Le trouble de stress post-traumatique est un trouble psychiatrique sévère apparaissant dans les suites d’un événement potentiellement traumatique classiquement défini comme une confrontation inopinée avec le réel de la mort.1
Ce trouble est un problème de santé publique touchant en moyenne des patients jeunes (de 24 à 50 ans),2 des femmes en nombre plus important.3 Le manque de connaissances sur la spécificité du trouble fait qu’il est souvent sous- diagnostiqué. Selon l’Institut de veille sanitaire (InVS, 2014), en population générale, la prévalence vie entière du stress post-traumatique a été estimée de 1 à 3 % en Europe en 2004. D’une manière plus large, ce chiffre varie selon les études, avec une prévalence vie entière estimée à 6,8 % aux États-Unis,4 2,4 % en Italie et 3,9 % en France.5 Cette prévalence est plus élevée dans les populations exposées à des événements à fort potentiel traumatique (blessures physiques, combats, catastrophes naturelles, agressions sexuelles…) avec dans tous les cas une forte comorbidité et des complications fréquentes et coûteuses en termes humains et financiers.

Une lente reconnaissance

Le psychotraumatisme est connu depuis l’Antiquité, et des récits légendaires y font souvent référence. Hippocrate lui-même (420 av. J.-C.) avait repéré des « rêves de guerre » chez les soldats.1 Plus tard, ce trouble est évoqué dans de nombreux écrits, tels que Roméo et Juliette de Shakespeare. Les médecins militaires napoléoniens, comme Desgenettes, se focalisent, eux, sur « le syndrome du vent du boulet » qui atteint les soldats revenus du front.1 En 1888, le terme de « névrose traumatique » est introduit par le neurologue Oppenheim pour décrire la symptomatologie spécifique post-traumatique présentée par des victimes d’un accident lors de la construction d’un chemin de fer. La psychiatrie militaire renomme ce syndrome lors des deux guerres mondiales du xxe siècle comme étant le « choc des tranchées », la « traumatophobie » ou la « névrose de guerre ».6 Durant cette période, de grands noms tels que Janet, Freud, Ferenczi débattent déjà passionnément à propos du trouble et de sa prise en charge.
Dans les années 1970, la guerre du Vietnam est l’occasion pour les États-Unis de revisiter ce syndrome, devant les séquelles psychologiques graves de leurs soldats (700 000 cas de psychotraumatisés pour 3 millions de soldats).1 En parallèle, à partir de 1974, et s’extrayant de la psychiatrie militaire, les premières études à propos des séquelles psychotraumatiques dans les suites d’une agression sexuelle commencent à paraître. D’autres chercheurs, soutenus par les associations de protection de l’enfance, entreprendront des recherches sur les conséquences des violences familiales sur les enfants maltraités.6
Le trouble de stress post-traumatique sera enfin reconnu comme pathologie définie via son inscription dans la troisième version du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM-III) en 1980 puis, en 1992, dans la dixième édition de la Classification internationale des maladies (CIM-10) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Il devient alors un trouble anxieux à part entière et non plus un syndrome appartenant à d’autres pathologies. Puis le DSM-IV étendra les critères diagnostiques pour élargir la population cible aux témoins de l’événement, considérant ainsi le phénomène d’identification à la victime directe. Enfin, le DSM-5 l’isole des autres troubles anxieux et il apparaît dans un chapitre particulier, celui des « Troubles liés à des traumatismes ou à des facteurs de stress ». Les notions de traumatisme par phénomène d’annonce et celle dite de traumatisme « vicariant » sont également introduites, et l’exposition répétée ou extrême à des détails horrifiants fait désormais partie des critères pouvant induire un trouble de stress post-traumatique.7

Critères diagnostiques et symptômes

Symptômes spécifiques

D’une manière générale, le trouble de stress post-traumatique est une affection caractérisée dans le DSM-5 par l’apparition de symptômes psychiatriques après exposition à un événement potentiellement traumatique (fig. 1). Quatre dimensions essentielles caractérisent ce trouble : l’intrusion, l’évitement, l’hypervigilance (changement dans l’excitabilité et la réactivité) et les perturbations de l’humeur et de la cognition.7
Plus précisément, la présence d’un événement potentiellement traumatique est indispensable pour poser le diagnostic (critère A). Celui-ci est défini par le fait d’avoir été confronté (par menace ou en réalité) à la mort, à une blessure grave, à un risque pour l’intégrité physique ou à une violence sexuelle. Le sujet peut avoir vécu l’événement de manière directe ou indirecte (en tant que témoin). L’annonce qu’un proche ait vécu un tel événement – violent ou accidentel – et l’exposition répétée ou/et extrême à des détails morbides/horrifiants (ramassage de corps humains, écoute de détails sur des violences sur enfants…) font désormais partie des critères. Le spectre traumatique est ainsi élargi : un sujet peut être traumatisé du fait de sa proximité émotionnelle avec une victime directe ou parce qu’il a été confronté de manière répétée à des récits sordides en raison de ses activités professionnelles, sans être forcément présent lors de l’événement. Cela ne s’applique pas à l’exposition par l’intermédiaire de médias (électroniques, télévision, photos…) sauf en cas de lien avec le travail.
Le maître symptôme reste le syndrome intrusif (critère B) composé de souvenirs répétitifs, involontaires et envahissants de la scène traumatique se manifestant sous la forme de reviviscences/flashbacks diurnes, rêves récurrents avec sentiment de détresse. Les réactions dissociatives, où le sujet sent/agit comme lors de l’événement, se retrouvent également fréquemment (v. infra). Le sentiment de détresse psychique est majeur lors de l’exposition à des stimulus de rappel (même éloignés), ainsi que les manifestations physiologiques réactionnelles (tachycardie, sueurs…).
Le critère C concerne les sujets ayant des comportements majeurs d’évitement des stimulus associés à l’événement (pensées, souvenirs, sentiments, situations…). Le critère D est défini par l’altération cognitive et thymique pouvant associer amnésie (d’origine dissociative), perte des affects et des envies, image négative de soi et du monde, sentiment de marginalisation, etc. L’hyperéveil/hyperréactivité est très souvent présent, avec une hyper­vigilance, une irritabilité/colère, des comportements téméraires voire destructeurs, des troubles de concentration et du sommeil (critère E).
Les troubles du sommeil, quasi systématiquement associés, sont un problème majeur du fait de leur fréquence et leur sévérité. Leur présence est à la fois la conséquence et un élément pronostique de la maladie.
Enfin, pour définir le trouble, ces symptômes doivent persister pendant plus d’un mois, entraîner un retentissement significatif social ou professionnel et ne pas être liés aux effets d’une substance ou d’une affection médicale
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État de stress aigu et trouble de stress post-traumatique : une question de temporalité

Dans la catégorisation du DSM, le type de pathologie varie avec le délai de survenue de l’événement traumatique. L’état de stress aigu est défini comme un ensemble de troubles présents de J3 à J30 et le trouble de stress post- traumatique comme un ensemble de troubles survenant après J30 (défini comme aigu à partir de J30 et chronique après 3 mois d’évolution). La forme retardée est caractérisée par l’apparition des symptômes 6 mois après l’événement.
Cette nosographie passe sous silence les premiers moments de la réaction à l’événement, pourtant essentiels, bien décrits, notamment par les praticiens des cellules d’urgence médico-psychologique comme troubles immédiats (stress adapté, stress dépassé et réactions pathologiques) et post-immédiats (ruminations anxieuses…).8

Facteurs de risque de trouble de stress post-traumatique

Le psychotraumatisme est toujours la rencontre entre un sujet, un événement à impact traumatique et un environnement. Ce ressenti subjectif est par définition seul générateur du trouble.
Pourtant, de nombreuses études définissent des facteurs de risque (fig. 2) qu’il est essentiel de bien connaître : ainsi, un vécu dissociatif, une détresse péritraumatique importante, de fortes manifestations d’hyperadrénergie (tachycardie, hypertension artérielle, sueurs…), l’apparition rapide d’un état de stress aigu sont des facteurs de risque significatifs.9 Certains facteurs de risque préexistent à l'événement, citons :
– un âge jeune, le sexe féminin, des difficultés intellectuelles, éducationnelles, un statut socio-économique bas, un étayage pauvre, un isolement social important ;
– l’état psychiatrique prémorbide, les comorbidités somatiques, psychiatriques et alcooliques ;2
– un abus sexuel dans l’enfance ou le fait d’avoir été témoin de violence conjugale ;
– certains traits de personnalité surtout de type antisocial et narcissique, des capacités de coping limitées ;
– les antécédents familiaux, en particulier anxieux, dépressifs, alcooliques.
Le type de l’événement traumatique module aussi le risque de développement d’un trouble de stress post-traumatique. Ainsi, les événements avec une notion de malveillance interpersonnelle (human design)2 ont un potentiel traumatogène supérieur aux autres situations. également, ceux avec un traumatisme crânien, un danger de mort perçu, les violences sexuelles sont à haut potentiel traumatique.
En post-événementiel, les facteurs de risque concernent principalement la non-précocité de la prise en charge (avec, par exemple, l’alliance avec le soignant, qui est un facteur favorable), les conséquences (séquelles, litige…) et la mauvaise qualité du support social.

Dissociation : à la fois marqueur, symptôme et facteur de risque

La dissociation est un phénomène complexe, décrit par Janet en 188910 puis repris dans le DSM-5 comme une réaction du sujet à un facteur de stress. Il est aujourd’hui avéré que la dissociation péritraumatique est fortement associée à un risque de trouble de stress post-traumatique ultérieur. Dans une étude prospective sur des patients ayant subi une agression physique, 33 % des patients ayant un trouble de stress post-traumatique à 3 mois avaient des scores plus élevés de dissociation péritraumatique et de détresse péritraumatique.11

La dissociation est un état du sujet dans lequel les processus/contenus mentaux ne sont pas associés ou intégrés dans la conscience, la mémoire, l’identité du sujet. Il s’agit d’un dysfonctionnement où le sujet n’est plus conscient de son expérience vécue, ne ressent plus son identité. Les traumatismes psychiques en sont une cause majeure, la terreur ou la douleur intense produisant une désorganisation des fonctions habituellement intégrées. En effet, la souffrance et la détresse induites par le traumatisme dépassent les capacités de résistance du sujet, pouvant définir la dissociation comme un mécanisme de défense à ce débordement. Elle peut donc être présente dans le trouble de stress post-traumatique et aussi dans certains traumatismes complexes (syndrome de dépersonnalisation-déréalisation, amnésie dissociative, fugue dissociative, trouble dissociatif de l’identité). Le vécu de dépersonnalisation-déréalisation est fréquent, se traduisant par une « déconnexion » par rapport à soi ou à l’environnement : le sujet devient observateur de la scène, le monde ne paraît pas réel, il est ressenti comme « étrange ».12
Ce phénomène est très différent de la « dissociation » décrite dans la schizophrénie. D’ailleurs, le terme de « désorganisation schizophrénique » et non de dissociation est aujourd’hui employé, permettant de séparer ces deux concepts.12

Complications, comorbidités

De nombreux troubles dit comorbides sont fréquemment associés au trouble de stress post-traumatique : troubles anxieux (phobies, trouble anxieux généralisé…), troubles thymiques (dépression dans 30 à 60 % des cas), abus de substance (addiction à l’alcool dans 24 %), troubles somatoformes (plaintes algiques multiples, crises non épileptiques psychogènes…),13 ainsi que l’association fréquente avec des pathologies cardiovasculaires (hypertension artérielle…), endocriniennes (diabète…), respiratoires, neurologiques, digestives, les troubles douloureux chroniques, etc.14 Le risque suicidaire est important, avec 40 % d’idées suicidaires et 2 à 3 fois plus de tentatives de suicide parmi les patients souffrant de trouble de stress post-traumatique que dans la population générale.2, 13

SÉVÈRE ET INVALIDANT

Le psychotraumatisme est une pathologie mentale pouvant être sévère et invalidante, survenant sur une population exempte a priori de troubles psychiatriques sévères. Le délai de rémission est en règle générale de plusieurs mois voire plusieurs années et environ 8 % des patients souffrant du trouble de stress post-traumatique n’entrent jamais en rémission ;15 d’où l’intérêt des prises en charge précoces et adaptées. Bien que dernièrement plus clarifié dans sa définition, le trouble de stress post-traumatique reste sous-diagnostiqué en pratique médicale courante. L’enjeu est important, d’autant que certaines prises en charge spécialisées peuvent elles-mêmes être pourvoyeuses de psycho­traumatismes graves (réanimation…). Une plus grande connaissance du trouble, par une sensibilisation des praticiens au diagnostic clinique parfois agrémenté par l’utilisation de certaines échelles scientifiquement validées, devrait permettre une amélioration des prises en charge en pratique courante et une meilleure orientation vers les soins spécialisés.
Références
1. Crocq PL. Histoire du trauma. J Psychol 2003;207:12-7.

2. Katzman MA, Bleau P, Blier P, Chokka P, Kjernisted K, Van Ameringen M. Canadian clinical practice guidelines for the management of anxiety, posttraumatic stress and obsessive-compulsive disorders. BMC Psychiatry 2014;14:S1.

3. Lancaster CL, Teeters JB, Gros DF, Back SE. Posttraumatic stress disorder: overview of evidence-based assessment and treatment. J Clin Med 2016;5. pii: E105.

4. Kessler RC, Berglund P, Demler O, Jin R, Merikangas KR, Walters EE. Lifetime prevalence and age-of-onset distributions of DSM-IV disorders in the National Comorbidity Survey Replication. Arch Gen Psychiatry 2005;62:593-602.

5. Husky MM, Lépine JP, Gasquet I, Kovess-Masfety V. Exposure to traumatic events and posttraumatic stress disorder in France: results from the WMH survey. J Trauma Stress 2015;28:275-82.

6. Kolk BA van der, McFarlane AC, Weisaeth L. Traumatic stress: the effects of overwhelming experience on mind, body, and society. New York: Guilford Press, 2012.

7. American Psychiatric Association. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders: DSM-5. Fifth edition. Washington DC, 2014.

8. Prieto N, Vignat JP, Weber E. Les troubles traumatiques précoces. Rev Francoph Stress Trauma 2002;2:39-44.

9. Ozer EJ, Best SR, Lipsey TL, Weiss DS. Predictors of posttraumatic stress disorder and symptoms in adults: a meta-analysis. Psychol Bull 2003;129:52-73.

10. Janet P. L’automatisme psychologique. Essai de psychologie expérimentale sur les formes inférieures de l’activité humaine. Paris : Félix Alcan, 1889 (réédition Paris : L’Harmattan, 2005).

11. Birmes P, Brunet A, Carreras D, et al. The predictive power of peritraumatic dissociation and acute stress symptoms for posttraumatic stress symptoms: a three-month prospective study. Am J Psychiatry 2003;160:1337-9.

12. Bernard, P. La dissociation. In: La thérapie des schémas. Principes et outils pratiques. Issy-les-Moulineaux : Elsevier Masson, Pratiques en psychothérapies, 2015:105-20.

13. Lee DJ, Liverant GI, Lowmaster SE, Gradus JL, Sloan DM. PTSD and reasons for living: associations with depressive symptoms and alcohol use. Psychiatry Res 2014;219:550-5.

14. Gupta MA. Review of somatic symptoms in post-traumatic stress disorder. Int Rev Psychiatry 2013;25:86-99.

15. Chapman C, Mills K, Slade T, et al. Remission from post-traumatic stress disorder in the general population. Psychol Med 2012;42:1695-703.

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Résumé

Le trouble de stress post-traumatique est un réel problème de santé publique en raison de sa fréquence, de sa chronicité et du handicap généré au quotidien. Connu depuis l’Antiquité, exploré par les psychiatres militaires et les premiers psychanalystes, il est aujourd’hui plus que jamais d’actualité du fait des événements de grande ampleur (terrorismes, catastrophes météorologiques…) survenus en France, et hors territoire, ces derniers temps. Ce trouble est caractérisé par quatre dimensions principales qui sont l’intrusion, l’évitement, l’hypervigilance, les perturbations cognitives et de l’humeur. Le sommeil est très souvent altéré et la comorbidité fréquente. Le risque suicidaire est également élevé. Le trouble de stress post-traumatique touche une population « tout-venant » même si ont été identifiés un certain nombre de facteurs de risque, comme le sexe, le niveau socio-économique, les antécédents psychiatriques ou traumatiques, etc., avec une place particulière de la dissociation péritraumatique. Les événements à caractère exceptionnel ne doivent pas faire oublier que le quotidien reste aussi un grand pourvoyeur de cette pathologie et que les médecins généralistes sont souvent les premiers consultés. Malgré une apparente « vulgarisation » des symptômes par une plus grande médiatisation, ce trouble spécifique reste encore mal connu dans sa définition et mal appréhendé en pratique médicale courante.