Devant toute ischémie artérielle aiguë, qu’il s’agisse d’un accident vasculaire cérébral ischémique (AVCI) ou d’une ischémie aiguë de membre, un bilan étiologique s’impose, après ou en parallèle de la prise en charge de l’épisode initial et de ses complications immédiates. Ce bilan permet d’orienter les thérapeutiques ultérieures et, ainsi, éviter une récidive.
La stratégie diffère selon que l’ischémie artérielle est cérébrale ou périphérique. En effet, les localisations anatomiques et les causes ne sont pas superposables (hormis certaines causes comme les embolies d’origine cardiaque).

Accident vasculaire cérébral ischémique

Cinq types de cause

Les cinq grandes familles étiologiques des AVCI sont recensées dans la classification TOAST : athérosclérose des gros troncs artériels, cardiopathies emboligènes, maladies des petites artères, autres causes déterminées, AVCI cryptogéniques.

Athérosclérose des gros troncs artériels

Elle est en cause dans 30 % des AVCI. C’est l’écho-doppler des troncs supra-aortiques (TSA) qui en permet le diagnostic. Si nécessaire, et surtout en cas de découverte d’une sténose serrée, elle peut être complétée par un angioscanner ou une angio-IRM. L’avantage de ces examens d’imagerie est de visualiser également les artères intracérébrales. Ils permettent, en outre, de rechercher une éventuelle dissection carotidienne ou vertébrale (à évoquer en cas de cervicalgies, céphalées périorbitaires, syndrome de Claude Bernard-Horner, paralysie des paires crâniennes basses, acouphènes).

Cardiopathies emboligènes

Elles représentent 20 % des AVCI. Nombreuses (tableau 1), elles sont dominées par la fibrillation atriale (FA), à rechercher systématiquement. Son risque embolique doit toujours être calculé grâce au score CHA2DS2-VASc (tableau 2). L’électrocardiogramme (ECG) ne suffit pas à éliminer une FA : en cas de rythme sinusal, un Holter rythmique doit être réalisé (la durée d’enregistrement tend aujourd’hui à s’allonger d’une semaine à plusieurs mois, afin d’optimiser la sensibilité). L’échocardiographie par voie transthoracique (ETT), ou par voie transœsophagienne (ETO) si besoin, doit enfin être systématique.

Maladies des petites artères

Leur recherche repose principalement sur des critères cliniques, génétiques et sur l’IRM.1 Les petits infarctus profonds (ou « lacunes ») sont ainsi essentiellement liés à l’hypertension artérielle et/ou au diabète. La génétique aide au diagnostic des causes rares familiales comme le CADASIL (cerebral autosomal dominant arteriopathy with subcortical infarcts and leukoencephalopathy) dû à une mutation du gène Notch3, ou autres affections liées aux mutations du gène Col4A1.

Autres causes déterminées

De nombreuses autres situations sont possibles. Ces causes déterminées disparates doivent être recherchées, en particulier chez les sujets jeunes et en l’absence d’athérosclérose ou de cardiopathie emboligène :
– les dissections artérielles cervicales (principale cause des AVCI du sujet jeune), dont le diagnostic repose sur l’écho-­doppler et surtout l’angioscanner ou l’angio-IRM, peuvent être spontanées ou, plus rarement, traumatiques. Elles doivent faire rechercher une dysplasie fibromusculaire ;
– les lésions dysplasiques peuvent se traduire au niveau du bulbe carotidien par la présence d’une hyperplasie intimale fibreuse définissant un diaphragme endoluminal. Un AVCI du territoire sylvien est évocateur ;
– les artériopathies inflammatoires peuvent concerner les gros troncs (maladie de Horton chez le sujet âgé, maladie de Takayasu chez la femme jeune…). Les vascularites cérébrales des artères peuvent être primitives ou secondaires à de nombreuses affections systémiques et infections (hépatite B ou C) ;1
– une thrombophilie doit être évoquée. Le syndrome des antiphospholipides est la principale cause à rechercher. Syndrome myéloprolifératif, drépanocytose, homocystinurie, thrombophilie majeure sont aussi possibles ;
– chez les femmes, l’interrogatoire doit rechercher la prise d’une pilule œstroprogestative. L’AVCI du post-partum est également une entité reconnue ;
– la maladie de Fabry ou un syndrome MELAS (myopathie mitochondriale, encéphalopathie, acidose lactique et des tableaux neurologiques aigus ressemblant à des accidents ischémiques cérébraux) sont des causes rares mais à évoquer ;
– enfin, une consommation de drogues (cocaïne, cannabis) est à rechercher.

AVCI cryptogénique

Lorsque aucune des causes précédentes n’a été mise en évidence, on parle d’AVCI cryptogénique.

Bilan étiologique d’un AVCI

Il est débuté dès l’arrivée en unité de soins intensifs neurovasculaires, et mené de front avec la prise en charge thérapeutique de l’AVCI. Il doit être intensifié en fonction du profil du patient (de la personne âgée avec facteurs de risque cardiovasculaires majeurs au patient jeune sans antécédent).
On peut proposer une hiérarchie d’examens privilégiant la recherche des causes les plus courantes dans les étapes initiales :1,2
– en première intention : imagerie cérébrale (idéalement IRM + angio-IRM des TSA), échographie-doppler des TSA, ECG (si possible prolongé par un monitoring d’au moins 24 heures) et si besoin Holter rythmique, ETT, biologie initiale (tableau 3) ;
 en deuxième intention : ETO, angio­scanner de l’arche aortique, Holter rythmique de plus de 24 heures, biologie complémentaire (tableau 3) ;
– en troisième intention : angiographie cérébrale, ponction lombaire, biopsie leptoméningée, dosage de l’alphagalactosidase (recherche de maladie de Fabry), bio­psie musculaire (recherche de syndrome de MELAS), biologie moléculaire (recherche de CADASIL, etc.).

Ischémie artérielle périphérique

Trois causes principales

Les causes d’ischémie aiguë de membre (inférieur le plus souvent) sont nombreuses (tableau 4).3,4 Les trois plus fréquentes sont les embolies artérielles, les thromboses artérielles et les antécédents de chirurgie vasculaire.
Un mécanisme embolique doit toujours être fortement suspecté en cas d’ischémie aiguë de membre inférieur avec persistance des pouls distaux du côté opposé.
Un antécédent de chirurgie artérielle doit orienter en premier lieu vers une thrombose de pontage ou du site revas­cularisé (angioplastie, stent).

Bilan étiologique d’une ischémie aiguë de membre

Comme pour les AVCI, un bilan biologique étiologique doit être effectué en deux temps (tableau 3).
Outre l’ECG, la recherche d’une cause cardio-embolique nécessite la réalisation d’une ETT (complétée éventuellement par une ETO) et d’un Holter de 24 heures (complété éventuellement par un Holter longue durée).
La recherche d’une cause artérielle repose principalement sur l’écho-doppler artériel et sur un angioscanner incluant une recherche de thrombose/plaque ulcérée, de la racine de l’aorte jusqu’au site de l’ischémie.

Prise en charge de prévention tertiaire

Le bilan étiologique est donc indispensable, après le traitement de la phase aiguë, afin d’orienter les thérapeutiques ultérieures et éviter ainsi une récidive.5
Schématiquement, des anticoagulants oraux sont prescrits en cas de cause cardio-­embolique, et des antiagrégants plaquettaires en cas de cause artérielle.
Parfois, une chirurgie est indiquée : geste vasculaire, fermeture d’un foramen ovale perméable, occlusion de l’auricule gauche.
La prise en charge des facteurs de risque d’athérosclérose, s’ils sont retrouvés, est évidemment essentielle (sevrage tabagique, correction d’une hypertension artérielle, d’une hyper­cholestérolémie, d’un diabète).
Références
1. Calvet D. Infarctus cérébral du sujet jeune. Rev Med Int 2016;3(1)7:19-24.
2. Pepi M, Evangelista A, Nihoyannopoulos P, et al. Recommendations for echocardiography use in the diag­nosis and management of cardiac sources of embolism: European Association of Echocardiography (EAE) (a registered branch of the ESC). Eur J Echocardiogr 2010;11:461-76.
3. Emmerich J, Stansal A. Ischémie aiguë d’un membre : orientation diagnostique, prise en charge thérapeutique. EMC AKOS (traité de médecine) 2013;8(2):1-5.
4. Björck M, Earnshaw JJ, Acosta S, et al. European Society for Vascular Surgery (ESVS) 2020 clinical practice guidelines on the management of acute limb ischemia. Eur J Vas Endovasc Surg 2020;59(2):173-218.
5. Diener HC, Hankey GJ. Primary and secondary prevention of ischemic stroke and cerebral hemorrhage. JACC 2020;75(15):1804-18.

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essentiel

Le bilan étiologique diffère selon que l’ischémie artérielle est cérébrale ou périphérique.

Dans le cas d’un AVCI, la recherche d’une cause débute dès l’arrivée en unité de soins intensifs neurovasculaires, simultanément à la prise en charge thérapeutique.

Le bilan étiologique d’un AVCI est mené en plusieurs temps, recherchant les causes par ordre de fréquence décroissant.

Les ischémies artérielles périphériques sont le plus souvent thromboemboliques ou secondaires à une chirurgie vasculaire.