Anomalie biologique fréquente, définie par un chiffre de plaquettes < 150 G/L.
Les causes sont multiples (encadré, tableaux 1 et 2).

Évaluer

En l’absence de manifestations hémorragiques, écarter une « fausse thrombopénie » due à la formation d’agrégats plaquettaires sur le tube EDTA : toute valeur < 100 G/L doit être contrôlée sur tube citraté.
Une fois la thrombopénie confirmée :
– si plaquettes < 30 G/L ou 50 G/L et facteurs de risque ou syndrome hémorragique : prise en charge urgente, en milieu hospitalier, pour identifier la cause et la traiter ;
– si taux > 50 G/L et stable dans le temps : bilans complémentaires sans urgence (tableau 3).
Risque significatif de saignement spontané (en dehors de tout traumatisme), si plaquettes < 30 G/L ou 50 G/L en cas de trouble de l’hémostase associé (notamment sous anticoagulant ou antiagrégant plaquettaire).
Redouter la survenue d’un saignement, notamment si :
– âge > 65 ans ;
– ulcère gastrique, angiodysplasies coliques, fibromes utérins, chutes répétées ;
– thrombopénie profonde associée à des troubles de l’hémostase ou de la coagulation (hypofibrinogénémie, allongement du TCA, baisse du taux de prothrombine [TP], thrombopathie, notamment au cours de l’insuffisance rénale) spontanés ou médicamenteux (anticoagulants ou antiagrégants, aspirine, AINS).
Rechercher des signes hémorragiques +++ :
– au niveau cutané : purpura pétéchial non infiltré, vibices (fig. 1), ecchymoses spontanées ;
– muqueux : bulles hémorragiques intrabuccales (fig. 2), épistaxis, gingivorragies, saignement rétinien, digestif, urétral ou gynécologique ;
– hémarthroses spontanées : rares ;
– saignement intracrânien possible si thrombopénie < 20 G/L.

Trouver la cause

Rechercher à l’interrogatoire :
– ancienneté de la thrombopénie ;
– prise médicamenteuse dans les 10 jours précédant son apparition, responsable soit d’une toxicité médullaire (chimiothérapie), soit d’une réaction immunoallergique (le médicament génère un site antigénique à la surface des plaquettes, entraînant leur destruction) ; thrombopénie induite par l’héparine, surtout non fractionnée (via la production d’anticorps antiplaquettaires) : occasionne des thromboses artérielles et veineuses ;
– consommation massive d’alcool.
Analyser le contexte : cirrhose, néoplasie évolutive traitée ou non, grossesse, retour de voyage, contage viral, maladie auto-immune (lupus, thyroïdite) ?
Rechercher à l’examen :
– sepsis sévère : fièvre, frissons, hypotension artérielle, confusion, troubles de la vigilance ;
– infection virale : fièvre, éruption cutanée, subictère, arthromyalgies, adénopathies peu volumineuses ;
– hémopathie : adénopathies, hépato- et splénomégalie, altération de l’état général ;
– hépatopathie : hépato- et splénomégalie, circulation veineuse collatérale abdominale, ascite.
Devant une thrombopénie brutale et isolée, avec bilan étiologique négatif, évoquer un purpura thrombopénique immunologique (destruction des plaquettes par le système immunitaire), idiopathique ou lié à des maladies auto-immunes ou infectieuses.
En l’absence de signes d’orientation, et systématiquement chez les plus de 60 ans, si thrombopénie < 50 G/L : myélogramme pour identifier les mégacaryocytes (si nombreux : origine périphérique ; si rares ou absents : cause centrale), des cellules anormales (blastes, cellules métastatiques…), des signes de dysmyélopoïèse.

Quand traiter ?

En cas de thrombopénie stable et > 80 G/L : pas de prise en charge ni de précaution particulière.
Si comprise entre 50 et 80 G/L : traitement rarement nécessaire, sauf avant geste chirurgical ou accouchement ; injections intramusculaires déconseillées.
Si < 30 ou 50 G/L (risque théorique de saignementspontané) :
– discuter l’arrêt des antiagrégants et des anticoagulants ;
– contrôler la pression artérielle ;
– éviter les gestes invasifs (ponction lombaire, pleurale, articulaire) ;
– en cas de cause centrale : transfusion plaquettaire ;
– si purpura thrombopénique immunologique : corticothérapie orale à 1 mg/kg/j ou, en cas de syndrome hémorragique avéré, perfusion d’immunoglobulines IV ; transfusion de plaquettes si urgence vitale (mais efficacité transitoire).
Si thrombopénie liée à l’héparine ou à un autre traitement : ces médicaments sont contre-indiqués à vie.
Encadre

Vie et mort d’une plaquette

Les plaquettes sont synthétisées dans la moelle osseuse à partir de la fragmentation du cytoplasme de leurs précurseurs, les mégacaryocytes. En cas de brèche endothéliale, elles sont consommées par la formation du clou plaquettaire ; autrement, elles sont détruites après 10 jours en moyenne, dans les sinusoïdes de la rate et du foie.

Une thrombopénie peut donc être due à une cause centrale (défaut de production ; peu ou pas de mégacaryocytes) ou périphérique (mégacaryocytes normaux) par hyperconsommation, hyper-destruction, hémodilution (hypersplénisme, grossesse).

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