Classification des déficits immunitaires primitifs
Déficits immunitaires combinés
Déficits immunitaires combinés moins sévères
Déficits prédominant sur l’immunité humorale
Syndromes de dysrégulation immune
– le syndrome auto-immunité et lymphoprolifération lié aux altérations de l’apoptose FAS médiée (cytopénie auto-immunes, adénopathies, splénomégalie, excès de lymphocytes Tab CD4-CD8- double-négatifs) ;
– les syndromes avec auto-immunité (cytopénies principalement) souvent associés à des nodules lymphoïdes responsables d’une pneumopathie interstitielle ou d’une entéropathie. Ces tableaux évocateurs d’un déficit immunitaire commun variable sévère sont dus à des mutations « perte de fonction » des gènes codant des régulateurs de la réponse immune comme CTLA-4 (ou LRBA, en aval de la voie de CTLA-4), ou à des mutations « gain de fonction » de gènes codants des protéines en aval de récepteurs cytokiniques (comme STAT3).
– les syndromes avec susceptibilité accrue au virus d’Epstein-Barr (EBV) responsable de lymphoproliférations voire de lymphomes ou entraînant une hémophagocytose (X-linked lymphoproliferative diseases de type 1 lié à un déficit en SAP, ou de type 2 lié à un déficit en XIAP) peuvent parfois être diagnostiqués à l’âge adulte
Déficits de la phagocytose
Déficits de l’immunité innée
Syndromes auto-inflammatoires
Défauts en protéines du complément
Phénocopies de déficit immunitaire primitif
Quelle démarche diagnostique ?
Chez l’adulte, un déficit immunitaire primitif peut être suspecté devant une association de manifestations infectieuses, auto-immunes, inflammatoires et/ou lymphoprolifératives chez un patient jeune (20-40 ans) avec ou sans contexte familial évocateur. Les examens complémentaires sont orientés par l’histoire clinique et la catégorie dans laquelle on peut classer le déficit immunitaire (
L’étude fonctionnelle du système immunitaire comprend une exploration des fonctions des lymphocytes B avec le dosage pondéral des immunoglobulines (IgG, IgA, IgM) et des sous-classes des IgG (IgG 1 à 4), les sérologies vaccinales (avant et après avoir revacciné le patient), la recherche d’allohémagglutinines de groupe ABO (chez un patient, A, B ou O) et un phénotypage des lymphocytes B et des sous-populations (CD19, mémoires, CD21 low autoréactives) qui se fait dans des laboratoires spécialisés. L’exploration des fonctions lymphocytaires T comprend le phénotypage des lymphocytes T et des sous-populations naïves et mémoires, et l’étude de la fonction des lymphocytes T par des tests de prolifération cellulaire. Dans certains syndromes, l’étude des lymphocytes Tαβ double négatif est indiquée (syndrome lymphoprolifératif avec auto-immunité ALPS, lié à un déficit de l’apoptose médiée par FAS). L’exploration des fonctions innées comprend un frottis sanguin à la recherche de myélodysplasies, l’étude des fonctions oxydatives-NADPH (réduction du nitro- bleu de tétrazolium, test à la dihydrorhodamine). L’exploration de voies spécifiques, comme l’étude du complément (C3, C4, CH50, AP50), de l’axe interleukine-12/interféron-γ en cas de susceptibilité aux mycobactéries, du FAS-ligand soluble, de l’interleukine 10 et de la vitamine B12 en cas de complications lymphoprolifératives et auto-immunes, se fait en fonction de la symptomatologie. Enfin, les analyses génétiques sont orientées par un généticien ou par l’existence d’un syndrome évocateur d’un déficit immunitaire primitif bien identifié.
L’étude génétique n’est pas toujours informative mais doit être envisagée en raison des potentielles implications thérapeutiques et de la problématique de la transmission à la descendance. Chez l’adulte, il est plus difficile que chez l’enfant d’identifier la mutation génétique impliquant un gène connu de déficit immunitaire primitif. En outre, il est probable que certains syndromes soient d’origine polygénique ou dus à la survenue d’une mutation somatique. Les nouvelles techniques d’analyse pangénomique (next generation sequencing, exome) qui permettent de séquencer de grandes quantités d’ADN très rapidement, sont en train de révolutionner la prise en charge de ces patients.
Principaux déficits immunitaires primitifs de l’adulte
Déficit immunitaire commun variable
Le diagnostic de déficit immunitaire commun variable est fait généralement entre 20 et 40 ans, chez un patient ne présentant le plus souvent pas d’histoire familiale informative et dont les premiers symptômes ont débuté à la fin de l’adolescence. Les patients ont des complications infectieuses rhinosinusiennes et bronchopulmonaires récidivantes (à Streptococcus pneumoniae, Haemophilus influenzae) avec parfois une dilatation des bronches, ainsi que des gastroentérites (à entérovirus, Campylobacter, Gardia intestinalis). Un tiers des patients ont des manifestations auto-immunes, principalement des cytopénies auto-immunes mais aussi des gastrites de type Biermer, thyroïdites, polyarthrites ou vitiligo. Une splénomégalie, une atteinte pulmonaire (pneumopathie interstitielle lympho-granulomateuse), intestinale ou hépatique peuvent révéler une lymphoprolifération polyclonale d’hyperplasie lymphoïde ou de granulomatose. Un lymphome, parfois associé à l’EBV, peut révéler un déficit immunitaire commun variable. Enfin, une hyperplasie nodulaire régénérative du foie, parfois responsable d’une hypertension portale, peut compliquer ce déficit immunitaire. Les critères diagnostiques ont été définis par la Société européenne des déficits immunitaires primitifs (ESID) [
Déficits immunitaires combinés
Syndromes de dysrégulation immune
Diagnostics génétiques
Finalement, la classification syndromique dépend des manifestations cliniques, de l’âge de début des symptômes, du type de cellules immunitaires atteintes, de la profondeur du défaut immunitaire et d’une éventuelle anomalie génétique causale.
Principes de la prise en charge
Elle repose sur la prévention des infections et le traitement des complications infectieuses, auto-immunes et lymphoprolifératives. La prévention des infections13 comprend les vaccinations systématiques contre la grippe saisonnière, contre le pneumocoque et Haemophilus, ainsi que la mise à jour du calendrier vaccinal. Les vaccins vivants sont contre-indiqués en cas de déficit en lymphocytes T. En cas de déficit immunitaire combiné, une prophylaxie médicamenteuse par cotrimoxazole et valaciclovir doit être instituée. Une prophylaxie primaire par itraconazole et cotrimoxazole est mise en route en cas de défaut de l’immunité innée (en particulier dans les granulomatoses septiques chroniques). Enfin, la substitution en immunoglobulines polyvalentes est proposée aux patients ayant une hypogammaglobulinémie significative (< 3,5 g/L selon les recommandations du CEREDIH) et symptomatique.
Des traitements ciblant le défaut génétique ont montré leur efficacité dans certains cas rares et bien identifiés. À titre d’exemples, les déficits immunitaires communs variables secondaires à une activation de la voie PI3K/AKT/mTOR peuvent être traités par des inhibiteurs de mTOR, comme la rapamycine,14 ou un inhibiteur sélectif de PI3Kδ, actuellement en cours d’essai thérapeutique.15 Les déficits en CTLA-4 peuvent être efficacement traités par les protéines de fusion abatacept ou bélatacept6 ou être ciblés par des inhibiteurs de la voie CD28, comme la rapamycine. Les inhibiteurs de JAK peuvent être efficaces dans le cadre des mutations « gain de fonction » de STAT1 ou STAT3, responsables d’une activation de la voie JAK/STAT.16 Le plérixafor est actuellement à l’étude en phase III dans le syndrome de WHIM,17 causé par une mutation « gain de fonction » du gène CXCR4, responsable d’une neutropénie avec rétention de neutrophiles matures dans la moelle osseuse (myélokathexis), d’hypogammaglobulinémie, et d’un défaut de contrôle du papillomavirus.
Enfin, un traitement curatif, reposant sur la greffe allogénique de cellules souches hématopoïétiques ou sur la thérapie génique, peut être discuté dans les formes les plus sévères, mais doit faire l’objet d’une analyse de la balance bénéfice- risque attentive.
Y PENSER
Des cas cliniques évocateurs
Cas clinique no 1: cytopénies auto-immunes
Homme de 25 ans. Purpura thrombopénique immunologique depuis l’âge de 16 ans, corticodépendant, en réponse complète après splénectomie. Diagnostic à 18 ans de nodules pulmonaires diffus. Surveillance. À 21 ans, infections oto-rhino-laryngées (ORL) récidivantes avec pan-sinusite et polypose sinusienne. Dilatation des bronches modérée.
Hypogammaglobulinémie partielle avec des immunoglobulines (Ig) de type G à 6 g/L (légèrement abaissées), IgA à 0,26 g/L (abaissée), IgM à 0,8 g/L (normales). Diminution marquée des lymphocytes B à 3 %. Récidive du purpura, associé à une anémie hémolytique auto-immune (syndrome d’Evans) à 24 ans.
Au total : tableau de déficit immunitaire commun variable avec hypogammaglobulinémie, cytopénie auto-immune et éléments de lymphoprolifération.
Mise en évidence d’une mutation hétérozygote de CTLA-4.
Réponse complète des cytopénies sous abatacept (protéine de fusion CTLA4-Ig). Substitution en immunoglobulines polyvalentes.
Cas clinique no 2 : alopécie, purpura thrombopénique immunologique et hypogammaglobulinémie
Femme de 50 ans. Infections ORL récidivantes depuis quelques années. Thyroïdite et alopécie auto-immune depuis l’âge de 40 ans. Purpura thrombopénique immunologique post-infectieux résolutif à 45 ans.
Nodules pulmonaires, adénopathies (hyperplasie lymphoïde) et splénomégalie. Hypogammaglobulinémie touchant tous les isotypes. Déficit en lymphocytes B mémoires.
Mise en évidence d’une mutation hétérozygote perte de fonction de NF-kb1.
Substitution par immunoglobulines polyvalentes permettant une amélioration clinique.
Cas clinique n° 3 : verrues géantes des mains et bronchites à répétition
Homme de 25 ans. Verrues géantes des mains évoluant depuis l’adolescence. Infections bronchiques récidivantes depuis plusieurs années. Lymphopénie globale (0,5 G/L), avec lymphocytes T CD4 diminués (115/µL). Quasi-absence de lymphocytes B mais IgG et sous-classes normales (10 g/L), IgA normales, IgM basses.
Sérologies vaccinales (tétanos, pneumocoque) négatives malgré les rappels. Un frère de 30 ans, autogreffé à 22 ans pour un lymphome B diffus à grandes cellules, ayant également développé des verrues récidivantes depuis.
Taux effondré d’adénosine désaminase (ADA) chez le patient et son frère.
Mise en évidence de deux mutations inactivatrices du gène de l’ADA chez les deux frères.
Substitution par immunoglobulines poly-valentes et enzymothérapie substitutive parPEG-ADA permettant une amélioration clinique.
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