Les bénéfices des crèmes solaires l’emportent sur les risques potentiels.
Il est aujourd’hui bien connu que l’exposition solaire est délétère pour la peau. En cause, les ultraviolets, tant les UVA que les UVB. Sa suppression totale n’est évidemment pas souhaitable et peu compa-tible avec notre mode de vie.
Il convient d’éviter les heures où l’intensité des UV est maximale, entre 10 et 14 h (heure solaire), soit entre 12 et 16 h à la montre en France métropolitaine l’été.
La photoprotection vestimentaire reste le moyen externe le plus efficace ; les textiles spécifiques, répondant au standard européen (indice de protection anti-UV [UPF] d’au moins 40, avec une transmission des UVA < 5 %), sont particulièrement intéressants chez l’enfant.

Préparer sa peau au soleil ?

Induire artificiellement une pigmentation dans le but de « glisser » vers un phototype plus élevé, moins sujet aux risques des UV, est une piste tentante.
L’exposition aux UV artificiels pour acquérir un bronzage supposé protecteur est à bannir. En effet, le risque cancérigène a été démontré par différentes méta-analyses, particulièrement pour le mélanome ; ainsi, ce dernier augmenterait de 20 % chez les utilisateurs réguliers de lampe à bronzer et doublerait pour les usagers de moins de 35 ans.1 L’agence internationale pour la recherche sur le cancer considère ces dispositifs comme un cancérigène de groupe 1, à l’instar du tabac pour le cancer du poumon.
Des molécules antioxydantes (vita-mines E, C, bêtacarotène) pourraient avoir un intérêt, l’un des mécanismes à l’origine des dommages cutanés solaires étant l’induction par les UV d’un stress oxydant. Malheureusement, les études montrent qu’une supplémentation orale ne procure pas de protection significative contre l’érythème solaire et que le bêta-carotène n’a pas d’effet préventif sur la survenue des cancers. Pire, la prise au long cours de ces produits serait néfaste. Selon l’étude SUVIMAX, l’apport d’un cocktail de bêtacarotène, vitamines C et E, gluconate de zinc et sélénium chez la femme pendant 8 ans augmenterait le risque de cancers cutanés, notamment de mélanome ; ce surrisque disparaît 5 ans après l’arrêt de la supplémentation, renforçant le lien de causalité.2
Les analyses de cohorte sur les bien- faits du thé, café, chocolat, extraits de tomate et autres polyphénols sont peu convaincantes.

Produits de protection solaire (PPS)

Quels filtres ?

Les PPS occupent une place majeure en photoprotection externe ; la plupart d’entre eux ont le statut réglementaire de cosmétiques en France.
Ils sont composés de molécules s’opposant à la pénétration de la lumière, qualifiées de filtres solaires, de nature minérale (dioxyde de titane, TiO2, et oxyde de zinc, ZnO) ou chimique (organique).
Ces derniers, très nombreux, sont de deux types : à spectre étroit, absorbant uniquement les UVB, et à large spectre, dont l’absorption s’étend aux UVA.
L’addition d’antioxydants, très prisée, n’a pas démontré d’intérêt pour améliorer la protection ; l’ajout de molécules à activité anti-inflammatoire (alfabisabolol, allantoïne, acide 18-b-glycyrrhétinique ou extraits de plantes) est discutable car le coefficient de protection (CP) contre le coup de soleil (qualifié de facteur de protection solaire, SPF en anglais) se trouve de fait artificiellement surestimé, par réduction de la réponse érythémateuse.
Une polémique, relayée par les médias, a été soulevée sur la fiabilité de la méthode d’évaluation in vivo (protection offerte contre un effet biologique – l’érythème solaire pour le SPF – sur peau de volontaires sains) par rapport à celle in vitro, relevant de calculs physiques fondés sur la spectrométrie et utilisant des substrats variés (Transpore ou plaque de polyméthacrylate de méthyle). Ces techniques sont utiles dans les premières étapes de développement des produits solaires, leur résultat restant à valider par une méthode in vivo, au moins pour l’évaluation du SPF .
Le terme de SPF est un abus de langage car le CP ainsi évalué ne qualifie quasiment que la protection contre les UVB, principaux responsables de l’érythème.
La détermination d’un CP contre les UVA doit compléter l’évaluation de l’efficacité d’un PPS. Un autre paramètre essentiel est la longueur d’onde critique (étendue de la protection vers les UVA longs les plus délétères) ; seule, comme proposé aux états-Unis, elle reste cependant insuffisante pour qualifier l’efficacité réelle d’un PPS3 et doit, comme le préconisent les recommandations européennes, être associée à la détermination du SPF et du CP UVA. Idéalement, le ratio SPF/CPUVA doit être inférieur ou égal à 3.

Quelle protection ?

Nul n’est besoin de rappeler l’efficacité de ces produits pour éviter le coup de soleil ; si utilisés correctement, elle est quasiment de 100 %, quels que soient le phototype et les conditions d’ensoleillement.
Les études épidémiologiques ont clairement montré que les PPS, à condition d’offrir une protection harmonieuse contre les UVB et les UVA (selon les standards européens), sont efficaces dans la prévention des cancers cutanés, mélanome compris, induits tant par les expositions environnementales que celles de loisir ; ceux de classe moyenne (SPF 15-30) sont suffisants pour cela. Selon des travaux australiens, leur usage régulier réduit de 9,3 % le risque de carcinome épidermoïde et de 14 % celui de mélanome.4
La FDA a conclu qu’un PPS de SPF > 15 avec protection contre les UVA est un moyen efficace dans la prévention des cancers cutanés.
Un usage correct est primordial : choix de la bonne classe en fonction du phototype et des conditions d’ensoleillement (et non pas universellement des filtres 50+ !) ; application d’une quantité suffisante de produit, en théorie 2 mg/cm2 (ce qui n’est jamais le cas dans la vraie vie), de façon rigoureuse sur toutes les zones exposées ; renouvellement régulier si exposition prolongée ou après un bain ou une sudation abondante.

Dangers pour la santé ?5

Les filtres chimiques peuvent être responsables de dermites allergiques de contact ou irritatives et de photosensibilisation (mais très peu fréquentes compte tenu de leur large utilisation). L’octocrylène a été particulièrement incriminé ces dernières années, et les produits destinés aux enfants ne doivent pas en contenir (mais pas de réglementation à ce jour).
Un débat récent, fort médiatisé, concerne un possible effet de perturbation endocrinienne, certains filtres ayant une pénétration transcutanée. Le 4-méthylbenzylidène camphre (produit très peu utilisé en Europe) aurait, d’après une série de travaux, une action mimant l’estradiol après administration orale prolongée et à des doses très importantes chez des rats. Toutefois, ces dernières ne sont pas comparables à la quantité de filtres qui pourraient pénétrer lors d’une application topique.
Ainsi, la transposition à un usage habituel des PPS paraît peu pertinent.
Cependant, des études cliniques récentes ont montré un lien entre concentration urinaire en certaines benzophénones et marqueurs de fertilité ou sexe du fœtus,6 mais d’autres essais suggèrent que leur présence dans les urines ne serait pas liée aux PPS mais à des contaminants industriels7 absorbés directement ou par le biais de la chaîne alimentaire.
Ainsi, saisie dans le cadre du Plan d’action national sur la fertilité, l’Afssaps/Ansm a élaboré des recommandations concernant leur incorporation dans les cosmétiques (concentration de 6 % au maximum, interdiction avant l’âge de 10 ans).
Les filtres minéraux, souvent prônés chez l’enfant car considérés comme plus sûrs, soulèvent aujourd’hui le débat, loin d’être résolu, du risque sanitaire lié aux nanoparticules, depuis que la taille des particules qui les composent a été considérablement réduite (suppression de l’effet « masque de pierrot »). Ces dernières peuvent être absorbées par voie transcutanée, orale (stick) ou respiratoire pour les formes en spray.
L’Afssaps recommande de ne pas utiliser ces produits sur peau lésée (coup de soleil), sur le visage et dans des locaux fermés s’ils sont sous forme de spray aérosol.
Il est peu raisonnable d’entretenir la suspicion et, de facto, décourager l’usage des PPS. Privilégier les grandes marques.

Impact sur la vitamine D ?8

Un potentiel effet protecteur des expositions solaires sur la survenue de lymphomes, de sclérose en plaques, de maladies cardiovasculaires et de certains cancers (prostate, poumon) a été mis sur le compte d’une synthèse accrue de vitamine D et a même conduit certains à prôner l’usage des bains solaires, avec comme corollaire des campagnes promotionnelles vantant les effets bénéfiques du bronzage artificiel. Absurde, car le spectre d’action pour la synthèse de la vitamine D se situe dans l’UVB court et non dans l’UVA, rayonnement le plus souvent utilisé dans les cabines à bronzer.
Le rapport entre vitamine D et cancers ou maladies auto-immunes n’est pas clair, et les besoins optimaux sont loin d’être scientifiquement établis. Par ailleurs, la quantité d’UV nécessaire à une synthèse suffisante de vitamine D est très faible, et aucune étude randomisée ou longitudinale n’a jamais établi que l’usage régulier de PPS pouvait la réduire.
références
1. Boniol M, Autier P, Boyle P, Gandini S Cutaneous melanoma attributable to sunbed use: systematic review and meta-analysis BMJ 2012;345:e4757.
2. Ezzedine K, Latreille J, Kesse-Guyot E, et al. Incidence of skin cancers during 5-year follow-up after stopping antioxidant vitamins and mineral supplementation. Eur J Cancer 2010;46:3316-22.
3. Wang SQ, Xu H, Stanfield JW, Osterwalder U, Herzog B. Comparison of ultraviolet A light protection standards in the United States and European Union through in vitro measurements of commercially available sunscreens. J Am Acad Dermatol 2017;77:42-7.
4. Olsen CM, Wilson LF, Green AC, et al. Cancers in Australia attributable to exposure to solar ultraviolet radiation and prevented by regular sunscreen use. Aust N Z J Public Health 2015;39:471-6.
5. Beani JC. Produits de protection solaire : efficacité et risque. Ann Dermatol Venereol 2012;139:261-72.
6. Bae J, Kim S, Kannan K, Buck Louis GM. Couples’ urinary concentrations of benzophenone-type ultraviolet filters and the secondary sex ratio. Sci Total Environ 2016;543(PtA):28-36.
7. Gao CJ, Liu LY, Ma WL, et al. Benzonphenone-type UV filters in urine of Chinese young adults: Concentration, source and exposure. Environ Pollut 2015;203:1-6.
8. Leccia MT. Skin, sun exposure and vitamin D: facts and controversies Ann Dermatol Venereol 2013;140:176-82.

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essentiel

La « préparation de la peau » (cabines à bronzer, antioxydants oraux au long cours) est à exclure.

L’octocrylène doit être proscrit chez l’enfant.

Les PPS ont montré leur intérêt dans la prévention primaire des cancers cutanés, mélanome compris.

Si utilisés correctement, le risque potentiel de perturbation endocrinienne semble plus qu’improbable.

Leur usage raisonné n’a pas de conséquence négative sur la synthèse de la vitamine D.