Les bandelettes sous-urétrales, dont la plus connue est la tension-free vaginal tape (TVT), sont indiquées pour le traitement de l’incontinence urinaire d’effort de la femme (fig. 1 et 2). Les prothèses vaginales sont utilisées, quant à elles, pour le traitement des prolapsus génitaux (« descente d’organe »). Si ces deux types de dispositifs médicaux implantables partagent un matériau similaire (matière plastique non résorbable de type polypropylène), leurs indications sont bien différentes, de même que la quantité de matériel mis en place (3 à 10 fois supérieure pour traiter un prolapsus).

Bandelettes et incontinence : pour quelles femmes ?

Il existe deux principaux types d’incontinence urinaire chez la femme : l’incontinence urinaire à l’effort (perte involontaire d’urine à l’effort, la toux, l’éternuement) et l’incontinence urinaire par urgenturie (urgences mictionnelles dans le cadre d’une hyperactivité vésicale). Le traitement de ces deux types d’incontinence passe par la rééducation périnéale en première intention. Les traitements de deuxième ligne sont en revanche différents.

En première ligne : rééducation périnéale, quel que soit le type d’incontinence

La rééducation (exercices de contraction des muscles du périnée avec ou sans sonde vaginale d’électrostimulation et/ou de biofeedback) est réalisée par un(e) kinésithérapeute ou sage-femme. Elle est associée à l’administration locale d’œstro­gènes (voie vaginale) si la femme est ménopausée. Des dispositifs intravaginaux intermittents de type pessaire peuvent également être proposés (encadré et fig. 3). Enfin, une réduction pondérale est recommandée en cas de surpoids.

Traitements de deuxième ligne : en fonction du type d’incontinence

 

Incontinence par urgenturie

Elle peut être traitée par des anti-cholinergiques, en cas d’échec de la rééducation.

 

 

 

Incontinence urinaire d’effort

Une chirurgie est discutée si la prise en charge de première ligne n’a pas été suffisamment efficace. En France comme dans la plupart des pays européens,1,2 le type de chirurgie reconnu comme ayant la meilleure balance bénéfices-risques dans cette indication est toujours actuellement la mise en place d’une bandelette de soutènement sous-urétral : TVT (tension-free vaginal tape), par voie rétropubienne ; TOT (transobturator tape), par voie transobturatrice. Avant l’intervention, les risques de la pose d’une bandelette en polypropylène doivent être expliqués aux patientes par le chirurgien (gynécologue ou urologue) : risque de réintervention pour complication (de l’ordre de 2-3 % pour infection), risque de douleur, de dysurie ou d’exposition prothétique vaginale. Il existe pour cela des fiches d’information produites par le Collège national des gynécologues obstétriciens français3 et par l’Association française d’urologie.
L’alternative est la colposuspension de type Burch, qui a des résultats assez proches en termes d’efficacité mais qui nécessite un abord abdominal (laparotomie ou cœlioscopie), avec un surrisque de complications. Cette intervention, encore pratiquée dans quelques pays européens, a quasiment disparu en France.
D’autres types de chirurgie peuvent être discutés dans certains cas particuliers ou après échec d’une bandelette sous-­urétrale : injections par voie transurétrale, ballonnets ajustables péricervicaux, sphincter urinaire artificiel.

 

 

Prise en charge du prolapsus : la fin d’une époque ?

Le prolapsus génital est une hernie des organes pelviens à travers le vagin. Il peut concerner la vessie (cystocèle), l’utérus (hystéroptose), le cul-de-sac de Douglas (élytrocèle) et le rectum (rectocèle). On le distingue du prolapsus rectal, qui est une extériorisation du rectum par l’anus. Un traitement n’est proposé que si la femme se plaint d’en être gênée. En effet, les risques associés à l’évolution naturelle d’un prolapsus génital sont rares (ulcérations vaginales, dysurie, rétention urinaire, hydronéphrose).

En première intention, tout dépend de la gravité

La rééducation périnéale peut diminuer les symptômes associés à un prolapsus de stade 1 ou 2 (affleurant la vulve au maximum). Elle est inefficace pour les prolapsus de stade 3 ou 4 (franchement extériorisés), pour lesquels il n’existe que deux solutions : les pessaires (encadré et fig. 3) ou la chirurgie.
Les pessaires (cube, donut, anneau, etc.), dispositifs insérés en intravaginal, doivent être associés à des œstrogènes locaux si la femme est ménopausée.
Enfin, si l’obésité est un facteur de risque de prolapsus, la réduction pondérale ne le corrige pas. Seuls les symptômes urinaires associés peuvent être améliorés par une perte de poids.

Chirurgie en deuxième recours

Une chirurgie de correction du prolapsus génital peut être proposée, en cas d’échec de la rééducation ou des pessaires. Pour les femmes éligibles, différentes techniques sont discutées : voie vaginale sans prothèse, promontofixation prothétique, colpocléisis (fermeture vaginale).

 

 

Prolapsus de la femme jeune avec hystéroptose et/ou cystocèle prédominantes

Actuellement, il est préférentiellement traité par promontofixation cœlioscopique avec utilisation de prothèse.

 

 

 

 

Rectocèle prédominante

Elle est plutôt traitée par voie vaginale non prothétique. Une hystérectomie concomitante est possible en fonction du volume de l’utérus et en cas d’éventuelles pathologies utérines associées.

 

 

 

 

Chirurgie par voie vaginale avec prothèse

Jusqu’à récemment, nous pouvions également discuter l’indication d’une chirurgie par voie vaginale avec prothèse. Cette utilisation des prothèses vaginales dans la cure de prolapsus a débuté il y a une vingtaine d’années.
Au départ, les prothèses étaient découpées par le chirurgien puis, progressivement, dessinées industriellement et livrées avec des kits de pose. Certains cas de complications graves ont été très médiatisés. Ces cas ont véritablement existé et, pour certaines femmes, il n’a pas été possible de retirer l’intégralité du matériel mis en place. Toutefois, il faut rappeler que ce risque de réintervention pour complication grave est rare (2 à 3 %).
En avril 2014, la Commission européenne a mandaté des experts pour évaluer la sécurité des prothèses vaginales et des bandelettes. En décembre 2015, le rapport du Scientific Committee on Emerging and Newly Identified Health Risks (SCENIHR) a rendu les conclusions de son travail : l’utilisation des prothèses vaginales devait être réservée aux cas complexes (notamment de prolapsus génital récidivant ou à haut risque de récidive), avec établissement d’un système de certification pour les chirurgiens. Les recommandations multidisciplinaires françaises (gynécologues, urologues) de 2017 limitaient l’utilisation des prothèses vaginales aux cystocèles et uniquement pour les femmes à haut risque de récidive.4 Pour la cure de rectocèle, ces recommandations statuaient qu’il n’y avait pas d’indication à la mise en place d’une prothèse synthétique par voie vaginale en première intention. Un essai randomisé multicentrique français (PROSPERE) a récemment comparé la promontofixation par cœlioscopie et la chirurgie prothétique par voie vaginale : un léger surrisque de complication grave y a été mis en évidence pour la voie vaginale prothétique.5 Cela a été confirmé par un registre français (VIGI-MESH). En revanche, ce dernier n’a pas montré de différence importante entre la voie vaginale avec prothèse et la voie vaginale sans prothèse en termes de risque de réintervention.6
Depuis cinq ans, de nombreux fabricants ont retiré leurs prothèses vaginales du marché et, depuis mars 2020, il n’existe plus aucune prothèse vaginale autorisée sur le marché en France (les dernières à avoir été encore commercialisées ne disposaient pas d’études de données comparatives à long terme).
Or, dans un certain nombre de cas (5-10 % des patientes), l’utilisation de ces prothèses vaginales est une vraie nécessité : femmes ayant un haut risque de récidive (cystocèle volumineuse, surtout en cas d’antécédent de chirurgie pour le même problème) et ayant une contre-­indication à la cœlioscopie (pathologie respiratoire, pelvis adhérentiel, promontoire inaccessible…) ou à l’anesthésie générale. Pour ces patientes, ne peuvent plus se discuter aujourd’hui que des techniques de réparation sans prothèse ou une fermeture vaginale (colpocléisis), souvent vécue comme une mutilation inacceptable.

 

 

Évolutions de la règlementation pour tous les dispositifs médicaux implantables

Après avoir alerté, en 2011, sur le risque d’événements indésirables graves, la Food and Drug Administration (FDA) américaine a reclassé toutes les prothèses vaginales en dispositifs médicaux de type III (nécessitant leur approbation avant commercialisation). Puis, le 16 avril 2019, elle a ordonné l’arrêt immédiat de leur commercialisation en estimant que les laboratoires n’avaient pas fourni de preuves suffisantes de sécurité et d’efficacité de leurs produits.
Au Royaume-Uni, le National Health Service (NHS) a demandé une restriction de leur utilisation. Et, en avril 2019, les recommandations du National Institute for Health and Care Excellence ( NICE) ont précisé que les prothèses synthétiques ne devraient être utilisées par voie vaginale qu’en cas de cystocèle récidivée ou si la voie abdominale était contre-­indiquée, et à la condition d’avoir tenu préalablement une concertation pluridisciplinaire et d’avoir informé la patiente des complications potentielles.
En France, une campagne d’inspection des fabricants mettant sur le marché ces dispositifs de type III (bandelettes et prothèses quelle que soit la voie d’abord) est en cours, afin de vérifier la conformité des processus de fabrication et des produits. Les laboratoires désirant commercialiser ce type de matériel doivent désormais déposer un dossier qui est examiné par la Haute Autorité de santé (HAS) et l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Par ailleurs, un projet d’arrêté d’encadrement des pratiques de chirurgie du prolapsus, élaboré par la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), est en cours d’examen par la HAS. Cette dernière prévoit de réunir les sociétés savantes pour établir de nouvelles recommandations sur les indications de la chirurgie du prolapsus et la prise en charge des complications, d’ici à 2022. Certaines pistes d’action ont déjà été envisagées :
– déterminer des seuils d’activité par centre ou par chirurgien pour la mise en place de ces dispositifs ;
– encourager la mise en place de réunions de discussion pluridisciplinaire (RCP) de pelvipérinéologie pour les cas complexes ;
– poursuivre la tenue de registres chirurgicaux prospectifs à l’échelle nationale ;
– améliorer la nomenclature ( classification commune des actes médicaux , CCAM) en créant des actes spécifiques aux implantations prothétiques pour améliorer le suivi de leurs complications éventuelles ;
– créer des fiches d’information préopératoires transdisciplinaires ;
– améliorer la traçabilité de l’implantation de tels dispositifs avec inscription automatique sur le dossier médical partagé (DMP) ;
– améliorer la fluidité du parcours de soins en transmettant au médecin traitant les informations concernant le dispositif mis en place et les symptômes à surveiller qui pourraient faire évoquer une complication ;
– déterminer des critères de qualité pour les centres prenant en charge les complications de ce type de chirurgie. En effet, patientes, associations et médecins traitants rapportent encore trop souvent des difficultés à adresser les femmes ayant des complications postopératoires, en particulier en dehors des grandes agglomérations.
Ces évolutions de la réglementation tendent vers l’objectif d’assurer aux patientes une chirurgie prothétique réalisée avec des matériaux bien évalués et par des opérateurs expérimentés (maîtrisant les critères d’intervention, le choix du procédé chirurgical le plus adapté et l’acte opératoire lui-même). L’accent est aussi mis sur la nécessité d’une meilleure surveillance des patientes après la chirurgie, et ceci sous la supervision du médecin traitant.

Encadre

Prolapsus et incontinence urinaire de la femme : les pessaires

Il en existe deux catégories : les pessaires de soutien et les pessaires de comblement (fig. 3)

Les pessaires de soutien reposent en arrière dans le cul-de-sac vaginal postérieur et, en avant, au-dessus de l’os pubien. Le plus utilisé est l’anneau (facilité de pose, confort). Lorsqu’une incontinence urinaire est associée au prolapsus, le pessaire bouton est préféré : un renflement placé vers l’avant vient appuyer en arrière sur la partie moyenne de l’urètre.

Les pessaires de comblement remplissent l’espace entre les parois vaginales. Le pessaire cubique est le plus utilisé. Ses faces concaves exercent un phénomène d’aspiration sur les parois vaginales, et ses orifices permettent l’écoulement des sécrétions. Le donut, plus volumineux, est réservé aux prolapsus sévères. Le pessaire à massue combine soutien et comblement.

Références

1. Fritel X, Fauconnier A, Bader G, et al. Diagnosis and management of adult female stress urinary incontinence: guidelines for clinical practice from the French College of Gynaecologists and Obstetricians. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 2010;151(1):14-9.
2. Chapple CR, Cruz F, Deffieux X, et al. Consensus Statement of the European Urology Association and the European Urogynaecological Association on the Use of Implanted Materials for Treating Pelvic Organ Prolapse and Stress Urinary Incontinence. Eur Urol 2017;72(3):424-31.
3. Fiche d’information CNGOF pour les patientes (bandelette sous-urétrale pour incontinence urinaire d’effort), 2017. Disponible sur https://bit.ly/38Lnin3
4. Le Normand L, Cosson M, Cour F, et al. Recommandations pour la pratique clinique : synthèse des recommandations pour le traitement chirurgical du prolapsus génital non récidivé de la femme par l´AFU, le CNGOF, la SIFUD-PP, la SNFCP et la SCGP. Prog Urol 2016;26(Suppl 1):S1-7.
5. Lucot JP, Cosson M, Bader G, et al. Safety of Vaginal Mesh Surgery Versus Laparoscopic Mesh Sacropexy for Cystocele Repair: Results of the Prosthetic Pelvic Floor Repair Randomized Controlled Trial. Eur Urol 2018;74(2):167-76.
6. Fritel X, Campagne-Loiseau S, Cosson M, et al. Complications after pelvic floor repair surgery (with and without mesh): short-term incidence after 1873 inclusions in the French VIGI-MESH registry. BJOG 2020;127(1):88-97.

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essentiel

Les bandelettes sous-urétrales, proposées en cas d’incontinence urinaire à l’effort et après échec de la rééducation périnéale, ont une balance bénéfices-risques favorable.

En 2021, les prothèses vaginales ne sont plus disponibles en France.

Les patientes doivent toujours être informées des risques opératoires, y compris ceux liés à l’utilisation des matériaux prothétiques.

De nouvelles recommandations sur les indications de la chirurgie du prolapsus et la prise en charge des complications sont attendues prochainement.