D'après : Misery L. Prurit de la personne âgée. Rev Prat 2017;67(10);1076-9.

 

Fréquence mal connue après 70 ans :
– selon une étude turque : cause d’hospitalisation dans 11,5 % des cas après 65 ans (19,5 % après 85 ans) ;
– d’après un travail américain, affecte les deux tiers des patients en institution.

Comment s’orienter ?

Examen soigneux de la peau et des autres organes.
Rechercher à l’interrogatoire :
– éventuels facteurs déclenchants (stress, irritants...) ;
– conditions de survenue (mode aigu, paroxystique ou chronique) ;
– chronologie (au cours de la journée ou selon les périodes de l’année) ;
– contexte associé (maladies, médicaments, toxiques) ;
– topographie et extension ;
– dysesthésies ou paresthésies associées ;
– liens avec les signes objectifs constatés (avant, pendant ou après les signes cutanés) ;
– facteurs aggravants (hypersudation, sport, bain, repas) ou calmants (froid, détente...).
Évaluer le retentissement sur la qualité de vie et le psychisme.
S’enquérir de l’existence ou non d’autres cas dans la collectivité ou l’entourage.
En l’absence d’orientation : bilan systématique (encadré 1).

Lié à des dermatoses

Principales causes : psoriasis, eczéma, urticaire, lichen plan, parapsoriasis en plaques, lymphome cutané, dermatite séborrhéique, folliculites, toxidermie, gale, piqûres d’insectes, mycose…
Pemphigoïde bulleuse :
– touche quasi exclusivement la personne âgée (mais rare) ;
– peut se manifester initialement par un prurit sine materia avant l’apparition de lésions bulleuses ou urticariformes ;
– si suspicion : biopsie cutanée en peau saine avec examen en immunofluorescence directe.
Gale :
– surtout dans les lieux de vie collective ;
– souvent trompeuse : prescrire un traitement d’épreuve au moindre doute ;
– chez la personne âgée : aspect d’érythrodermie en cas de forme « norvégienne » (hyperkératosique).
Prurit ano-génital :
– après avoir éliminé une maladie dermatologique (assez rare), rechercher des causes proctologiques ou des problèmes d’hygiène (généralement insuffisante, mais parfois excessive) ou des causes neurologiques ou psychologiques (rares).
 

Médicaments

Première cause de prurit sine materia.
Antihypertenseurs (bêtabloquants mais surtout IEC et sartans) : souvent impliqués, même après plusieurs années d’utilisation ; mais aussi morphiniques, AINS, bêtalactamines, antidiabétiques oraux.
Test d’éviction : ne donne de résultats qu’au bout de quelques semaines d’arrêt.
 

Prurits neuropathiques

Fréquents, volontiers associés à des paresthésies de différents types ou à des sensations douloureuses.
Liés à une atteinte du système nerveux central (tumeur, abcès, anévrisme, syringomyélie ou sclérose en plaques) mais plus souvent périphérique (neuropathie périphérique, ganglionopathie, neuropathie post-zostérienne ou des petites fibres).
Neuropathies de compression :
– prurit localisé : brachio-radial, notalgie paresthésique…;
– en général liées à une arthrose vertébrale postérieure (fibres nerveuses spécifiques du prurit localisées à la face postérieure de la moelle épinière et des racines).
Traitement de la cause si possible.
En cas de prurit localisé : application topique de capsaïcine, anesthésiques ; acupuncture.
Si généralisé : gabapentine, prégabaline.

Autres causes :

Cholestase :
– prurit précoce, pouvant précéder de plusieurs années les autres signes ;
– généralisé mais prédominant aux extrémités et sur les zones de frottement ;
– s’intensifiant la nuit et s’accompagnant volontiers d’une pigmentation cutanée (qui respecte classiquement la zone médiodorsale) ;
– prise en charge de la cause avant tout ;
– traitement symptomatique :
. acide ursodésoxycholique en 1re intention (10-15 mg/kg/j) ;
. cholestyramine (4-16 g/j) en 2e ligne ;
. si inefficacité : inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, rifampicine (10 mg/kg/j) ou antagonistes des récepteurs μ des opiacés (naltrexone ou naloxone).
Insuffisance rénale chronique :
– chez 40 à 85 % des patients hémodialysés : prurit de survenue généralement paroxystique, localisé une fois sur deux ; disparaît après transplantation rénale ;
– traitement : émollients +++ ; mais photothérapie UVB souvent nécessaire et plus efficace ; en 2e ligne : gabapentine ou prégabaline (à des doses progressives) ; si échec : antagonistes des opiacés ou mirtazapine (de 7,5 à 15 mg/j).
Hémopathies :
– lymphomes (surtout hodgkinien) ;
– polyglobulies, en particulier malignes : prurit dans 70 % des cas (aquagénique ou lié à la chaleur, pouvant précéder le diagnostic de plusieurs années) ;
– thrombocytémie essentielle, syndrome myélodysplasique.
Cancers : syndrome paranéoplasique (mais assez rare).
Diabète : prurit associé à des paresthésies, apparaissant dès l’intolérance aux glucides (très précoce).
Autres causes endocriniennes : hyper- ou hypoparathyroïdie, hypo- et hyperthyroïdie.
Prurit aquagénique :
– survient 1 à 5 minutes après le contact avec l’eau et dure de 10 à 120 minutes ;
– peut être intense ;
– à la différence de l’urticaire aquagénique, aucun signe objectif n’est associé ;
– isolé ou lié à une hémopathie, qui doit être recherchée.
Prurit psychogène :
– rechercher les facteurs en faveur du diagnostic (encadré 2) ;
– à ne pas confondre avec un prurit idiopathique chez une personne anxieuse, dépressive ou anxiodépressive.
Prurit « sénile » :
– en dehors du vieillissement, aucune cause n’est identifiée (diagnostic d’élimination) ;
– retentissement physique (prurigo) ou psychique (dépression) parfois très important ;
– 3 hypothèses : rôle de l’histamine ; sécheresse cutanée ; désafférentation (diminution du nombre de terminaisons nerveuses chez la personne âgée).

 

Prise en charge

Mesures utiles : couper les ongles court, préférer les douches rapides aux bains, éviter les détergents et les savons irritants (préférer savons surgras et syndets), porter des vêtements en coton amples, éviter alcool, café, thé, épices, boissons chaudes, fruits acides.
Émollients avec antiprurigineux +++ (Sensinol, Atopicontrol Intensive, SOS Atoderm Spray) quelle que soit la cause (apprendre au patient à remplacer le grattage par leur application, pour casser le cercle vicieux prurit-grattage-prurit).
Corticoïdes topiques : déconseillés sauf en cas de lésion dermatologique corticosensible.
Antihistaminiques (hydroxyzine) : pas efficaces dans le prurit sine materia, souvent utilisés car effet placebo important ; attention aux EI chez le sujet âgé (somnolence, glaucome, rétention urinaire).
Antidépresseurs (inhibiteurs de la recapture de la sérotonine) : uniquement si le diagnostic de dépression a été posé.

Encadre

1. Bilan biologique et paraclinique en l’absence d’orientation diagnostique

• Biopsie de peau (avec immunofluorescence directe si sujet âgé)

• Hémogramme

• Vitesse de sédimentation, protéine C-réactive

• Urée, créatinine

• Bilan hépatique

• Glycémie à jeun, hémoglobine glyquée

• Calcémie

• Fer sérique, ferritine

• Thyréostimuline

électrophorèse et immuno-électrophorèse

• Sérologies VIH, VHA, VHB, VHC

• Radiographie du thorax

échographie abdominale

Encadre

2. Critères diagnostiques du prurit psychogène

Trois critères obligatoires

– Prurit sine materia localisé ou généralisé

– Durant plus de 6 semaines

– Sans cause somatique décédée

Trois critères optionnels sur sept

– Relation chronologique entre la survenue du prurit et un ou plusieurs événements de vie pouvant avoir un retentissement psychologique

– Variations d’intensité avec le stress

– Variations nycthémérales

– Prédominance pendant les périodes de repos ou d’inactivité

– Trouble psychique associé

– Amélioration par des psychotropes

– Amélioration par une psychothérapie

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