Zoonose responsable de 59 000 décès chaque année dans les pays où la rage du chien n’est pas contrôlée et où la prophylaxie post-exposition n’est pas accessible aux plus vulnérables.
En France : devenue une maladie du voyageur exposé en zone d’enzootie rabique surtout en Asie et Afrique.
Due à un virus du genre Lyssavirus (16 espèces identifiées et 2 en cours de classification) ; Rabies lyssavirus (RABV) en cause dans la quasi-totalité des décès humains (retrouvé surtout chez les chiens, et les chauves-souris sur le continent américain).

Situation épidémiologique

Au niveau mondial :
– le chien est à la fois réservoir et principal vecteur pour l’homme, responsable de 99 % des décès ; mais de nombreux carnivores sauvages terrestres peuvent jouer ces rôles ;
– chauves-souris : hôtes importants (aboutissant à la rage des chiroptères).
En France :
– pas de rage des mammifères terrestres depuis 2001 selon l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) ; risque de réintroduction par des animaux importés illégalement de zones d’enzootie canine : négligeable mais surveillé étroitement par les services vétérinaires ;
– sur les 14 cas de rage humaine recensés depuis 1980, 13 sont des infections acquises lors de voyages.
En Europe de l’Ouest : 5 espèces de Lyssavirus identifiées chez des chauves-souris, mais rarement responsables d’exposition humaine.
En Guyane et sur le continent américain :
– nombreuses espèces de chauves-souris, dont certaines hématophages (ou vampires), réservoirs et vecteurs du virus RABV (rage desmodine transmise par des chiroptères du genre Desmodus) ;
– peuvent exceptionnellement infecter l’homme à l’occasion de repas sanguin (décès en 2008 d’un homme de 42 ans à Cayenne).

Physiopathologie

Transmission essentiellement par contact direct avec la salive d’un animal infecté par morsure, griffure, léchage d’une peau excoriée ou projection sur une muqueuse.
Incubation silencieuse :
– correspond à la phase de migration du virus depuis le site d’inoculation jusqu’au système nerveux central ;
– dure en moyenne de 1 à 3 mois, < 1 an dans 99 % des cas ;
– d’autant plus courte que l’inoculum est important et que la morsure est profonde, multiple, située aux extrémités (très innervées) de la face ou au niveau cranio-cérébral.
Phase prodromique : inconstante (30 à 70 % des cas) : syndrome pseudo-grippal, troubles digestifs et prurit et/ou douleurs neuropathiques au site de la morsure, qui s’étendent ensuite à tout le membre concerné.
Évolution :
– phase neurologique aiguë spastique dans 2/3 des cas (forme encéphalitique ou furieuse) ou paralytique dans 1/3 ;
– aggravation des troubles de la conscience et coma avec disparition des spasmes phobiques ;
– décès quasi-constant, le plus souvent dû à une défaillance cardiocirculatoire (troubles du rythme, de la conduction, sidération myocardique...) ; la survie n’est pas améliorée par les soins de support agressifs en réanimation.

Diagnostic

Biologique :
– ressort exclusif du Centre national de référence de la rage (CNRR) pour le diagnostic humain et des animaux responsables d’une exposition humaine ;
– au moins 1 des critères suivants : présence d’antigènes viraux (immunofluorescence directe) ; isolement viral (culture cellulaire) ; détection d’acides nucléiques par RT-PCR ou d’anticorps spécifiques dans le LCR ou dans le sérum (si sujet non vacciné).
Maladie à déclaration obligatoire (chez l’homme et l’animal).
Chez l’homme :
– évoqué devant un tableau d’encéphalite, notamment si voyage, morsure, griffure ou contexte clinique évocateur ;
– biopsie cutanée dans une région richement innervée (base de la nuque dans une zone avec follicules pileux) ;
– prélèvements de salive, collectés par écouvillonnage ou recueil direct, à répéter au minimum à 3 reprises à intervalle de 3 à 6 heures (excrétion virale intermittente) ; ou de LCR et de sérum (mais sensibilité plus faible) ;
– recherche d’ARN viraux par RT-PCR sur biopsie cutanée et/ou salive.
Chez l’animal : mise en évidence d’antigènes viraux complétée par l’isolement viral à partir de tissus cérébraux (biopsies de cortex cérébral, d’hippocampe ou de bulbe rachidien).

Prophylaxie post-exposition

Aucun traitement curatif disponible.
Prophylaxie post-exposition : efficace à 100 % ; dépend du type d’exposition (espèce animale, catégorie [tableau 1]) et du pays.
En France (hors Guyane), seules 3 situations imposent une consultation dans un centre antirabique :
– contact avec une chauve-souris ;
– avec un animal importé illégalement d’une zone d’endémie ;
– exposition en zone d’enzootie rabique (voyage essentiellement) et en Guyane.
Prise en charge :
– lavage abondant immédiat des plaies à l’eau savonneuse pendant 15 minutes afin de réduire l’inoculum viral, désinfection avec un antiseptique et parage si nécessaire sans suture ;
– immunité antitétanique mise à jour ;
– antibioprophylaxie (amoxicilline-acide clavulanique) si plaie associée à un risque infectieux élevé ;
– prophylaxie post-exposition : vaccination pour les expositions de catégorie 2 ; associée à une sérothérapie pour les catégories 3 et toutes les expositions aux chauves-souris (tableau 1).
Vaccination :
– initiée uniquement dans les centres agréés, peut être poursuivie dans une antenne antirabique (au total 90 sur tout le territoire) ;
– avec un vaccin inactivé produit sur culture cellulaire ou tissus (vaccin rabique Pasteur et Rabipur) : bonne tolérance ; aucune contre-indication, y compris chez la femme enceinte, le nouveau-né, l’immunodéprimé...
– 3 protocoles recommandés par l’OMS en post-exposition (tableau 2).
Immunoglobulines antirabiques : polyclonales, spécifiques et purifiées ; d’origine humaine ou équine (moins coûteuses) ; administrées en une seule fois, localement dans toutes les plaies, au début de la prophylaxie post-exposition ou le plus tôt possible après sa mise en route (au maximum dans les 7 jours après la 1re dose de vaccin).
Mise en observation obligatoire de l’animal suspect (à J1, J8 et J15) par un vétérinaire sanitaire qui délivre un certificat ; si décès ou euthanasie pendant cette période, la tête ou l’encéphale est envoyé au CNRR.

Vaccination préventive

Recommandée chez le personnel de laboratoire manipulant des Lyssavirus ou du matériel contaminé ou en contact fréquent avec des animaux, les chiroptérologues et certaines catégories de voyageurs séjournant en zones d’enzootie, en particulier celles où l’accès à la prophylaxie post-exposition est difficile.
. Immunité entretenue par des rappels et suivie par des contrôles sérologiques (uniquement chez les chiroptérologues et personnels à risque d’exposition aux Lyssavirus).
En cas de possible contamination : vaccination post-exposition simplifiée (2 injections à J0 et J3), pas d’immunoglobulines pour les patients immunocompétents.
Pour en savoir plus
Parize P, et al. Rage. Rev Prat 2019;69:423-8.

Dans cet article

Ce contenu est exclusivement réservé aux abonnés