Quelle psychothérapie pour un trouble sévère au plus faible effet placebo ?
Après des dizaines d’études contrôlées, la TCC s’est imposée progressivement comme l’étalon-or thérapeutique dans le TOC en révélant une efficacité équivalente à celle des médicaments de référence, les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS). La TCC est actuellement recommandée en première intention par tous les guidelines d’organismes scientifiques tels que l’Organisation mondiale de la santé ou l’Association américaine de psychiatrie. Plus tardivement en France, un rapport de l’Inserm de 2004 a validé la TCC comme traitement équivalent au traitement médicamenteux sérotoninergique4, et la Haute Autorité de Santé a recommandé la TCC comme traitement de première intention du TOC.5 Depuis, cinq méta-analyses ont confirmé la grande efficacité de la TCC dans le TOC. La dernière conclut à une taille d’effet très élevée en faveur de la TCC comparée à la liste d’attente (1, 31) et au placebo (1, 33). Si l’on compare la TCC aux IRS, la taille d’effet reste en faveur de la TCC mais est moyenne (0,55).*
En quoi consiste l’exposition avec prévention de la réponse ?
À ce stade, le patient est très loin d’avoir réglé son problème obsessionnel, mais un exercice légèrement plus ambitieux est possible. La règle impérative selon laquelle l’anxiété reste modérée entraîne la nécessité d’exercices très gradués. Ainsi, d’étapes en étapes, une situation hautement handicapante est divisée en autant d’exercices progressifs et se normalise à la fin. Un exemple concernant un sujet soumis à des obsessions de souillure et des rituels de lavage est illustré dans la
La répétition de ces « success stories » quotidiennes va créer un phénomène positif de diffusion de ce nouvel apprentissage à de nombreuses situations obsédantes qui ne sont pas l’objet d’un exercice spécifique. Par exemple, un thème d’erreur-vérification peut s’améliorer alors que les exercices n’ont porté que sur la souillure-lavage. Ce phénomène est appelé la « généralisation ». La généralisation explique le succès rapide de la thérapie : des dizaines, voire des centaines, de situations génératrices d’obsessions et de compulsions s’améliorent en une vingtaine d’heures de psychothérapie. Celle-ci dure environ 6 mois à 1 an. Le psychothérapeute lui consacre des séances ambulatoires de 30 à 60 minutes tous les 8 à 15 jours, mais il existe de nombreux formats dont certains ont des séances de 1 à 2 heures, parfois en groupe.
À qui s’adresse la TCC ? Quels sont ses obstacles ?
La TCC n’est pas intuitive pour le patient
Savoir attendre l’amélioration
La notion d’exercices quotidiens a un aspect frustrant pour le patient
La présence d’une dépression
Quels sont les processus actifs dans l’EPR ?
Y a-t-il plusieurs techniques de TCC ?
Saturation d’obsession
Psychothérapie cognitive
Internet, groupe, manuel d’autotraitement
Variantes et autres techniques
Quelle efficacité ? Quelle place pour les médicaments ?
– une efficacité comparable aux inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, de l’ordre de 10 à 20 % de guérison et 50 à 60 % d’amélioration ;16
– des résultats « stables » à 1 an, 2 ans et 6 ans ;
– en comparaison avec les patients ayant pris des médicaments, les patients ayant bénéficié de la thérapie comportementale ont un taux de rechute plus faible, une meilleure stabilité des symptômes, et prennent moins de médicaments, en nombre de molécules et en doses.
Cependant, la majorité des patients qui ont bénéficié d’une thérapie comportementale ne peuvent pas à terme se passer de médicaments. En effet, le taux de guérison propre à l’un ou l’autre des traitements entraîne empiriquement le fait que les patients reçoivent, au fil de l’évolution de leur maladie, les deux types de traitement. Il est toutefois recommandé de ne pas instaurer les deux traitements simultanément pour ne pas masquer l’action ou l’inaction de l’un traitement par un autre : par exemple, l’efficacité de la TCC cache le fait que le médicament simultanément prescrit est inefficace. Enfin, la TCC est particulièrement indiquée dans le cas des femmes en âge de procréer et chez les patients intolérants aux IRS, en particulier pour leurs effets sexuels.
Quel avenir pour la psychothérapie du TOC ?
De plus, la psychothérapie, qu’elle soit une TCC ou une autre technique, n’a pas reçu en France de cotation spécifique ni de prix de remboursement par l’Assurance maladie, à la différence de nombreux pays qui précisent à la fois la technique à utiliser selon l’indication et le prix remboursé par les assurances. Ce dernier est souvent calculé sur la base du temps qu’y consacre le thérapeute (par exemple en Suisse, par quart d’heure). Concrètement, malgré leur complexité, les psychothérapies pratiquées par des médecins, en particulier psychiatres, sont remboursées comme un acte de consultation courant, pourtant beaucoup plus bref. Les thérapies faites par les psychologues sont quant à elles à la charge du patient. Cet archaïsme est un frein indéniable à la généralisation de ce traitement et entraîne probablement un coût indirect médicosocial largement supérieur à des honoraires, comme cela a été démontré dans les pays anglo-saxons.
Histoire de la découverte de l’exposition avec prévention de la réponse
Victor Meyer est un psychologue anglais qui travaille au Middlesex Hospital à Londres lorsqu’il publie en 1966 un article relatant le cas de deux femmes de 33 et 47 ans souffrant de TOC, l’une pour des obsessions de souillure, l’autre pour des obsessions de blasphèmes. La gravité de leur trouble est telle qu’elles se voient proposer une opération neurochirurgicale lésionnelle, la leucotomie, qui a offert quelques résultats probants au risque de séquelles. Ces deux femmes ont auparavant épuisé toutes les ressources thérapeutiques médicamenteuses ou psychothérapeutiques existantes. L’une d’elles a fait 11 ans de psychanalyse. Elles sont toutes deux en invalidité et hospitalisées. Meyer pratique alors une technique qu’il appelle initialement « modification des attentes ». Elle dure 20 heures au cours de 12 semaines pour une patiente, et 25 heures sur 9 semaines pour l’autre. Les deux patientes s’améliorent alors considérablement jusqu’à pouvoir sortir de l’hôpital et reprendre leur travail.
2. Fernandez-Cordoba E, Lopez-Ibor J. La monoclomipramina en enfermos psiquiatricos resistentes a otros tratamientos. Acta Luso-Esp Neurol Psiquiatr Ciene Afines 1967;26:119-47.
3. Meyer V. Modification of expectations in cases with obsessional rituals. Behav Res Therapy 1966;4:273-80.
4. Inserm Expertise collective. Psychothérapie, trois approches évaluées. Paris : Inserm, 2004.
5. Haute Autorité de santé. Troubles obsessionnels compulsifs (TOC) résistants : prise en charge et place de la neurochirurgie fonctionnelle. Communiqué de presse HAS, 6 sept. 2005. www.has-sante.fr ou https://bit.ly/2QMIDUe
6. Öst LG, Havnen A, Hansen B, Kvale G. Cognitive behavioral treatments of obsessive-compulsive disorder. A systematic review and meta-analysis of studies published 1993-2014. Clin Psychol Rev 2015;40:156-69.
7. Baxter L, Schwartz J, Bergman K. Caudate glucose metabolic rate changes with both drug and behavior therapy for obsessive-compulsive disorder. Arch Gen Psychiatry 1992;44:211-8.
8. Cottraux J, Note I, Yao SN, et al. A randomized controlled trial of cognitive therapy versus intensive behavior therapy in obsessive compulsive disorder. Psychother Psychosom 2001;70:288-97.
9. Dèttore D, Pozza A, Andersson G. Efficacy of technology-delivered cognitive behavioural therapy for OCD versus control conditions, and in comparison with therapist-administered CBT: meta-analysis of randomized controlled trials. Cogn Behav Ther 2015;44:190-211.
10. Sauteraud A. Je ne peux pas m’arrêter de laver, vérifier, compter : mieux vivre avec un TOC. 2e éd. Paris : Éditions Odile Jacob, 2002.
11. Rees CS, van Koesveld KE. An open trial of group metacognitive therapy for obsessive-compulsive disorder. J Behav Ther Exp Psychiatry 2008;39:451-8.
12. Julien D, O’Connor K, Aardema F. The inference-based approach to obsessive-compulsive disorder: A comprehensive review of its etiological model, treatment efficacy, and model of change. J Affect Disord 2016;202:187-96.
13. Twohig MP, Abramowitz JS, Smith BM, et al. Adding acceptance and commitment therapy to exposure and response prevention for obsessive-compulsive disorder: A randomized controlled trial. Behav Res Ther 2018;108:1-9.
14. Strauss C, Lea L, Hayward M, et al. Mindfulness-based exposure and response prevention for obsessive compulsive disorder: Findings from a pilot randomised controlled trial. J Anxiety Disord 2018;57:39-47.
15. Steketee G. The Oxford handbook of obsessive compulsive and spectrum disorders. Oxford: Oxford University Press, 2012.
16. Eisen J, Goodman WK, Keller MB, et al. Patterns of remission and relapse in obsessive-compulsive disorder: a 2-year prospective study. J Clin Psychiatry 1999;60:346-51.
17. Lamagnère F. TOC ou pas TOC ? Reconnaître un trouble obsessionnel compulsif et le guérir. Paris : Éditions Odile Jacob, 2016.
Dans cet article
- Quelle psychothérapie pour un trouble sévère au plus faible effet placebo ?
- En quoi consiste l’exposition avec prévention de la réponse ?
- À qui s’adresse la TCC ? Quels sont ses obstacles ?
- Quels sont les processus actifs dans l’EPR ?
- Y a-t-il plusieurs techniques de TCC ?
- Quelle efficacité ? Quelle place pour les médicaments ?
- Quel avenir pour la psychothérapie du TOC ?