Selon les dernières disponibles en France, la quasi-totalité des femmes (91 %), en particulier entre 13 et 24 ans, utilisaient des protections hygiéniques internes (tampons et coupes menstruelles) en association avec les protections externes (serviettes et protège-slips ; les culottes menstruelles étaient encore peu présentes sur le marché français au moment du recueil de ces données).
Toutefois, les femmes de plus de 25 ans déclaraient utiliser de manière prédominante des tampons ; seules 21 % d’entre elles utilisaient exclusivement des serviettes hygiéniques, contre 33 % des 13 à 24 ans. En outre, 13 % des répondantes déclaraient avoir changé de type de protection, principalement pour utiliser des coupes menstruelles, au cours des 12 moins précédant l’enquête. Ces dernières gagnent en effet en popularité, surtout chez les jeunes, par leurs avantages écologiques et économiques (toutefois leur utilisation reste inférieure à 10 % chez les 25 à 34 ans selon ces mêmes données).
L’Anses a donc fait le point sur les risques liés au port de ces protections internes, mal connus des femmes alors que potentiellement graves.
Protections internes : des mesures d’hygiène souvent insuffisantes
Selon une étude française publiée en 2022, moins de la moitié des répondantes connaissaient le syndrome du choc toxique lié au port de protections intimes internes. En effet, si 80 % d’entre elles déclaraient que ce type de protection comporte des risques, peu les connaissaient précisément : les « problèmes vaginaux » (irritation, ulcération, sécheresse, prurit, etc.) étaient cités pour toutes les protections alors que le syndrome de choc toxique menstruel était cité uniquement par 42 % des femmes, surtout pour les tampons (en moindre mesure pour les coupes menstruelles, qui étaient perçues comme les produits moins risqués).
Ce manque de connaissances peut mener à des pratiques inadaptées face à ce risque infectieux, notamment l’insuffisance des mesures d’hygiène, en particulier le lavage des mains avant et après le changement de protection, et une durée excessive de port de ces produits :
- 79 % des femmes déclaraient garder leur tampon toute la nuit sans le changer (selon une enquête de l’Anses sur un échantillon représentatif, publiée en 2019) ;
- cette proportion était de 97 % pour les coupes menstruelles (selon l’étude de 2022 citée ci-avant, échantillon non représentatif) ;
- près de 30 % déclaraient ne pas changer de coupe menstruelle durant toute une journée, 2 % pour les tampons (Anses) ;
- les durées de port en journée excédaient les 5 heures pour 11 % des utilisatrices de tampons et 40 % de celles des coupes menstruelles, et les 8 heures pour 2 % et 8 % respectivement.
Ces données indiquent que les recommandations de durée de port figurant dans les notices d’utilisation (4 à 6 heures maximum) sont peu ou mal suivies par la majorité des femmes, alors que les conditions d’utilisation sont principalement en cause dans la survenue d’un syndrome de choc toxique : le risque augmente avec la durée de port des protections internes (celles dont la capacité d’absorption est plus forte que nécessaire majorent mécaniquement ce risque, car elles augmentent de manière excessive la durée de port). L’Anses a donc rappelé les bonnes pratiques pour prévenir ce risque (v. encadrés).
Quid du risque lié aux produits chimiques ?
Les protections intimes sont composées généralement :
- de produits d’origine naturelle dérivés du bois (cellulose), de substances de nature synthétique (polyoléfines) et de superabsorbant (SAP), pour les serviettes hygiéniques et protège-slips ;
- de produits d’origine naturelle dérivés du coton qui subissent un traitement chimique et de produits de nature synthétique de type polyoléfines, pour les tampons ;
- d’élastomère thermoplastique ou de silicone de qualité médicale, pour les coupes menstruelles.
Deux types de substances chimiques peuvent être présentes dans ces protections intimes, comme mis en évidence par certaines études sur plusieurs marques de serviettes hygiéniques, protège-slips et tampons :
- celles ajoutées intentionnellement, comme les substances parfumantes ;
- celles pouvant provenir de la contamination des matières premières ou des procédés de fabrication.
Il peut s’agir de :
- d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), dioxines, furanes, qui sont classées comme cancérogènes ;
- de phtalates, qui sont reprotoxiques ;
- de substances parfumantes allergisantes ;
- de pesticides dont certaines sont interdits d’usage dans l’Union européenne (lindane, quintozène, hexachlorobenzène) ou non (glyphosate).
Néanmoins, une expertise réalisée par l’Anses entre 2018 et 2020 n’a pas mis en évidence de risque chimique pour la santé des femmes exposées. Dans cette expertise, l’agence a comparé l’exposition estimée aux différentes substances présentes dans les protections intimes avec les seuils toxicologiques pouvant entraîner des effets sur la santé ; elle a considéré une moyenne de 6 protections intimes par jour et les cas d’une femme adulte de 60 kg de poids moyen et d’une jeune de 30 kg de poids moyen.
L’Anses a toutefois recommandé aux fabricants d’améliorer la qualité des matières premières et de réviser certains procédés de fabrication, afin d’éliminer ou de réduire au maximum la présence de ces substances, notamment celles dont les effets cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques sont avérés, ainsi que les perturbateurs endocriniens et les sensibilisants cutanés.
Elle a aussi recommandé l’élaboration d’un cadre réglementaire plus restrictif au niveau européen, inexistant à l’heure actuelle. Pour rappel, ces produits sont classés comme des produits de consommation et dépendent donc de la directive générale de sécurité des produits, alors que dans d’autres pays (États-Unis, Canada, Japon), ils sont classés comme dispositifs médicaux.
Qu’est-ce que le syndrome du choc toxique menstruel ?
Le syndrome de choc toxique menstruel (SCT) est une maladie aiguë infectieuse causée par la libération dans le sang d’une toxine bactérienne, la TSST- 1, produite par le Staphylococcus aureus. Il est favorisé par de mauvaises conditions d’utilisation des protections intimes internes, donc tampons et coupes – les protections externes (serviettes, protège-slips) n’ont jamais été impliquées. Les premiers symptômes, apparaissant dans un délai de 3 à 5 jours, sont non spécifiques, ce qui rend difficile l’identification du SCT : forte fièvre (> 39 °C), syndrome pseudogrippal (douleurs musculaires, maux de gorge) ou gastroentérite (vomissements, diarrhée…), éruption cutanée ressemblant à un coup de soleil. En l’absence de prise en charge médicale, des défaillances multi-organes peuvent survenir en quelques jours et aboutir à des complications rares mais graves (amputation, par exemple) voire au décès.
En France, une vingtaine de cas par an de SCT sont recensés par le Centre national de référence (CNR) des staphylocoques, mais, s’agissant de déclarations spontanées, ce chiffre peut être sous-estimé.
Prévention du syndrome du choc toxique menstruel : les bonnes pratiques
Respecter les recommandations d’utilisation sur le temps de port des protections intimes et sur le pouvoir absorbant (tampon) ou contenant (coupe), qui doit être adapté au flux menstruel :
- changer régulièrement de protection : 6 heures de port maximum ;
- une protection à la fois et uniquement pendant les règles ;
- pour la nuit, privilégier des protections externes comme les serviettes hygiéniques ou culottes menstruelles.
Se laver les mains avant et après le changement de protections intimes.
En cas d’antécédent de SCT, éviter d’utiliser des protections intimes internes.
À lire aussi :
Martin Agudelo L. Coupe menstruelle : quels risques avérés ? comment les réduire ? Rev Prat (en ligne) 10 août 2023.