La prévalence du diabète de type 2 est en augmentation dans le monde. Environ 5 % de la population est atteinte en France.1
Dans cette pathologie, l’insulino­pénie s’aggrave avec le temps, rendant l’insulinothérapie nécessaire.
D’après les données de l’étude ENTRED 2007-2010,2 cela concerne 17 % des diabétiques de type 2.
Selon les recommandations de la Société francophone du diabète de 2019,3 l’insuline basale peut être initiée en ambulatoire dans la grande majorité des cas. Son instauration doit être accompagnée d’une éducation thérapeutique en ville afin de s’assurer que les patients puissent utiliser leur traitement en toute sécurité et éviter les complications aiguës.
Mais quel est le véritable niveau de connaissance des malades sur l’insulino­thérapie ?
Afin de répondre à cette question, nous avons réalisé une étude durant l’année 2019 chez des diabétiques de type 2 sous insuline basale.

Un questionnaire spécifique

Des patients DT2, dont l’insuline basale a été prescrite en consultation et suivis exclusivement en ambulatoire par le médecin généraliste et/ou l’endocrinologue, ont été interrogés par téléphone. étaient exclus ceux
– sous insuline rapide ;
– vivant sous le même toit qu’un diabétique sous insuline ;
– ayant été hospitalisés pour la mise en route ou l’adaptation de l’insulinothérapie.
Le questionnaire a été élaboré spécifiquement pour l’étude, à partir de la version américaine du Diabetes Knowledge Test. Il comportait 37 items concernant les caractéristiques générales des patients, la connaissance des objectifs glycémiques, l’alimentation et l’activité physique, les hyperglycémies et les hypoglycémies. Il a été relu par des endocrinologues, des généralistes, une infirmière d’éducation et testé sur une dizaine de patients avant son utilisation.
On a calculé le score global de bonne réponse d’une part et celui de chaque question d’autre part, afin d’identifier les points d’éducation à renforcer.
Nous avons aussi recherché les caractéristiques des patients corrélées à un faible score de connaissance, afin d’identifier la population la plus exposée aux risques d’événements aigus.
Ce travail a été réalisé après l’avis d’un comité d’éthique et déclaration à la CNIL. Les patients ont été recrutés via leur médecin. L’accord de ces derniers (médecin et malade) a été recueilli avant l’administration des questionnaires, après information orale et écrite.

Quels résultats ?

Les caractéristiques des 30 individus inclus sont décrites dans le tableau.
Les résultats montrent que le taux de bonne réponse au questionnaire n’aété que de 51 % (moyenne de 18,8 ± 5,2 sur 37) ce qui est insuffisant, s’agissant d’évaluer la sécurité d’emploi de l’insuline (nous nous attendions à 100 % de bonne réponse).
Les objectifs glycémiques étaient connus de 80 % des sujets.
Concernant l’impact de l’alimentation et de l’exercice physique sur l’équilibre du diabète, le score était de 6,7 ± 1,9 sur 10.
Pour les items portant sur l’hypoglycémie, il était de 7,6 ± 2,5 sur 14 ; pour l’hyperglycémie : 3,7 ± 1,6 sur 12.
Le score total était corrélé négativement à l’âge (R = – 0,372, p = 0,0428) et positivement au nombre d’années d’étude (R = 0,375, p = 0,0340).
La présence d’une infirmière au début de la prise en charge était associée à une valeur plus faible (16,2 ± 5,4 vs 20,6 ± 3,9, p = 0,0144). En revanche, il n’était pas significativement différent en fonction de la durée de l’insulinothérapie ou du type de médecin ayant initié le traitement.
Les sujets ne connaissant pas leur objectif glycémique étaient plus âgés au diagnostic du diabète (61,8 ± 11,0 vs 49,3 ± 10,3, p = 0,0135).
Quant aux informations sur l’alimentation et l’exercice physique, nous avons retrouvé une corrélation entre l’âge et le taux de bonnes réponses (R = – 0,434, p = 0,0168) et un meilleur score chez les patients qui avaient leur baccalauréat (7,7 ± 1,0 vs 6,0 ± 2,1, p = 0,0180).
En ce qui concerne l’hypoglycémie, plus l’âge actuel (R = – 0,367, p = 0,0458) et celui au diagnostic (R = – 0,430, p = 0,0179) étaient élevés, moins les notions étaient acquises.
Les patients ayant bénéficié d’une infirmière pour initier l’insuline avaient un score plus faible (8,6 ± 2,0 vs 6,4 ± 2,7, p = 0,0133) alors que ce dernier était meilleur chez les personnes ayant leur baccalauréat (9,0 ±2,5 vs 6,8 ± 2,2, p = 0,0165). Les connaissances sur l’hyperglycémie étaient corrélées positivement au niveau d’études (R = 0,51, p = 0,00422).
L’impact sur l’équilibre du diabète n’a cependant pas pu être mis en évidence : pas de corrélation entre le score total de bonne réponse et l’HbA1c ou la fréquence des événements aigus, probablement en raison du faible nombre de patients inclus.
Curieusement, les sujets qui faisaient le plus d’hypoglycémies avaient un meilleur score de connaissance global (20,5 ± 5,2 vs 15,8 ± 3,3, p = 0,00952), mais aussi sur ces dernières (8,9 ± 2,4 vs 5,8 ± 1,5, p = 0,000498) et sur l’hyperglycémie (4,0 ± 3 vs 3,0 ± 2,2, p = 0,032).

Quelles conclusions ?

Malgré leur faible incidence dans cette étude, les épisodes d’hyper- ou d’hypoglycémie ne sont pas rares chez les diabétiques de type 2 insulinotraités. Il est donc important de former les malades à la gestion des risques. L’hypoglycémie, principale complication aiguë sous insuline, avait une incidence de 18 % dans l’étude observationnelle CREDIT,4 même si les épisodes sévères n’étaient pas fréquents.
Dans cette enquête, les patients avaient globalement des notions correctes concernant l’hypoglycémie. De façon inattendue, ceux qui faisaient le plus d’épisodes avaient les meilleurs scores de connaissances.
Deux hypothèses pourraient expliquer ce phénomène :
– les patients les plus éduqués sont peut- être «trop bien» équilibrés et donc plus à risque de faire des hypoglycémies. Il s’agit là d’une hypothèse ;
– en cas d’hypoglycémies fréquentes, les malades sont inquiets et s’informent donc davantage sur le diabète.
Les sujets inclus avaient également une connaissance assez bonne de l’impact de l’alimentation et de l’activité physique sur l’équilibre glycémique. En revanche, les notions sur l’hyperglycémie étaient largement insuffisantes. Pourtant, une étude montre que le taux d’admission des patients en hospitalisation pour acidocétose augmente ces dernières années chez les diabétiques de type 1 mais également de type 2.5
La mortalité de l’acidocétose reste importante, notamment chez les sujets âgés et polypathologiques, ce qui est souvent le cas des DT2. Notons que les personnes âgées dans cette étude étaient justement les moins informées.
Il semble donc nécessaire de renforcer l’éducation thérapeutique afin que les patients puissent reconnaître les signes cliniques d’hyperglycémie, avoir le réflexe d’effectuer une glycémie capillaire et savoir quand et comment faire une bandelette urinaire à la recherche d’acétone.
En conclusion, ces résultats montrent que l’éducation thérapeutique des diabétiques de type 2 sous insuline doit être renforcée, notamment en ce qui concerne la gestion des hyperglycémies. Une attention particulière doit être portée aux patients les plus âgés et ayant un faible niveau d’étude.
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.
Références
1. Inserm. La science pour la santé. Diabète de type 2. Un trouble du métabolisme principalement lié au mode de vie.Mise à jour février 2019.
https://bit.ly/2TEBqYi
2. Fournier C, Chabert A, Mosnier-Pudar H, Aujoulat I, Fagot-Campagna A, Gautier A. Rapport entred. Inpes; 2011.
3. Darmon P, Bauduceau B, Bordier L, et al. Prise de position de la Société Francophone du Diabète (SFD) sur la prise en charge médicamenteuse de l’hyper­glycémie du patient diabétique de type 2 – 2019. Med Mal Metab 2019;13:711-32.
https://bit.ly/3c0kB03
4. Balkau B, Djaballah K, Serusclat P et les investigateurs de l’étude CREDIT. Première année de suivi des patients diabétiques de type 2 mis sous insuline en vie réelle (étude CREDIT-France). Med Mal Metab 2014;8:623-9.
5. Karslioglu French E, Donihi AC, Korytkowski MT. Diabetic ketoacidosis and hyperosmolar hyperglycemic syndrome : review of acute decompensated diabetes in adult patients. BMJ 2019;365:1114.

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essentiel

Les diabétiques de type 2 sous insuline basale traités en ambulatoire sont insuffisamment éduqués, notamment sur l’hyperglycémie.

âge avancé et faible niveau d’études sont corrélés à un manque de connaissances.

Paradoxalement, les patients les mieux informés font davantage d’hypoglycémies.