Les recommandations françaises et européennes divergent sur la place du test d’effort, mais, couplé aux données d’imagerie, son apport sur le plan diagnostique et pronostique reste fondamental dans de nombreuses cardiopathies, à la condition toutefois d’être prescrit avec pertinence.
Les dernières recommandations de la Société française de cardiologie (2018)1 placent le test d’effort au centre du diagnostic de l’ischémie myocardique. Il existe toutefois de profondes divergences entre ces recommandations et celles de l’European Society of Cardiology (ESC),2 qui valorise les tests d’imagerie.
La limite de ces recommandations est qu’elles se fondent sur le raisonnement de centres experts, qui sont parfois loin des réalités vécues par chaque praticien. La disponibilité des examens proposés dans chaque région, leur qualité très dépendante de l’opérateur sont autant de facteurs décisifs pour le médecin à la recherche de l’examen « idéal » pour son patient.
L’épreuve d’effort est certes un examen « old school »,3 mais son intérêt, ses indications et ses limites sont parfaitement connus. Malheureusement, elle n’est pas exploitée de façon optimale. Les recommandations insistent d’ailleurs sur ce point : un test d’effort n’a pas seulement un intérêt diagnostique (en montrant un sous-décalage du segment ST) permettant de décider d’une coronarographie mais il a aussi une valeur pronostique considérable.

Avant le test : quelle probabilité d’une atteinte coronaire ?

Avant de prescrire un test d’effort, il convient de savoir si cela est pertinent. La valeur prédictive positive d’un test (probabilité d’être malade si le test est positif) dépend de la prévalence de la maladie dans la population étudiée (probabilité pré-test). Il faut donc, avant tout, évaluer cette probabilité pour chaque patient, en fonction de trois critères : l’âge, le sexe et le type de douleur, ce qui permet de la stratifier en faible, intermédiaire ou élevée.4 La population cible justifiable d’un test d’effort est celle dont la probabilité vis-à-vis du risque coronaire est intermédiaire. L’épreuve d’effort a moins d’intérêt en cas de probabilité faible (sauf évaluation pronostique, v. infra), tandis qu’en cas de probabilité forte, un test d’imagerie ou une coronarographie en première intention semblent plus indiqués.

Quels risques et quelles contre-indications ?

Une bonne indication nécessite aussi de s’assurer de l’absence de contre-indications, notamment grâce à l’interrogatoire et à l’auscultation (tableaux 1 et 2), afin d’en estimer le rapport bénéfice-risque. Une épreuve d’effort est associée à un risque d’événement indésirable mortel extrê­mement faible : pourcentage de décès inférieur à 0,01 %, événement nécessitant une intervention médicale (infarctus du myocarde, trouble du rythme…) inférieur à 0,2 %.5

De nombreuses indications

Cardiopathie ischémique

L’épreuve d’effort permet le dépistage d’une cardiopathie ischémique chez des patients symptomatiques ou l’évaluation du pronostic chez les patients à haut risque cardiovasculaire. Elle permet en outre d’établir un protocole de réadaptation après un événement coronarien et/ou de décider d’une éventuelle aptitude à la pratique d'une activité physique. Associée à une mesure de la consommation maximale d’oxygène (VO2), elle permet de définir le facteur limitant de l’effort : cardiaque, pulmonaire et/ou musculaire. Elle reste donc l’examen de référence, notamment dans les bilans de dyspnée d’effort. En pré­vention secondaire, un test fonctionnel d’imagerie ­(scintigraphie ou échographie) semble être plus adapté.

Troubles du rythme et de la conduction

Le test d’effort permet de poser un diagnostic étiologique et d’évaluer le pronostic dans le cadre du bilan de syncope, de palpitations, d’antécédents familiaux de mort subite d’origine cardiaque, de maladie arythmogène héréditaire ou de tout autre symptôme survenant à ­l’effort. Il permet en outre d’estimer l’efficacité d’un ­traitement antiarythmique : adaptation du traitement chez un patient en fibrillation atriale (contrôle de la ­fréquence ventriculaire à l’effort), évolution d’une hyper­excitabilité ventriculaire.

Insuffisance cardiaque chronique

Associée au VO2, elle permet de déterminer la capacité d’effort (pic de VO2), qui est le facteur pronostique principal et un des critères majeurs de la décision de transplantation. En outre, elle permet de débuter un protocole de réadaptation indispensable et adapté au patient.6

Cardiomyopathie hypertrophique

Son apport est à la fois pronostique (associée à un VO2) et un outil d’aide à la décision thérapeutique (alcoolisation septale, myomectomie septale ou transplantation) en se fondant sur la VO2, la réponse tensionnelle ou la présence d’une arythmie ventriculaire.

Hypertension artérielle

Le profil tensionnel d’effort sous traitement est un des éléments importants dans l’évaluation de tout patient hypertendu ; la plupart des traitements n’ayant pas la même efficacité au repos et à l’effort. L’atteinte coronarienne secondaire à l’hypertension artérielle est évidemment dépistée en complément.

Avant une chirurgie non cardiaque

Le test d’effort, seul ou associé à un VO2, chez les patients ayant un risque opératoire élevé, permet de mieux encadrer un geste chirurgical.

Chez le sportif

Le test d’effort est indiqué chez le patient désireux de ­reprendre une activité physique ou en cas de symptômes ou d’une baisse inexpliquée des performances.

Chez le sujet asymptomatique

Chez les sujets ayant des facteurs de risque les exposant à un risque cardiovasculaire élevé, une épreuve d’effort anormale (faible capacité fonctionnelle ou anomalies de l’électrocardiogramme [ECG]) permet de définir un sous-groupe de patients à risque accru de coronaropathie.

Quelle interprétation ?

La douleur thoracique : c’est un élément pivot du diagnostic par son caractère typique et son apparition précoce (facteur de gravité).
La dynamique de la pression artérielle : à l’effort maximal, la pression systolique (PAS) doit augmenter d’au moins 40 mmHg. Une augmentation excessive lors des premiers paliers est corrélée à une surmortalité cardiovasculaire à long terme. Une faible montée (< 10 mmHg/équivalent métabolique [MET]) ou une diminution de la PAS au cours de l’exercice est de mauvais pronostic et conduit à une exploration « urgente ».
Les modifications ECG : sus- ou sous-décalage du segment ST, déviation axiale sont autant de critères qui font suspecter une atteinte coronaire d’autant plus sévère qu’ils apparaissent précocement (tableau 3).
L’incompétence chronotrope : elle est définie par une fréquence cardiaque maximale (FCmax) atteinte ­inférieure ou égale à 80 % de la FCmax théorique (FMT), sans traitement ralentisseur, malgré un test maximal. C’est un marqueur de mauvais pronostic qui doit faire évoquer une ischémie myocardique.
La fréquence cardiaque : une diminution de la FC de moins de 12 battements à la 1re minute de récupération et/ou 22 battements à la 2e minute par rapport à la FCmax, est considérée comme anormale et de mauvais pronostic. La fréquence cardiaque à l’effort n’a pas de valeur diag- nostique ou pronostique. La FMT n’a jamais été un critère pertinent malgré les croyances de nombreux praticiens.
Le trouble du rythme ou de la conduction : l’apparition d’arythmies ventriculaires (polymorphes, bi- ou trigéminisme, tachycardie ou fibrillation ventriculaire) est un marqueur d’événements cardiaques et de mortalité. Les extrasystoles ventriculaires fréquentes ou répétitives survenant en récupération sont associées à une surmortalité. De même, l’apparition à l’effort d’un bloc atrioventriculaire de haut degré ou d’un bloc de branche orientent vers le dépistage d’une atteinte coronaire péjorative.
La capacité d’effort : c’est le meilleur marqueur ­actuel d’espérance de vie, indépendamment de toute ­pathologie associée. Elle s’exprime en watts (sur cyclo-­ergomètre), en paliers de Bruce (sur tapis roulant) ou sous la forme de son unité de mesure internationale, le MET (unité de mesure de la performance). Le pronostic est excellent au-delà de 10 MET (indépendamment de la présence d’une maladie coronaire). L’incapacité d’un ­patient à atteindre 6 MET prédit une surmortalité ­cardiovasculaire et globale.
La méthode des scores : c’est une méthode (tableaux 4 et 5) qui permet, à l’issue du test d’effort, de définir une probabilité post-test d’anomalie coronaire. Cette méthode permet de mieux orienter le patient pour la suite de sa prise en charge et améliore de façon nette la sensibilité et la spécificité du test d’effort (tableau 6).
Ces éléments diagnostiques et pronostiques permettent de comprendre que la conclusion d’un test d’effort ne devrait plus être test positif, négatif ou litigieux, mais de proba­bilité faible, intermédiaire ou forte de lésions coronaires.
En ce qui concerne le positionnement du test d’effort par rapport aux autres tests, le tableau 3 permet de mieux comprendre l’intérêt et la pertinence de l’utilisation des nouveaux critères et des scores d’interprétation pour valoriser cet examen. Enfin, c’est le seul test qui permet de donner les paramètres indispensables à la conduite d’une réadaptation cardiaque.

Imagerie : les recommandations de l’ESC

Elles donnent une plus large place aux tests d’imagerie.
La tomodensitométrie coronaire et les tests d’ischémie non invasifs (échographie cardiaque d’effort, scinti­graphie myocardique de stress) peuvent dorénavant être prescrits en première intention dans certains cas. La ­tomodensitométrie doit être effectuée dans un centre expérimenté chez des patients sans antécédents coronariens et dont la probabilité de maladie coronaire est faible (< 15 %). Les tests d’ischémie non invasifs sont préférés à la tomodensitométrie coronaire en cas de probabilité d’atteinte coronaire plus élevée et dans un centre expert.
La coronarographie diagnostique est recommandée en première ligne en cas de probabilité très élevée de ­maladie coronaire.
L’IRM cardiaque de stress peut être envisagée en cas de doute persistant.

À coupler à l’imagerie

Sa disponibilité, sa simplicité, son coût et son profil de sécurité expliquent le succès du test d’effort. Toutefois, une approche moderne doit coupler cet examen, qui ­apporte des éléments diagnostiques et pronostiques ­indiscutables, à une technique d’imagerie (échographie d’effort, scintigraphie ou coroscanner). Le but étant ­d’associer des données fonctionnelles et des données ­anatomiques. 
Références
1. French Society of Cardiology guidelines on exercise tests; Marcadet DM, Pavy B, Bosser G, et al. Arch Cardiovasc Dis 2018;111:782-90.
2. Knuuti J, Wijns W, Saraste A, et al. ; ESC scientific document group. 2019 ESC Guidelines for the diagnosis and management of chronic coronary syndromes. Eur Heart J 2020;41:407-77.
3. Fletcher GF, Balady GJ, Amsterdam EA, et al. Exercise standards for testing and training: a statement for healthcare professionals from the American Heart Association. Circulation 2001;104:1694-740.
4. Montalescot G, Sechtem U, Achenbach S, et al. 2013 ESC guidelines on the management of stable coronary artery disease: the Task Force on the management of stable coronary artery disease of the European Society of Cardiology. Eur Heart J 2013;34:2949-3003.
5. Iliou MC, Pavy B, Martinez J, et al. Exercise training is safe after coronary stenting: a prospective multicentre study. Eur J Prev Cardiol 2015;22:27-34.
6. Guazzi M, Arena R, Halle M, Piepoli MF, Myers J, Lavie CJ. 2016 Focused update: clinical recommendations for cardiopulmonary exercise testing data assessment in specific patient populations. Circulation 2016;133:e694-711.

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