Les Françaises vivent en moyenne 85,7 ans, espérance de vie plus élevée que celle des Français (80 ans). L’écart, toujours en faveur des femmes, se réduit néanmoins lorsque l’on s’intéresse au nombre d’années passées en bonne santé : 65,3 pour elles versus 63,8 pour les hommes.1 

Pourtant, la santé mentale des femmes est plus dégradée que celle des hommes : selon Santé-publique France, entre 2017 et 2021, les femmes avaient deux fois plus de troubles dépressifs, trois fois plus de troubles anxieux et faisaient deux fois plus de tentatives de suicide que les hommes.

La différence est tout aussi notable concernant les maladies cardiovasculaires, qui restent sous-diagnostiquées mais aussi sous-traitées chez les femmes. Ces pathologies apparaissent au premier rang des causes de mortalité féminine : 30 % des décès leur sont attribués, soit 16 fois plus que pour le cancer du sein, et les femmes jeunes sont de plus en plus souvent concernées.2,3 L’égalité entre les sexes est-elle garantie en matière de prise en charge ? Il semblerait que non, et en défaveur des femmes. En effet, elles bénéficient moins fréquemment d’examens complémentaires que les hommes et pâtissent de retards diagnostiques – après parfois plusieurs années de plaintes –, aux conséquences graves, voire fatales.4 De fait, il est maintenant établi que les symptômes d’infarctus du myocarde chez la femme sont « atypiques » (exemple de la patiente à corpulence normale, inhabituellement fatiguée, ayant des nausées et des douleurs gastriques). De plus, si les facteurs de risque cardiovasculaire sont globalement les mêmes pour les deux sexes, leurs effets délétères sont plus importants chez les femmes : les risques standard (tabagisme, obésité, hypertension artérielle, hyperlipidémie, diabète…) sont en effet plus toxiques pour leurs artères à elles que pour celles des hommes.2,3 À cela s’ajoute le fait que les femmes minimisent souvent leurs symptômes et tardent à consulter ou à contacter les secours dans les cas les plus graves.

Manifestement, il existe une différence biologique entre hommes et femmes. Sans se cantonner à la sphère physique ou hormonale, un tiers de nos gènes – ceux situés sur les chromosomes sexuels étant mis à part – sont exprimés de façon différente selon le sexe ; cela se traduit par des différences physiologiques importantes influençant les mécanismes et l’expression des maladies, à l’origine d’une large variabilité sémiologique – raison pour laquelle les femmes ont longtemps été exclues des essais cliniques.4 

Des solutions existent et certaines sont d’ailleurs mises en place : les études incluant des femmes ont doublé durant les dix dernières années.5 Est-ce suffisant pour autant ? À l’heure où notre système de santé est en crise – puisque n’étant plus adapté à une population vieillissante et plus encline aux maladies chroniques (voir entretien avec Frédéric Bizard , p. 162) – le moment n’est-il pas venu de repenser et renforcer les outils de prévention, de les personnaliser et d’impliquer toujours davantage les médecins généralistes dans cette mission d’amélioration de la santé des femmes ? Il devient urgent d’enseigner ces spécificités féminines dès la formation initiale des praticiens et des chercheurs !

Références
https://www.insee.fr/fr/outil-interactif/5367857/
2. Madika AL, Mounier-Vehier C. Inégalités de santé selon le sexe pour les maladies cardiovasculaires. Rev Prat 2019;69(4):373-6.
3. Mounier-Vehiwer C. Women’s cardiovascular risk ­before and after menopause: A red alert for heart attack! Ann Endoc 2021;82(3-4):134.
4. Daly C, Clemens F, Lopez Sendon JL, et al. Euro Heart Survey Investigators. Gender differences in the management and clinical outcome of stable angina. Circulation 2006;113:490-8.
5. Martin Agudelo L. Santé des femmes : la fin de l’approche « unisexe » de la médecine ? Rev Prat Med Gen 2023;37(1076):162-4.