Selon les données 2014 de la CNAMTS concernant 11 millions de sujets sans cancer de la prostate connu,1 27 % des hommes de plus de 40 ans ont eu un dosage du PSA, 53 % lorsqu’ils avaient des troubles mictionnels, 64 % dans la tranche 65-74 ans et encore 39,6 % au-delà de 75 ans.
Dans 21 % des cas, un dosage du PSA libre a été pratiqué avec celui du PSA total ; 91 % des prescriptions sont signées du médecin généraliste.
Entre la HAS et l’Association française d’urologie (AFU), les divergences se sont beaucoup estompées : pas de dépistage de masse pour la HAS, détection individuelle à proposer pour l’AFU (toucher rectal [TR] + dosage sérique du PSA total dans la tranche d’âge 50-75 ans), avec un consensus sur l’indispensable information à donner au patient, en préalable à la prescription du test.
Mais en 2016, une prise de position de la CNAM, de l’INCa et du Collège de médecine générale a relancé la polémique, suggérant un recours excessif à ce marqueur qui ne serait pas fiable, le dépistage exposerait au risque de surtraitement, lequel n’apporterait pas de réel bénéfice en termes de survie.
Pas un marqueur fiable ? Ce n’est surtout pas un PSA « brut » qu’il faut interpréter, mais au contraire replacé dans son contexte,2 en tenant compte du volume prostatique, de ses variations aux dosages successifs, de l’âge du patient… À ces conditions, le PSA est un excellent outil pour apporter une réponse aux sujets qui veulent savoir.
Risque de surtraitement ? Dans l’esprit des patients, et souvent dans celui des médecins, une biopsie positive est synonyme de traitement agressif obligatoire, avec effets indésirables éprouvants.
Il faut casser ce schéma, vestige d’un autre temps : il n’y a pas UN mais DES cancers de la prostate, tout le problème est de repérer les agressifs qu’il faut traiter et ceux à bas et très bas risque dits « indolents » qui sont à simplement surveiller au moins dans un premier temps.
Ainsi est né le concept de « surveillance active » : pas de traitement d’emblée de ces tumeurs peu agressives, réévaluation périodique avec décision de traiter en cas de progression, et bien sûr absence d’effets indésirables pendant le non-traitement. Aujourd’hui, près de 40 % des nouveaux cas relèvent de ce type de prise en charge, avec 2 patients sur 3 toujours pas traités au bout de 5 ans.3 Bien entendu, cette réévaluation suppose de s’appuyer sur des outils fiables : l’IRM, qui a fait d’immenses progrès pour visualiser les tumeurs agressives, et bien sûr les biopsies, que l’imagerie ne saurait remplacer.
Bien prescrire le PSA
Pas de PSA à tout âge ! La recherche d’un cancer débutant n’a de sens que si celui-ci va mettre en péril la vie du patient. C’est-à-dire seulement si son espérance de vie dépasse la durée d’évolution prévisible de la maladie. En pratique, pas de dosage au-delà de 75 ans chez le sujet asymptomatique, en revanche le TR reste recommandé pour ne pas méconnaître un cancer volumineux qui pourrait altérer la qualité de vie.
À l’autre extrémité de la fourchette d’âge, en cas de facteur de risque (antécédents familiaux de cancer de la prostate ou du sein, origine ethnique africaine ou afro-caribéenne), la procédure de détection doit être initiée dès 45 ans.
Deux points à retenir : plus de la moitié des décès par cancer sont concentrés sur seulement 10 % de l’effectif dans chaque tranche d’âge, chez les sujets qui avaient les taux les plus élevés. Ainsi un premier dosage isolé autour de 40 ans permettrait d’estimer le risque et de déterminer le rythme des contrôles en conséquence. Mais cette attitude n’est pas recommandée en l’état actuel.
À l’inverse, un PSA < 1 ng/mL à 60 ans est corrélé à un taux de décès par cancer < 0,2 %. On peut raisonnablement envisager d’arrêter la surveillance ou d’espacer largement les contrôles successifs.
Pas de prescription sans information préalable ! Le patient doit avoir compris le principe du test, sa répétition à venir, sa fiabilité quelquefois prise en défaut, le risque – en cas de résultat anormal – d’explorations et surtout de traitements invasifs, mais dont le bénéfice en teres de survie est bien démontré. Des plaquettes d’information pour le grand public sont disponibles sur le site de l’INCa.
Pas de PSA sans TR ! Non, ce dernier n’a pas de réel impact sur le résultat du dosage contrairement à une affirmation tenace. Le TR est indispensable en pratique pour 2 raisons : identifier les (rares) cancers à PSA normal ou peu élevé, et surtout repérer les HBP volumineuses capables de participer à sa hausse.
Pas de PSA libre en 1re intention ! Sa valeur diagnostique étant modeste, il est rarement intéressant. Attention, prescrire « dosage du PSA » conduit inévitablement à doser PSA total + PSA libre, ce qui est totalement inutile, doublant presque le coût du test. En pratique, penser à préciser explicitement « Dosage sérique de PSA total ».
Pas de conclusions hâtives à partir d’un PSA « brut », sorti de son contexte ! Certes, il faut considérer le chiffre en valeur absolue et le situer par rapport à la normale, mais il est essentiel de prendre en compte le volume de la prostate, estimé par échographie ou plus simplement au TR. On peut ainsi calculer la densité du PSA (PSA rapporté au volume prostatique). Cependant, le seuil qui doit éveiller la suspicion ne fait pas consensus (0,15 ou 0,10 ?). À titre d’exemple : PSA à 8 ng avec prostate de 35 cc, PSA à 8 ng avec HBP de 100 cc : probable cancer dans le premier cas mais pas dans le second.
Autre paramètre : la vélocité du PSA, d’ailleurs corrélée à l’agressivité du cancer s’il est présent. À ce titre, un accroissement régulier aux dosages successifs est plus suspect qu’une élévation brutale du marqueur qui était longtemps resté à des valeurs stables.
L’âge est important, car la prévalence de l’HBP augmente avec lui. Par exemple, un PSA à 4 ng se situe à la limite de normalité pour la tranche d’âge 60-65 ans, mais ce même taux chez un patient de 50 ans doit faire discuter une biopsie. Muni de tous ces éléments, l’urologue décide ou non d’une biopsie. Bien communiquer avec le médecin généraliste est essentiel !
Pas de répétition irréfléchie du dosage ! Si on suspecte une infection urinaire, il est logique de contrôler le le taux de PSA au bout de quelques mois. À cette exception près, répéter rapidement le dosage n’est jamais une bonne idée ; il est important de ne pas céder à la pression du patient.
Pas d’intervalle strictement défini entre 2 procédures de détection précoce, mais un test annuel systématique n’est plus recommandé. La tendance est d’augmenter l’intervalle entre les contrôles, d’autant plus que le PSA est faible : p. ex., 2 ans pour un PSA à 2 ng/mL à 60 ans.
PSA et suivi
Le PSA est le marqueur idéal du cancer traité. Après prostatectomie, il doit être indétectable et le rester. Il faut le surveiller tous les 6 mois pendant les premières années. Sa réascension signe la récidive biologique qu’il faut rattacher à une récidive locale ou à une métastase.
Dans le 1er cas, une radiothérapie de rattrapage doit être débutée, idéalement dès 0,2 ng/mL pour les meilleures chances de contrôle local.
Après radiothérapie, le PSA chute tout en restant détectable pour atteindre, en l’absence d’hormonothérapie, sa valeur la plus basse (le nadir) 12 à 18 mois plus tard, et dans l’idéal se stabiliser entre 0,5 et 1 ng. En cas de récidive locale après radiothérapie, les ultrasons focalisés sont de loin préférables à une hormonothérapie purement palliative (longtemps l’unique possibilité). Le résultat est d’autant meilleur que la récidive est de petite taille. D’où là aussi l’importance d’un suivi régulier du PSA.
Au stade métastatique, lors de la mise en route de l’hormono-chimiothérapie, l’amélioration spectaculaire des symptômes s’accompagne d’un effondrement du PSA (idéalement < 0,5 ng/mL) dont l’importance est prédictive de la durée de la réponse.
En revanche, au stade de résistance à la castration, la tumeur se dédifférencie, et le PSA n’est plus un « bon » reflet de l’évolution de la maladie.
1. Dépistage par dosage du PSA : bénéfique ou pas ?
À la suite des résultats contradictoires des études PLCO (pas de bénéfice) et ERSPC (net bénéfice en termes de survie), la HAS s’était prononcée en défaveur du diagnostic précoce par dosage du PSA.
Rappelons que dans PLCO, plus de la moitié des patients du bras contrôle avaient eu avant leur inclusion un dosage du PSA qui s’était avéré rassurant : soit un biais de sélection majeur. Donc faiblesse méthodologique et pas de conclusions significatives.
En revanche, l’actualisation à 16 ans des résultats de l’ERSPC confirme les conclusions positives des analyses précédentes avec un moindre recul : la détection diminue le risque de décès avec un bénéfice d’autant plus important que le suivi augmente. À 16 ans, le dépistage réduit de 35 % le risque de décès dans les cohortes de Suède et des Pays-Bas,4 avec toutefois 570 sujets à dépister et 18 patients à traiter pour éviter 1 décès (7 à traiter pour le cancer du sein).
2. Le PSA bientôt évincé par d’autres marqueurs ?
Les nouveaux biomarqueurs sont légion :
Prostate Health Index (PHI), 4Kscore, PCA3 et bien d’autres, nomogrammes intégrant des paramètres cliniques (calculateur de risque ERSPC), d’imagerie, voire de génétique… Seul SelectMDx a été approuvé en Europe, il permettrait d’éviter 42 % de biopsies inutiles en manquant 2 % de cancers significatifs.
Réponse : non. Le PSA est toujours un outil irremplaçable et excellent, s’il est interprété avec les données cliniques. Quant aux nouveaux marqueurs, leurs avantages, théoriques, et leur coût font qu’ils ne détrôneront pas le PSA.
1. Tuppin P, Leboucher C, Peyre-Lanquar G, et al. Analyse des prescriptions de PSA total et de PSA libre en France entre 2012 et 2014. Presse Med 2017;46:e237-e247.
2. Rozet F, Hennequin C, Beauval JB, et al. Recommandations françaises du comité de cancérologie de l’AFU. Actualisation 2018-2020 : cancer de la prostate. Prog Urol 2018;28(suppl):S79-S130. https://bit.ly/3ap8FnK
3. Loeb S, Folkvaljon Y, Makarov DV, et al. Five-year nationwide follow-up study of active surveillance for prostate cancer. Eur Urol 2015;67:233-8.
4. Hugosson J, Roobol MJ, Månsson M, et al. A 16-yr Follow-up of the European Randomized study of Screening for Prostate Cancer. Eur Urol 2019;76:43-51.