Hygiène. Les études montrent que leur usage entraîne une réduction significative du taux d’infections. Reste à les utiliser et à leur trouver le bon emplacement dans les locaux.

Quel que soit le secteur de soins (ville, établissements médico-sociaux et établissements de santé), les professionnels de santé sont invités à utiliser des produits hydro-alcooliques pour l’hygiène des mains (v. les recommandations de la Société française d’hygiène hospitalière).1 Utiliser ces produits permet au professionnel, y compris en cabinet de ville, d’afficher sa volonté de réaliser des soins sûrs et de qualité, et reflète une prise en compte du risque infectieux à laquelle les patients sont de plus en plus sensibles. La promotion de ces produits a commencé en France au début des années 2000 pour répondre aux problématiques du lavage des mains au savon (avis du Comité technique des infections nosocomiales et des infections liées aux soins [CTINILS] 2001) :2 technique peu attractive du fait de sa durée et des contacts répétés avec l’eau et le détergent qui finissent par assécher la peau ; points de lavage des mains inexistants, mal équipés ou éloignés des lieux de soins. L’efficacité des produits hydro-alcooliques a également été mise en avant, l’activité antimicrobienne de ces produits étant bien supérieure à celle du savon doux liquide : le savon n’agit en effet que sur la flore superficielle de la peau (flore transitoire) et par un mécanisme d’élimination uniquement.

Une activité microbiologique fondée sur des normes

L’efficacité microbiologique des produits hydro-alcooliques est démontrée par les fabricants à l’aide de normes d’activité antimicrobienne (tableau 1).Ces normes reposent sur des métho- des standardisées qui sont reconnues au niveau européen et sont réalisées en tubes à essais (EN 13727, EN 13624 EN 14476) ainsi que sur les mains de volontaires sains (EN 1500).

Une efficacité clinique prouvée

Plusieurs revues de la littérature scientifique ont été réalisées depuis 2005 sur le lien entre l’hygiène des mains et la réduction des infections associées aux soins.3, 5-8 En tenant compte des articles communs à ces différentes revues, une cinquantaine d’articles ont été recensés au total. Une analyse approfondie de ces articles a montré que six d’entre eux (tableau 2) trouvaient un lien significatif entre la réduction du taux d’infections et l’utilisation des produits hydro-alcooliques (p < 0,05). Ont été exclus les articles sur les produits d’hygiène des mains non alcooliques, ceux évaluant simultanément l’effet de plusieurs mesures d’hygiène (hygiène des mains associée au port de gants ou à des lingettes pour le bionettoyage des surfaces...), ceux ne présentant pas d’analyse statistique ou n’ayant pas pu montrer une différence du fait des conditions d’étude (effectif limité, faible durée de l’étude…).
Excepté une étude publiée par un fabricant de produits hydro-alcooliques,9 la majorité ont été organisées par des équipes hospitalières médicales ou de prévention des infections. Elles ont toutes été menées au sein d’établissements de santé (études monocentriques en règle générale) dans des services où les taux d’infections étaient suffisamment importants pour pouvoir montrer une différence significative lors d’études comparatives. Dans ces études, l’intervention correspondait à l’introduction des produits hydro-alcooliques ou à la généralisation de leur mise à dispo- sition, ou à une incitation renforcée à leur utilisation dans un ou plusieurs services,9,12 voire dans l’ensemble de l’établissement.13, 14 La mise à disposition des produits hydro-alcooliques était le plus souvent accompagnée (hormis dans l’étude du fabricant) d’une optimisation de leur emplacement, de la formation du personnel concerné et parfois des patients, de la diffusion d’affiches ou de supports de communication constituant des démarches dites « multimodales » autour de l’hygiène des mains. Dans la majorité des études, l’efficacité de l’intervention était jugée sur la réduction du taux d’infections, mesurée de deux façons différentes selon les publications : soit par comparaison dans le temps au sein d’un même service ou groupe de services (avant et après intervention), soit par comparaison de deux groupes (avec ou sans intervention). Mettre en évidence le lien recherché a généralement demandé une période d’étude assez longue (de 1 à 3 ans pour les comparaisons de groupe), voire très longue (de 4 à 8 ans pour les comparaisons de période). Ce dernier type d’étude nécessitait d’estimer un taux d’infections dans la période avant intervention (de 6 mois à 2 ans environ). L’expression du taux d’infections était variable selon les études et le mode de recueil (prévalence ou incidence), par journée d’hospitalisation ou admission ou séjour du patient. Il pouvait s’agir du taux global d’infections associées aux soins (tout type) ou d’un taux d’infections ciblées (infections à Rotavirus, bactériémies, infections du site opératoire). Une seule étude s’est intéressée à la corrélation entre le volume de produit hydro-alcoolique utilisé et le taux d’infections.12
Globalement, la réduction du taux d’infections après intervention s’est échelonnée entre -30 % et -63 % par rapport au taux d’infections initial ou à celui du groupe témoin (formule = [taux initial - taux lié à l’intervention] x 100/taux initial). Les réductions les plus importantes ont été obtenues sur des taux d’infections ciblées. La réduction la plus faible était celle obtenue par le laboratoire.9 De plus, une corrélation significative a été retrouvée entre une consommation importante de produits hydro-alcooliques et la réduction du taux d’infections.

Un réflexe à acquérir

Même si elles existent en nombre limité et ne répondent pas toujours à 100 % aux critères de l’étude idéale,6 ces différentes publications confirment l’intérêt des produits hydro- alcooliques du point de vue de leur efficacité et justifient un usage large de ces produits dans toutes les situations de contact avec les patients et lors de leurs soins (tableau 1). En cabinet de ville, comme dans les structures de santé, il ne faut pas négliger l’importance de l’emplacement des produits hydro- alcooliques pour faciliter leur utilisation et arriver à ce que le geste de friction devienne un véritable réflexe intégré à la prise en charge de chaque patient.

Références

1. Société française d’hygiène hospitalière. Recommandations pour l’hygiène des mains. SF2H, 2009. https://sf2h.net/ ou http://bit.ly/2DnhBeu

2. Direction générale de la santé. Avis du CTINILS du 5 décembre 2001 sur la place de la friction hydro-alcoolique dans l’hygiène des mains lors des soins. Bulletin officiel n° 2001-52 http://solidarites-sante.gouv.fr ou http://bit.ly/2AU8vD6

3. Silvestri L, Petros AJ, Sarginson RE, de la Cal MA, Murray AE, van Saene HK. Handwashing in the intensive care unit: a big measure with modest effects. J Hosp Infect 2005;59:172-9.

4. Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail. De nouvelles missions pour l’Anses dans le domaine des produits biocides - Dossier de presse, ANSES 2016. www.anses.fr ou http://bit.ly/2Dq2wsy

5. Pittet D, Allegranzi B, Sax H, et al. Evidence-based model for hand transmission during patient care and the role of improved practices. Lancet Infect Dis 2006;6:641-52.

6. Backman C, Zoutman DE, Marck PB. An integrative review of the current evidence on the relationship between hand hygiene interventions and the incidence of health care-associated infections. Am J Infect Control 2008;36:333-48.

7. Allegranzi B, Pittet D. Role of hand hygiene in healthcare- associated infection prevention. J Hosp Infect 2009;73:305-15.

8. Shah S, Singhal T. Hand hygiene and health care associated infections: What, why and how. Pediatr Infect Dis 2013;5:130-4.

9. Fendler EJ, Ali Y, Hammond BS, Lyons MK, Kelley MB, Vowell NA. The impact of alcohol hand sanitizer use on infection rates in an extended care facility. Am J Infect Control 2002;30:226-33.

10. Le TA, Dibley MJ, Vo VN, et al. Reduction in surgical site infections in neurosurgical patients associated with a bedside hand hygiene program in Vietnam. Infect Control Hosp Epidemiol 2007;28:583-8.

11. Grayson ML, Jarvie LJ, Martin R, et al.; Hand Hygiene study group and Hand Hygiene Statewide Roll-out group, Victorian Quality Council. Significant reductions in methicillin-resistant Staphylococcus aureus bacteraemia and clinical isolates associated with a multisite, hand hygiene culture-change program and subsequent successful statewide roll-out. Med J Aust 2008;188:633-40.

12. Herud T, Nilsen RM, Svendheim K, Harthug S. Association between use of hand hygiene products and rates of health care-associated infections in a large university hospital in Norway. Am J Infect Control 2009;37:311-7.

13. Pittet D, Sax H, Hugonnet S, Harbarth S. Cost implications of successful hand hygiene promotion. Infect Control Hosp Epidemiol 2004;25:264-6.

14. Zerr DM, Allpress AL, Heath J, Bornemann R, Bennett E. Decreasing hospital-associated rotavirus infection: a multidisciplinary hand hygiene campaign in a children’s hospital. Pediatr Infect Dis J 2005;24:397-403.

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