropyridine), l’urapidil (alphabloquant). Lorsqu’un antihypertenseur intraveineux est indiqué, il est recommandé d’utiliser le labétalol en première intention.
Les antihypertenseurs recommandés par voie orale sont le labétalol, la nicardipine, l’urapidil et l’alpha-­méthyldopa (antihypertenseur central).
Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion ainsi que les antagonistes des récepteurs AT1 de l’angiotensine sont contre-indiqués pendant la grossesse.

Sulfate de magnésium

Il est recommandé d’administrer en anténatal du sulfate de magnésium par voie veineuse aux femmes avec une prééclampsie sévère et au moins un signe clinique de gravité afin de réduire le risque de survenue d’une éclampsie (prévention primaire). En cas de crise d’éclampsie, c’est le premier traitement à mettre en place pour éviter les récidives (prévention secondaire), éventuellement associé à des benzodiazépines. Il s’administre avec une dose de charge de 4 g sur 20 minutes puis 1 g/h pendant 24 heures. Le sulfate de magnésium est responsable de dépression respiratoire maternelle en cas de surdosage et doit faire l’objet d’une surveillance continue (salle de naissance ou SSPI) selon des protocoles prédéfinis. L’élimination du sulfate de magnésium est rénale, et l’anurie maternelle impose l’arrêt du traitement jusqu’à reprise de la diurèse.
Ces indications maternelles du sulfate de magnésium en prévention primaire ou secondaire de l’éclampsie s’imposent quel que soit le terme de la grossesse et ne doivent pas être confondues avec les indications à visée de neuroprotection fœtale en cas de naissance envisagée avant 32 SA.

Terme de naissance et voie d’accouchement

Il est recommandé de poursuivre la grossesse jusqu’à 34 SA en l’absence de signes de gravité surajoutés maternels ou fœtaux, afin de réduire la morbidité néonatale, sans augmenter significativement la morbidité maternelle. Chez les femmes avec une prééclampsie non sévère, cette attitude expectative, sous surveillance maternelle et fœtale, peut se prolonger entre 34 et 37 SA. Toute prééclampsie au-delà de 37 SA est une indication de naissance. Il n’est pas recommandé de réaliser systématiquement une césarienne en cas de prééclampsie, mais d’adapter la voie d’accouchement à chaque situation obstétricale en fonction du degré d’urgence.12

Gestion du post-partum

Post-partum immédiat

Le risque de complication de la prééclampsie persiste en post-partum et impose la poursuite du traitement antihypertenseur ainsi qu’une surveillance en hospitalisation. La prééclampsie augmente le risque thrombo­embolique en post-partum. Un traitement thromboprophylactique par héparine de bas poids moléculaire (HBPM) doit être envisagé en fonction de la voie d’accouchement ainsi que des autres facteurs de risque maternels.4 Le labétalol et la nicardipine ne contre-­indiquent pas l’allaitement maternel.
L’inhibition de la lactation par dérivés de l’ergot de seigle (comme le lisuride et la cabergoline) n’est pas contre-indiquée en cas de prééclampsie. La prééclampsie n’est pas une contre-indication à la contraception par pilule microprogestative en post-partum.

Consultation de suivi

La consultation post-partum est systématiquement proposée (article R2122-3 du code de la santé publique) pour toute grossesse, entre 6 et 8 semaines. En cas de pré­éclampsie, cette consultation permet de réévaluer l’intérêt de poursuivre un traitement antihypertenseur en concertation avec le médecin traitant de la patiente, et de vérifier la normalisation de la protéinurie.
En cas de perturbations persistantes du bilan biologique, une consultation avec un médecin spécialiste d’organe est à prévoir. En raison du risque élevé de développer une hypertension artérielle chronique à moyen terme et du risque accru de complications cardiovasculaires à long terme, il est recommandé d’informer les femmes ayant présenté une prééclampsie de la nécessité d’un suivi médical pour surveiller la pression artérielle et prendre en charge de possibles autres facteurs de risque cardiovasculaire. Chez les femmes avec un antécédent de pré­éclampsie isolée, il n’est pas recommandé de réaliser une recherche de thrombophilie héréditaire. En cas de pré­éclampsie sévère avant 34 SA, la patiente peut bénéficier d’un bilan biologique, à la recherche d’un SAPL.12

Risque de récidive et nouvelle grossesse

En cas d’antécédent de prééclampsie, il est recommandé d’initier un traitement par aspirine en début de grossesse (100 à 160 mg/j, le soir) avant 20 SA et de l’arrêter à partir de 36 SA. En l’absence d’autre indication, il est recommandé de ne pas administrer d’HBPM en association à l’aspirine.12
En dehors de l’antécédent de pathologie vasculaire placentaire, les facteurs de risque maternels, même cumulés, ne sont pas considérés à ce jour, en France, comme des indications à une prophylaxie par aspirine.
Points forts
Prise en charge d’une patiente atteinte de prééclampsie

POINTS FORTS À RETENIR

La prééclampsie est une pathologie obstétricale pouvant mettre en jeu le pronostic vital maternel quel que soit le terme de survenue.

Toute suspicion de prééclampsie doit conduire à adresser la patiente en urgence à la maternité.

La prééclampsie est définie par une hypertension artérielle (HTA) systolique ≥ 140 mmHg et/ou diastolique ≥ 90 mmHg associée à une protéinurie ≥ 0,3 g/24 h ou un ratio protéinurie/créatininurie ≥ 30 mg/mmol et survenant après 20 semaines d’aménorrhée.

Toute patiente avec une prééclampsie confirmée doit être initialement hospitalisée en maternité de type adapté au terme et au poids fœtal estimé.

La corticothérapie à visée maturative fœtale est systématique avant 34 SA.

Un antécédent de prééclampsie quel que soit le terme de diagnostic ou de naissance est une indication à une prévention secondaire par aspirine (100 à 160 mg/j) pour les grossesses ultérieures.

Encadre

Feux rouges

La connaissance des signes de sévérité de la prééclampsie est indispensable à la prise en charge obstétricale et notamment à la détermination du terme de naissance.

La présence de signes de gravité impose une prise en charge multidisciplinaire en urgence, en secteur de soins avec surveillance maternelle et fœtale continue, la perfusion de sulfate de magnésium et une naissance sans expectative en cas de défaillance d’organe.

Références
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