Accident vasculaire cérébral : une maladie hétérogène
Le terme « accident vasculaire cérébral » (AVC) regroupe les infarctus cérébraux (ou AVC ischémiques), les hémorragies cérébrales intraparenchymateuses et les hémorragies sous-arachnoïdiennes (ou méningées).
Infarctus cérébraux et AIT
Les infarctus cérébraux comptent pour environ 80 % de l’ensemble des AVC, avec des mécanismes étiologiques variés (
Hémorragies cérébrales et méningées
Les hémorragies cérébrales intraparenchymateuses représentent 10 à 20 % des AVC. Elles sont dans une majorité des cas dites spontanées, par opposition aux hémorragies malformatives dues à des anomalies vasculaires (malformations artérioveineuses, cavernomes cérébraux, fistules, etc.). Les hémorragies spontanées relèvent principalement de deux vasculopathies : la maladie des petits vaisseaux cérébraux, pourvoyeuse non seulement d’hémorragies cérébrales touchant préférentiellement les structures profondes (noyaux gris centraux) mais également cause d’infarctus lacunaires par atteinte des artérioles perforantes ; et l’angiopathie amyloïde cérébrale, responsable d’hémorragies lobaires, volontiers associée à la maladie d’Alzheimer. Les hémorragies post-traumatiques ou secondaires à une lésion (tumeur cérébrale, métastase, etc.) sont exclues du groupe des AVC.
Enfin, les hémorragies sous-arachnoïdiennes représentent environ 5 % des AVC et doivent faire rechercher en priorité un anévrisme cérébral rompu.
Incidence et taux d’hospitalisation des AVC en France
D’après les données du Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI), 110 438 patients ont été hospitalisés pour AVC en 2014 (50,7 % d’hommes), soit un taux annuel d’hospitalisation de 167 pour 100 000 habitants, dont 71 % d’AVC ischémiques, 25 % d’AVC hémorragiques (incluant 64 % d’hémorragies intracérébrales, 20 % d’hémorragies sous-arachnoïdiennes et 16 % d’autres hémorragies intracrâniennes non traumatiques), et 4 % d’AVC de type non précisé.1 Par ailleurs, 32 632 patients ont été hospitalisés pour un AIT (taux annuel : 49/100 000). Actuellement, la moitié des patients victimes d’un AVC sont pris en charge dans une unité de soins intensifs neurovasculaires (USINV), alors que l’objectif fixé par l’European Stroke Organisation est d’atteindre un chiffre supérieur à 90 % à l’horizon 2030.
La référence pour les études épidémiologiques repose sur les registres de population, dont la méthodologie fondée sur des sources multiples d’information permet de recueillir de manière exhaustive tous les cas d’AVC, quel que soit leur mode de prise en charge (hospitalisation ou prise en charge ambulatoire), de distinguer les premiers événements vie des récidives, et de fournir des données qualitatives précises (sévérité clinique, facteurs de risque, traitements, etc.). Actuellement, trois registres sont labellisés en France. Les taux d’attaque (premiers événements vie et récidives) standardisés des AVC chez les plus de 35 ans étaient de 294/100 000/an à Dijon, 337/100 000/an à Brest et 380/100 000/an à Lille pour la période 2008-2012, plus importants chez l’homme que chez la femme (ratio femme/homme : 0,65).2
Tendances évolutives et projections
Les taux d’incidence et d’attaque des AVC doublent à chaque décade après 50 ans, chez l’homme comme chez la femme (fig. 1). Du fait de l’augmentation du nombre de personnes âgées, le nombre absolu de patients victimes d’un AVC chaque année a augmenté de 58 % entre les périodes 1987-1994 et 2009-2015 au sein du Registre dijonnais des AVC, en dépit d’une incidence standardisée stable.3 L’augmentation était même de 65 % chez les sujets de plus de 75 ans. Ces mêmes tendances ont été observées à l’échelle internationale également. Les projections démographiques font état d’une augmentation à venir de 55 % du nombre annuel de cas d’AVC d’ici à 2030 à Dijon (+ 65 % chez les plus de 75 ans) [fig. 2],3 supérieure à l’augmentation attendue de 34 % en Europe d’ici à 2035. Le profil des patients pris en charge dans les USINV s’est ainsi modifié au cours du temps, avec des sujets de plus en plus âgés (actuellement la moitié des patients ayant un AVC ont plus de 80 ans) et plus fragiles que par le passé. Le Registre dijonnais des AVC montre ainsi que seuls 44 % des patients âgés de plus de 80 ans étaient totalement indépendants avant leur AVC, 12 % avaient un handicap moteur léger, 26 % un handicap modéré, et 17 % un handicap sévère. De plus, la prévalence des troubles cognitifs légers était de 13,8 % et celle de démence de 13,7 % préalablement à l’AVC.
Autre motif de questionnement : l’incidence des infarctus cérébraux a plus que doublé chez les sujets jeunes (< 55 ans) en 25 ans au sein du Registre dijonnais des AVC.4 De manière similaire, les taux d’hospitalisation pour infarctus cérébral ou AVC ont augmenté de 14 % entre 2002 et 2014 en France chez les moins de 65 ans.1 Cette tendance a été également retrouvée au niveau mondial, et souligne un défaut de prévention chez les plus jeunes, impliquant notamment la hausse de la prévalence du diabète et de l’obésité, l’absence de contrôle du tabagisme, en particulier chez les jeunes femmes, et la hausse de la consommation de cannabis, facteur causal d’infarctus cérébral. Notons enfin que la constatation ces dernières années d'une moins bonne prise en charge de l’hypertension artérielle pourrait contribuer également à la hausse des AVC.
Pronostic des patients victimes d’un AVC
Mortalité
Au niveau national, les taux de létalité (= mortalité) à 30 jours et à 1 an après une hospitalisation pour AVC étaient respectivement de 15 % et 26,9 % pour l’ensemble des AVC en 2015.5 Ces taux variaient en fonction du type d’AVC, avec une létalité à 30 jours de 10,7 % pour les infarctus cérébraux, 34,4 % pour les hémorragies intracérébrales, et 19,1 % pour les hémorragies sous-arachnoïdiennes. À 1 an, ces taux étaient respectivement de 22,6 %, 46,2 % et 25,6 %. D’importantes disparités départementales ont été retrouvées pour la létalité à 30 jours des infarctus cérébraux, celle-ci variant de 8,1 à 14,2 %.6 Ces disparités étaient expliquées par des caractéristiques différentes des populations en termes d’âge, de comorbidités, ou de niveau socio-économique, mais également par une distribution inégale des USINV sur le territoire français, lesquelles ont démontré leur effet bénéfique en termes de réduction des décès post-AVC. Des variations importantes de létalité existent selon les sous-types étiologiques des infarctus cérébraux. Au sein du Registre dijonnais des AVC, pour la période d’étude 2013-2017, les taux de létalité à 1 an étaient plus importants pour les infarctus cardio-emboliques (36 %) ou de cause multiple (39 %), comparés aux infarctus par athérome des grosses artères (20 %), aux infarctus lacunaires par maladie des petits vaisseaux cérébraux (7 %) et aux infarctus de cause indéterminée (21 %), témoignant ainsi d’un âge de survenue plus élevé, d’une sévérité initiale plus grande, et de récidives plus fréquentes pour ces deux mécanismes.
Au cours des 3 dernières décennies, l’amélioration de la prise en charge aiguë des patients a conduit à une réduction de la létalité post-AVC. Au niveau national, entre 2008 et 2014, la létalité hospitalière standardisée a diminué de 11,1 % pour l’ensemble des AVC.7 Cette baisse était plus marquée pour les AVC ischémiques (-12,5 %) que pour les AVC hémorragiques (-5,4 %). Ces tendances, couplées à l’augmentation du nombre absolu de cas annuels d’AVC, induisent une augmentation du nombre de survivants post-AVC. À Dijon, l’augmentation des survivants à 3 mois d’un AVC a été de 90 % au cours des 30 dernières années, avec une augmentation de 116 % dans la tranche d’âge des plus de 85 ans,3 avec pour conséquence une augmentation des besoins de structures d’accueil adaptées.
Pronostic fonctionnel
Peu de données françaises sont disponibles concernant le pronostic fonctionnel des patients victimes d’un AVC. Au sein du Registre dijonnais des AVC, à l’issue de la phase aiguë, un tiers des patients ont un handicap moteur modéré à sévère (dont un tiers ont un état grabataire), et 21 % gardent un trouble du langage. La moitié des patients regagnent leur domicile antérieur, et 30 % sont admis dans un service de soins de suite et de réadaptation (SSR). Au niveau national, en 2014, 36 % des patients survivant à un AVC étaient admis en SSR, dont 44 % pris en charge dans une unité spécialisée du système neuro- locomoteur et 23 % dans un SSR gériatrique.8 Des données internationales rapportent que près de 40 % des patients vivants 5 ans après un AVC gardent un handicap moteur important, et 20 % vivent en institution.9 De plus, un tiers des patients développeront une démence dans les 5 ans suivant l’AVC. Plusieurs études ont montré que le risque de réhospitalisation dans l’année suivant l’AVC dépassait 30 %. Les motifs les plus fréquents de réhospitalisation étaient les récidives vasculaires (incluant les récidives d’AVC variant de 1 à 4 % à 1 mois, de 7 à 13 % à 1 an, et jusqu’à 40 % à 10 ans), les chutes, ou encore les infections, notamment pulmonaires. Enfin, parmi les complications post-AVC fréquemment retrouvées, citons la fatigue, touchant entre 35 et 90 % des patients, et le risque de dépression dans 30 à 50 % des cas, affectant la qualité de vie jugée médiocre chez 20 % des patients à 5 ans de l’AVC.9
1. Lecoffre C, de Peretti C, Gabet A, et al. L’accident vasculaire cérébral en France : patients hospitalisés pour AVC en 2014 et évolutions 2008- 2014. Bull Epidémiol Hebd 2017;5:84-94.
2. Groupe des trois Registres AVC de Dijon, Brest, Lille. Comparaison des taux d’accidents vasculaires cérébraux entre les femmes et les hommes : apports des Registres de Dijon, Brest et Lille, 2008-2012. Bull Epidémiol Hebd 2016;7-8:109-17.
3. Béjot Y, Bailly H, Graber M, et al. Impact of the Ageing Population on the Burden of Stroke: The Dijon Stroke Registry. Neuroepidemiology 2019;52:78-85.
4. Béjot Y, Daubail B, Jacquin A, et al. Trends in the incidence of ischaemic stroke in young adults between 1985 and 2011: the Dijon Stroke Registry. J Neurol Neurosurg Psychiatry 2014;85:509-13.
5. Gabet A, Grimaud O, de Peretti C, Béjot Y, Olié V. Déterminants de la létalité à la suite d’une hospitalisation pour un accident vasculaire cérébral en France, 2010-2015. Bull Epidémiol Hebd 2020;5:98-107.
6. Gabet A, Chatignoux E, Grimaud O, de Peretti C, Béjot Y, Olié V. Disparités départementales de la létalité à 30 jours après un accident vasculaire cérébral ischémique en France, 2013-2015. Bull Epidémiol Hebd 2019;5:108-14.
7. Lecoffre C, de Peretti C, Gabet A, Grimaud O, Woimant F, Giroud M, Béjot Y, Olié V. Mortalité par accident vasculaire cérébral en France en 2013 et évolutions 2008-2013. Bull Epidémiol Hebd 2017;5:95-100.
8. Gabet A, de Peretti C, Woimant F, Giroud M, Béjot Y, Schnitzler A, Olié V. Évolution de l’admission en soins de suite et de réadaptation des patients hospitalisés pour accident vasculaire cérébral en France, 2010-2014. Bull Epidémiol Hebd 2017;11:196-207.
9. Béjot Y, Bailly H, Durier J, Giroud M. Epidemiology of stroke in Europe and trends for the 21st century. Presse Med 2016;45:e391-8.