L’anamnèse et l’automesure (trois mesures le matin, trois mesures le soir, trois jours de suite) ou la mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA) sont des moyens fiables pour détecter une HTA permanente ou une variabilité tensionnelle accrue.
Pour mémoire, les seuils définissant l’HTA en Europe sont les suivants :
– en automesure tensionnelle : pression artérielle systolique (PAS) ≥ 135 mmHg et/ou pression artérielle diastolique (PAD) ≥ 85 mmHg ;
– en consultation : PAS ≥ 140 mmHg et/ou PAD ≥ 90 mmHg.
Améliorer l’alimentation est efficace !
Rôle des minéraux dans l’HTA
Le sodium, à limiter
Le sodium est l’un des deux constituants du sel (40 % de sodium et 60 % de chlore) ; il est le minéral à limiter en cas d’HTA. La sensibilité au sel est variable d’un individu à l’autre (suivant l’âge, le poids, l’ethnie et l’état de santé général). Mais pour tous, en excès, il participe à l’augmentation de la volémie par phénomène de rétention hydrosodée, donc à l’augmentation de la PA.Sans pour autant éliminer totalement le sel de l’alimentation, il convient de ne pas dépasser une consommation de 5 g/j (l’OMS et le Plan national nutrition santé de 2019 recommandent 5 g/j, soit une cuillère à café). Ce seuil peut être rapidement atteint : la population mondiale ingère en moyenne de 9 à 12 g/j (1 cuillère à soupe), soit le double des recommandations actuelles.² Le « sel caché » représentant 80 % de notre apport, il est utile de connaître les principaux aliments en cause et d’en limiter la consommation (
L’acquisition de nouvelles habitudes alimentaires est progressive ; il en va de même pour la réduction des apports sodés. De fait, un arrêt net de la consommation de sel risquerait d’être délétère, voire anorexigène. L’utilisation d’épices, herbes aromatiques et huiles végétales est un bon moyen d’apporter des saveurs aux plats, tout en réduisant l’utilisation de la salière. Par ailleurs, il convient d’interroger le patient sur ses habitudes, en les identifiant et en tentant de les comprendre (pourquoi saler l’eau de cuisson ? pourquoi ne pas goûter l’aliment avant de le saler ?) pour favoriser une modification progressive mais durable des comportements.
Trois minéraux à privilégier
Le potassium a une régulation fine qui fait intervenir différents systèmes hormonaux, dont le système rénine-angiotensine-aldostérone. Les reins y contribuent de façon cruciale par l’excrétion potassique, elle-même influencée notamment par l’aldostérone surrénalienne.Certaines causes d’hypertension artérielle secondaire (hypercortisolisme, hyperaldostéronisme primaire) peuvent s’associer à une hypokaliémie. L’insuffisance rénale, quant à elle, induit une diminution de l’excrétion du potassium. Or les cibles de kaliémie sont étroites, les hypo- ou hyperkaliémies pouvant s’associer à des complications majeures, voire létales (troubles de la conduction, troubles du rythme cardiaque). Il est donc primordial d’évaluer la kaliémie et la fonction rénale du patient avant de discuter une éventuelle supplémentation potassique.
Certains experts considèrent que, plus que le sodium, c’est le rapport sodium/potassium qui est associé aux variations de pression artérielle. Ce rapport sodium/potassium est en effet un reflet indirect de l’état volémique et de la stimulation du système rénine-angiotensine, l’aldostérone favorisant la réabsorption distale du sodium et l’excrétion rénale de potassium.
Ainsi, il est difficile d’établir des recommandations générales sur les besoins quotidiens en potassium. En 2017, l’American College of Cardiology (ACC) et l’American Heart Association (AHA) préconisaient cependant des apports de 3 500 à 5 000 mg/j.3,4 Ces recommandations sont à adapter en fonction du niveau de kaliémie et de la fonction rénale. Pour un apport optimal, il est conseillé de varier les sources quotidiennes potassiques : fruits et légumes, légumes secs et graines oléagineuses (
Le calcium permet la contraction des myofilaments d’actine et de myosine. À l’instar des autres muscles, le myocarde nécessite un apport calcique quotidien. En fonction de l’âge, les besoins calciques varient entre 950 et 1 200 mg/j. Il est important de consommer quotidiennement davantage de fruits et légumes afin de couvrir ces besoins en calcium, d’autant plus que le dernier Plan national nutrition santé (PNNS) recommande une diminution dans la consommation des produits laitiers (deux produits laitiers par jour pour les adultes ; trois ou quatre pour les enfants, adolescents et personnes âgées), alors que ceux-ci permettaient jusqu’à présent de couvrir deux tiers de nos besoins – le tiers restant étant couvert par les végétaux. Les graines oléagineuses et les légumes secs (ou légumineuses) sont d’excellentes sources calciques (
Le magnésium est un myorelaxant, vasodilatateur puissant, qui agit sur le tonus vasomoteur et le flux sanguin périphérique.5 Certains traitements (inhibiteurs de la pompe à protons, diurétiques) peuvent diminuer la magnésémie. Il convient donc de prévenir, détecter et traiter les carences pour éviter une augmentation de la pression artérielle. Le besoin quotidien en magnésium varie de 360 à 420 mg. L’alimentation reste la principale source de magnésium (
Quels liens entre fibres et poids dans l’HTA ?
Les fibres alimentaires font partie de la grande famille des glucides, mais l’organisme humain ne peut ni les digérer ni les assimiler. Elles sont réparties en deux catégories : les fibres solubles dans l’eau (pectines, gommes, mucilages) et les fibres insolubles (cellulose, hémicellulose, lignine). Au contact de l’eau, les premières prennent l’aspect d’un gel, et les secondes se gorgent d’eau, augmentant ainsi le volume des selles et la vacuité colique. Elles améliorent ainsi le transit intestinal. Elles permettent également d’assimiler moins de lipides (fonction hypocholestérolémiante) et de ralentir la digestion des glucides (fonction hypotriglycéridémiante et amélioration de l’équilibre glycémique). De surcroît, elles accélèrent la sensation de satiété (par travail masticatoire accru), évitant la consommation d’aliments en dehors des repas. In fine, cela se répercute favorablement sur la stabilité, voire la diminution du poids.
Notons enfin que les fibres participent au bon fonctionnement du microbiote intestinal, qui joue un rôle dans le contrôle du poids. Consommer davantage de fibres (environ 30 g/j) est donc depuis plusieurs années un objectif majeur du PNNS pour lutter contre le surpoids et l’obésité, et indirectement contre le développement de l’HTA (
Nutri-Score, utile mais pas suffisant
Les produits les plus favorables sont classés A et les moins favorables E. Un code couleur (vert, orange, rouge) en simplifie la lecture. Le classement se fait selon un score prenant en compte l’énergie, les teneurs en fibres, protéines, acides gras saturés, sucres, sel, fruits et légumes pour 100 g ou 100 mL. Additifs et pesticides ne sont pas pris en compte. Ni les produits non transformés ni les boissons alcoolisées ne sont actuellement concernés par ce système de notation. L’apposition du Nutri-Score sur les emballages est facultative, mais 240 industriels de l’agroalimentaire seraient déjà engagés.
Cet outil ne peut cependant se substituer totalement à une vérification de la teneur en sel d’un produit acheté. Et, autant que possible, il faut continuer d’encourager la « cuisine maison », souvent de meilleure qualité.
Alcool : toujours avec modération
De plus, l’alcool est une substance très calorique (7 kcal pour 1 g), presque aussi énergétique que les lipides (9 kcal pour 1 g). Par comparaison, 1 g de glucides ou de protéines n’apporte que 4 kcal. Or si lipides, glucides et protéines sont des nutriments essentiels, l’alcool ne l’est pas. Sa surconsommation favorise la survenue d’autres facteurs de risque cardiovasculaires, comme le surpoids ou l’hypertriglycéridémie. Les seuils de consommation raisonnable figurant dans le PNNS sont : 2 verres/j au maximum (
Et les autres comportements ?
S’affranchir du tabagisme, même passif
Bouger
Dans le cadre de l’HTA, la plupart des études actuelles s’accordent sur la nécessité de pratiquer une activité physique régulière : trente minutes minimum d’exercice dynamique modéré, cinq à sept jours par semaine. Un avis médical est souhaitable avant que le patient choisisse une activité, certaines pratiques étant contre-indiquées chez les sujets instables (exemple de l’entraînement en résistance). Un travail pluridisciplinaire avec médecin du sport, kinésithérapeute et enseignant en activité physique adaptée (APA) peut être envisagé. Au quotidien, des conseils pratiques peuvent être donnés au patient pour encourager la reprise ou le maintien de l’activité physique :
– faire les 100 pas lors d’un appel téléphonique ;
– s’arrêter plusieurs stations de métro avant et finir le trajet à pied ;
– prendre les escaliers, marcher dans les escalators ;
– faire le ménage, le jardinage, le bricolage de façon dynamique ;
– se lever toutes les deux heures du bureau et marcher un peu ;
– aller chercher les enfants à pied, se rendre à la boulangerie située la plus loin du domicile... ;
– se déplacer à pied, à vélo…11
Rôle du stress
À notre époque, l’organisme est agressé de plus en plus fréquemment, à des intensités différentes (contrariétés, exigences, manque de considération…). On parle de stress aigu et de stress chronique.12
Stress aigu : cause d’événements cardiovasculaires
Le stress aigu s’associe souvent à une émotion forte et brutale causée par une circonstance exceptionnelle (accident) ou plus habituelle (dispute). Cet événement vécu de façon intense peut entraîner un stress tel qu’il peut lui-même provoquer une manifestation cardiaque chez les patients fragilisés ou à haut risque : infarctus du myocarde, angine de poitrine, trouble du rythme cardiaque... L’excès de colère serait le facteur déclenchant du stress aigu le plus nocif, il multiplierait par 15 le risque d’infarctus.12Stress chronique : facteur de risque d’HTA
Le stress chronique, souvent secondaire à un surmenage, un manque de considération, un excès d’exigence envers soi-même ou les autres, etc., peut favoriser, voire aggraver, l’HTA ; il s’agit donc d’un facteur de risque à rechercher. En effet, certaines personnes ont une réactivité tensionnelle anormale au stress. Les symptômes évocateurs de stress chronique sont nombreux : fatigue, insomnies, irritabilité, baisse de moral, fatigue physique, troubles digestifs et de l’appétit… S’affranchir de l’effet « blouse blanche », qui biaise la mesure de la PA en consultation, est essentiel pour poser le diagnostic d’HTA permanente ou de variabilité tensionnelle accrue. L’anamnèse et l’automesure (trois mesures le matin, trois mesures le soir, trois jours de suite) ou la MAPA sont alors les moyens les plus fiables pour évaluer la PA.En pratique, que recommander ?
Outre ses bénéfices dans la diminution du risque cardiovasculaire, l’activité physique est à recommander aussi pour son effet antistress. Des activités de détente (méditation, sophrologie, hypnothérapie), une prise en charge psychothérapeutique ou psychanalytique peuvent être également bénéfiques. Si le sevrage tabagique est entamé, il est conseillé d’accompagner le patient afin de minimiser le stress associé. Enfin, les conseils alimentaires et de modération en matière de consommation d’alcool ne peuvent qu’être bénéfiques pour le patient stressé.Ce qu’il faut dire aux patients
Limiter l’ajout de sel et éviter les produits riches en sel caché, pour tendre vers une consommation de 5 g/j de sel.
Augmenter les apports en potassium, calcium et magnésium, par la consommation quotidienne de fruits et légumes et la consommation régulière de graines oléagineuses et légumineuses.
Arrêter le tabac.
Limiter l’alcool à 2 verres par jour, pas tous les jours et 10 verres au maximum par semaine.
Avoir une activité physique quotidienne de trente minutes par jour au minimum et améliorer la gestion du stress.
Les sites suivants peuvent être utiles : www.anses.fr www.who.int www.mangerbouger.fr www.tabac-info-service.fr www.alcool-info-service.fr www.fedecardio.org
2. OMS. Réduire la consommation de sel. Avril 2020 [en ligne, consulté le 22 décembre 2020]. Disponible sur : https://bit.ly/3li0ZfJ
3. Ozemek C, Tiwari S, Sabbahi A, et al. Impact of therapeutic lifestyle changes in resistant hypertension. Prog Cardiovasc Dis 2020; 63(1):4‑9.
4. Whelton PK, Carey RM, Aronow WS, et al. 2017 ACC/AHA/AAPA/ABC/ACPM/AGS/APhA/ASH/ASPC/NMA/PCNA Guideline for the Prevention, Detection, Evaluation, and Management of High Blood Pressure in Adults: A Report of the American College of Cardiology/American Heart Association Task Force on Clinical Practice Guidelines. Hypertension 2018;71(6):e13-e115.
5. Chrysant SG, Chrysant GS. Adverse cardiovascular and blood pressure effects of drug-induced hypomagnesemia. Expert Opin Drug Saf 2020;19(1):59‑67.
6. Voir aussi : Blanchard A. Hypomagnésémie : quand explorer et supplémenter ? Rev Prat Med Gen 2021;35(1059):333‑4
7. Santé publique France. Étude ESTEBAN 2014-2016 – Chapitre corpulence : stabilisation du surpoids et de l’obésité chez l’enfant et l’adulte. Mai 2019 [en ligne, consulté le 17 juin 2021]. Disponible sur : https://bit.ly/3ljXyWb
8. Day E, Rudd JHF. Alcohol use disorders and the heart. Addiction 2019;114(9):1670‑8.
9. De Buyzere M. Where there’s smoke there might be hypertension. J Hypertens 2015;33(11): 2200‑3.
10. Skipina TM, Soliman EZ, Upadhya B. Association between secondhand smoke exposure and hypertension: nearly as large as smoking. J Hypertens 2020;38(10):1899-908.
11. PNNS Manger Bouger. Comment bouger plus ? [En ligne, consulté le 17 juin 2021]. Disponible sur : https://bit.ly/2Ys3wLm
12. Fédération française de cardiologie. Cœur et stress. Sd [en ligne, consulté le 17 juin 2021]. Disponible sur : https://bit.ly/3FktQZ3