Ces bénéfices pour la santé dépendent notamment de l’intensité, de la durée et du type de ces activités. Une activité sportive intensive dans ces périodes de la vie peut engendrer à l’inverse des effets délétères concernant la croissance, le métabolisme et le développement pubertaire.

Physiologie du développement durant l’enfance et l’adolescence

La pratique du sport chez les enfants ou les adolescents est de façon générale conseillée pour leur santé et leur épanouissement physique et psychologique.1, 2 L’adolescence représente une période de transition critique dans la vie et se caractérise par un rythme important de croissance et de changements physiques et psychiques. Les bénéfices de l’activité physique sont nombreux sur le plan clinique (développement musculaire, capacités motrices, réduction de la masse grasse, impact cardiovasculaire et osseux) mais aussi sur les plans psychologiques et sociaux (bien-être, canalisation d’énergie, évacuation du stress, esprit d’équipe, valorisation du dépassement de soi, prévention des addictions). Il faut distinguer le sport de masse de loisirs ou amateur du sport de haut niveau, dont les objectifs ne sont pas les mêmes. Ces bénéfices pour la santé dépendent notamment de l’intensité, de la durée et du type de ces activités. Une activité sportive intensive dans ces périodes de la vie peut engendrer, à l’inverse, des effets délétères concernant la croissance, le métabolisme et le développement pubertaire.

Croissance et puberté

La croissance staturale durant la petite enfance est ­relativement régulière, d’environ 5 à 6 cm par an, alors que lors de la puberté elle est d’environ 20 à 30 cm. Cette croissance est sous la dépendance de facteurs ­hormonaux de l’axe somatotrope : growth hormone-­releasing hormone (GH-RH) hypothalamique, hormone de croissance (GH) hypophysaire, insulin-like growth factor-1 (IGF-1) produite par le foie sous la dépendance de l’hormone de croissance (v.figure). L’hormone de croissance est également stimulée par une hormone stomacale, la ghréline. La somatostatine hypothalamique (SRIH) a, en revanche, une action inhibitrice sur l’hormone de croissance. Cet axe est également sous la dépendance d’une alimentation adéquate (calories, protides, insuline, éléments minéraux, dont le calcium). Lors de la puberté, le pic de croissance est dû aux effets conjugués des stéroïdes sexuels (testostérone, estradiol) et de l’augmentation de l’IGF-1 elle-même due à l’augmentation de la concentration plasmatique de l’hormone de croissance sous la stimulation des stéroïdes sexuels. Ainsi, lors de la puberté, l’impact de ces derniers associés à l’IGF-1 sur le cartilage des os longs permet cette augmentation de la vélocité de croissance par la prolifération et la différentiation des cellules chondro­cytaires jusqu’à leur minéralisation, qui induit l’arrêt de croissance. De plus, l’effet conjugué de ces hormones permet d’obtenir le statut maximum de densité osseuse des différents os de l’organisme.3

Impact en fonction du type d’activité sportive4

Il est fréquent, en pédiatrie, que des sportifs, le plus souvent adolescent(e)s, consultent pour un retard de croissance staturo-pondéral associé ou non à un retard pubertaire. Si un bilan, comme pour tout enfant, s’impose, ces retards sont souvent en relation avec certains sports où la charge d’entraînement et le niveau de ­compétition sont élevés, associés à un manque d’adaptation des apports caloriques et protidiques à la dépense énergétique. Il faut, dans ces situations, s’informer sur le type d’exercice physique (activité d’endurance, de résistance, sport collectif ou individuel, sport loisir ou sport de haut niveau), sur le nombre d’heures par semaine, sur l’intensité de l’entraînement, le niveau de compétition, la qualité de l’alimentation, la qualité de l’encadrement, la situation psychologique ou de stress que peut subir l’adolescent. Enfin, l’analyse des antécédents familiaux concernant les tailles et les retards simples de puberté doit faire partie du bilan.
Certains sports sont décrits comme plus à risque, tels les sports dits à silhouette ou d’apparence pour ­lesquels la performance est favorisée par la petite taille ou le faible poids, comme surtout la gymnastique (rythmique ou artistique), la danse, le patinage artistique, et à un moindre degré la natation. D’autres sports sont également concernés, tels le tennis, les sports ­d’endurance comme les courses de fond et les sports à catégories de poids.

Quels sont les effets néfastes d’une activité sportive trop intensive ou mal encadrée ?4-9

Sur la croissance

Un ralentissement de la vitesse de croissance peut être constaté dès 15 heures d’entraînement hebdomadaire et encore plus au-dessus de 20 à 25 heures. Le mécanisme en serait une inhibition de l’axe hypothalamo-hypophyso-­somatotrope avec une réduction de la sécrétion de l’hormone de croissance et d’IGF-1 en liaison avec l’intensité de l’exercice et les apports nutritionnels insuffisants. Un certain déterminisme génétique peut être également impliqué ; en effet, les caractéristiques de morphotype prédisposant à un type de sport sont sélectionnées par les adolescents eux-mêmes et par les entraîneurs. Le ­pronostic de taille finale est le plus souvent non altéré, bien qu’il soit discuté pour certains sports, comme la gymnastique artistique.

Sur la puberté et le cycle menstruel

Les troubles du développement pubertaire ont été rapportés par de nombreux auteurs, comme un retard à l’initiation de la puberté. Des antécédents familiaux de puberté tardive ne peuvent qu’aggraver ce retard chez les sportifs dans certaines situations (activité intensive) et notamment dans certains sports nécessitant une ­composition corporelle « contrôlée ». La ménarche est en effet souvent retardée notamment chez les danseuses ou les gymnastes, même s’il faut prendre en compte les facteurs génétiques et environnementaux, comme la nutrition. Les oligo-aménorrhées chez les adolescentes sportives sont fréquentes.
Une activité physique très intense (entraînements de l’ordre de 20 h/semaine) en association avec des ­apports nutritionnels inadéquats retentit sur les fonctions endocrines et concerne en plus de l’axe somatotrope (déficit en GH, IGF-1) l’axe hypothalamo-hypophysaire-­gonadique (déficit en hormone lutéinisante [LH] ; hormone folliculostimulante [FSH], estradiol), ainsi que les sécrétions hormonales du tissu adipeux (perturbation du couple leptine-ghréline). Enfin, sont parfois notées une suractivité corticotrope et une protéine C-réactive (CRP) élevée, témoins du sport intense, du stress et de l’inflammation.4, 5, 7, 9, 10
Tout cela retentit sur l’acquisition de la masse osseuse et de sa minéralisation, qui est physiologiquement maximale pendant et juste après la puberté grâce aux stimulations conjointes de l’hormone de croissance, de l’IGF-1 et des stéroïdes sexuels, comme évoqués ­précédemment. Ces anomalies majorent les risques de fractures de fatigue et d’ostéoporose d’autant qu’un déficit en calcium et vitamine D est parfois noté.
Au cours des exercices d'entraînement et des compétitions, la mise en tension maximale de la sangle abdominale entraîne une hyperpression intra-abdominale supérieure à la résistance du sphincter urétral provoquant de façon fréquente des fuites urinaires, notamment chez des gymnastes féminines, qui souvent à leur jeune âge n’osent pas en parler ; ce qui nécessite une réédu­cation pelvienne pendant et au-delà de leur carrière sportive. Enfin, dans certains sports bien ciblés (cavalières jockeys, cyclistes), les contacts répétés ou prolongés sur la selle peuvent occasionner une altération des fibres musculaires et du conjonctif des constituants du périnée à l’origine de dystocies obstétricales.4
Le syndrome anorexie-aménorrhée-ostéoporose, dit « triade de la sportive », est connu depuis longtemps, avec ses conséquences immédiates et ultérieures et a fait l’objet d’un nombre considérable de publications et de controverses. Une augmentation de la prévalence des troubles de l'alimentation a été relevée chez les athlètes lycéennes qui étaient sous pilule contraceptive. Les cliniciens ne repéraient pas la triade compte tenu du fait que ces adolescentes étaient « réglées ». La prévalence de la triade est cependant modérée, mais des enquêtes montrent que les troubles menstruels et les aménorrhées isolées peuvent intéresser jusqu’à 30 à 50 % des jeunes filles athlètes, les troubles alimentaires 35 % et les fractures 30 %.4

Sur le statut musculo-ostéoarticulaire

Les blessures musculo-ligamento-squelettiques varient en fonction du sport pratiqué.4, 8 L’interrelation entre les désordres d’apport énergétique, les irrégularités du cycle menstruel, la diminution de la densité minérale osseuse et les atteintes musculo-squelettiques est bien connue. Les sports de haut niveau sont fréquemment caractérisés par des blessures musculo-ligamentaires (entorse, tendinite...), des traumatismes aigus (poignet, malléole, clavicule...) mais aussi des incidents modérés et répétés par l’utilisation fréquente d’une articulation en parti­culier. Une fragilité osseuse peut se traduire par des ­fractures de fatigue ou des ostéochondroses.

Quelles sont les causes de ces effets délétères ?

De nombreuses causes peuvent être incriminées :4
– certains sports, plus à risques que d’autres (notamment gymnastique, danse), nécessitent une plus grande vigilance de la part des parents et des encadrants, notamment lorsque la pratique de certaines disciplines s’effectue dès un très jeune âge ;
– l'intensité de la pratique sportive (heures d'entraînement et de compétition supérieure à 20-25 h/semaine) ;
– le manque d’adaptation des apports caloriques et ­protidiques à la dépense énergétique ;
– le manque d'encadrement et de suivi médical et psychologique de ces jeunes sportifs, surtout de haut niveau ;
– le stress de l’environnement : enjeux des compétitions, étapes de sélection pour le haut niveau, parfois sur-­stimulation des entraîneurs ou de la famille ;
– l’insuffisance des apports nutritionnels, les anomalies de l’axe gonadotrope, de l’axe somatotrope et de la diminution de la minéralisation osseuse lors de la pratique de certains sports (notamment gymnastique, danse...), qui peuvent induire des blessures musculo-tendino-osseuses ;
– le stress, notamment pour le sport de haut niveau, les blessures, la fatigue, la diminution des performances qui peuvent être le lit de prises de produits dopants.
Ainsi, un encadrement et un suivi médical des jeunes sportifs est absolument nécessaire, surtout s’il s’agit de sport de haut niveau. Mais le soutien et l’encadrement de la famille semblent également essentiels pour ces ­périodes d’enfance et d’adolescence où parfois la solitude, l’éloignement de la famille dès le jeune âge dans des structures sportives peuvent engendrer des épisodes dépressifs.

Le dopage existe-t-il à ces âges ?

De nombreuses études ont analysé depuis les années 1970 la prévalence de la consommation de produits dopants chez les adultes et les enfants/adolescents. En 2014, une méta-analyse sur 187 études avait montré une prévalence concernant les prises de stéroïdes anabolisants de 6,4 % chez les hommes et de 1,6 % chez les femmes.11
En France, différentes études entre 1999 et 2007 avaient établi la prévalence du dopage (tous produits confondus), à l’occasion de la pratique du sport, chez les enfants et adolescents (garçons et filles entre 12-20 ans) entre 2,4 et 5 % de la population générale du même âge.12, 13
La prévalence était supérieure chez les garçons, les sportifs compétiteurs et augmentait avec l’âge, le nombre d’heures d’activité sportive par semaine, le niveau de compétition mais aussi en fonction d’une activité en équipe (consommation plus forte qu’en individuel).12, 13
Les substances les plus citées dans un but d’augmenter la performance étaient variables d’un sport à un autre et comprenaient caféine en comprimé, bêta-2-mimétiques, cannabis, corticoïdes et moins souvent amphétamines, créatine, stéroïdes anabolisants, hormone de croissance, érythropoïétine (EPO) ou déhydroépiandrostérone (DHEA). Il est à noter par ailleurs la consommation importante de vitamines, de magnésium, de fer, de compléments alimentaires, d’antalgiques, de tranquillisants et de somnifères. La consommation d’alcool, de tabac, de cannabis est moins forte dans la population des sportifs modérés par rapport aux témoins non sportifs ou aux sportifs intensifs.14
Les raisons invoquées pour se doper sont variables : amélioration de la performance, réalisation d’un succès sportif, récupération des blessures, prévention d’un ­déficit nutritionnel, élimination de la fatigue, lutte contre l’anxiété, contre les douleurs pendant l’entraînement ou la compétition, pression importante du sport élite, voire gain financier, et le fait que les autres doivent utiliser aussi des substances pour augmenter la performance.15
Les sources d’apport sont variables, sans même avoir l’impression de favoriser le dopage : parents, médecins traitants pour des corticoïdes à visée anti-inflammatoire pour blessures, analgésiques, stimulants, etc. D’autres cherchent à augmenter la performance : amis, environnement des sportifs, dealers et bien sûr internet.16
S’il s’agit d’un sportif pratiquant une compétition, une attention particulière de la part des médecins doit concerner les thérapeutiques prescrites lors de pathologies aiguës banales pour éviter d’administrer des substances interdites par l’Agence mondiale antidopage*. Cependant, certains jeunes sportifs peuvent être atteints de pathologies chroniques variées : asthme, déficit statural, insuffisance surrénalienne ou gonadotrope, nécessitant respectivement bêta-2-mimétiques, hormone de croissance, stéroïdes corticoïdes ou androgéniques. Il est alors nécessaire, s’il s’agit d’un sportif compétiteur, de présenter auprès de l’Agence française de lutte anti­dopage** un dossier médical pour une autorisation d’utilisation temporaire de ces médicaments appartenant à la liste des produits dopants.

Encadrement optimal et suivi régulier

L’activité physique, l’activité sportive, voire le sport de compétition sont bénéfiques d’une façon générale pour toute la population d’enfants et d’adolescents tant au niveau somatique que psychologique et intellectuel. Mais dans certaines situations d’activité intensive, notamment dans certaines catégories de sport ou en fonction de leur niveau, des effets délétères peuvent apparaître concernant des anomalies de la croissance, du développement pubertaire et des cycles menstruels, du métabolisme et des conduites alimentaires ainsi que des blessures fréquentes musculo-tendino-squelettiques. Des conditions optimales d’encadrement, de suivi régulier médical et nutritionnel et d’environnements affectif et psychologique doivent permettre à ces adolescents sportifs de haut niveau de réaliser au mieux leur épanouissement physique, psychologique, social et la carrière sportive de haut niveau qu’ils ou elles souhaitent. 
Références
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2. Commission de l’éthique de la science et de la technologie du Québec. Le sport : entre éthique, science et technologie. La fin justifie-t-elle les moyens ? In Gouvernement du Québec, document de synthèse, septembre 2010:1-29.
3. Theintz G, Buchs B, Rizzoli R, et al. Longitudinal monitoring of bone mass accumulation in healthy adolescents: evidence for a marked reduction after 16 years of age at the levels of lumbar spine and femoral neck in female subjects. J Clin Endocrinol Metab 1992;75:1060-5.
4. Le Bouc Y, Duhamel JF, Crépin G. Conséquences de la pratique sportive de haut niveau chez les adolescentes : l’exemple des sports d’apparence. Bull Acad Natle Med 2018;202:1783-99.
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9. Duclos M, Le Bouc Y. Practice of intensive sport in children and adolescent: the impact on growth, energy metabolism and puberty. Corresp Metab Hormon : Diab Nutr 2016;2:1-5.
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14. Choquet M, Ledoux S, Hassler C. Alcool, tabac, cannabis et autres drogues illicites parmi les élèves de collège et de lycée. In : Observatoire français des drogues et des toxicomanies. ESPAD 99 France, European School Survey Project on Alcohol and other Drugs. Rapport OFDT, février 2002;tome I:1-147.
15. Morente-Sánchez J, Zabala M. Doping in sport: a review of elite athletes’attitudes, beliefs, and knowledge. Sports Med 2013;43:395-411.
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