Les retards ou l’absence de vaccinations, chez l’enfant comme chez l’adulte, ne sont pas rares, plusieurs raisons pouvant les expliquer : changements des recos, affections sévères intercurrentes, traitements immunosuppresseurs, accidents de la vie, changement de lieu de résidence, mais aussi négligence ou opposition des parents aux vaccins, précarité (dont migrants primo-arrivants non vaccinés ou à statut vaccinal inconnu), etc.
Le médecin généraliste est donc en première ligne pour proposer un rattrapage vaccinal.
Les règles d’or
Dans une recommandation publiée en 2019, la HAS soulignait déjà que toute occasion est propice à vérifier le statut vaccinal d’un patient et, le cas échéant, entreprendre le rattrapage. Les consultations pour tout motif médical, au cours de la scolarité ou l’université, mais aussi lors d’une hospitalisation, d’une grossesse, d’une visite de prévention ou d’embauche sont autant de moments clés.
Assurer la traçabilité des vaccinations réalisées est essentiel pour la poursuite du rattrapage.
Il existe certaines règles s’appliquant à tout rattrapage vaccinal, surtout chez l’enfant :
- Assurer une protection optimale en fonction des antécédents et de l’environnement.
- Protéger en priorité contre les infections les plus sévères : coqueluche avant 3 mois, infections invasives avant 2 ans, rougeole dès que possible, papillomavirus et hépatite B chez l’adolescent, tétanos à tout âge, etc.
- Terminer le rattrapage le plus rapidement possible, en profitant de toutes les occasions pour vacciner, même en cas d’infection banale...
- Recaler sur le calendrier vaccinal en vigueur à chaque fois que cela est possible.
- Chaque dose reçue compte, indépendamment du délai écoulé depuis la dernière, si les intervalles minimaux entre les doses ont été respectés : « on ne recommence pas tout ».
- Tous les vaccins (inactivés ou vivants) peuvent être administrés le même jour ou avec n’importe quel intervalle dans le cadre d’un rattrapage, à l’exception des vaccins vivants viraux qui doivent être administrés soit le même jour, soit à 1 mois d’intervalle (ceci ne s’applique pas au BCG, vivant mais bactérien ; toutefois, la HAS recommande, après un vaccin BCG, de ne pas vacciner sur le même site pendant 3 mois). Exception : pour ROR et fièvre jaune, éviter la co-administration et respecter si possible un délai de 1 mois entre les deux (sauf départ urgent en zone à risque).
- Respecter la tolérance de l’enfant et des parents (dates, nombre de doses à chaque séance), mais protéger l’enfant avant tout, en tenant compte du risque encouru dans son environnement présent ou futur.
- Classiquement, on peut réaliser 2 ou 3 injections par séance, mais si nécessaire 4 à 5 vaccins différents peuvent être co-administrés sur des sites différents (au moins 2,5 cm de distance entre 2 points d’injection), en privilégiant les deltoïdes dès que la masse musculaire est suffisante (environ à 11 mois) et la face antérolatérale de la cuisse chez les nourrissons.
En pratique
Combien de doses ?
Déterminer, pour chaque valence, le nombre de doses que le sujet aurait dû recevoir avec un schéma vaccinal complet. Deux paramètres à prendre en compte :
- l’âge lors du début de sa vaccination, si déjà commencée : nombre de doses qui auraient dû être administrées depuis la 1re dose.
- l’âge au moment du rattrapage : non seulement chez le sujet jamais vacciné mais aussi en cas de vaccination incomplète.
Ainsi, ne pas dépasser le nombre d’injections qui seraient pratiquées si ce patient était primovacciné à cet âge (v. tableaux).
Quels schémas et quels intervalles ?
Choisir les combinaisons les plus adaptées pour les doses manquantes, en fonction de la disponibilité des vaccins et des âges auxquels ils sont enregistrés/recommandés. Pour rappel, il n’existe pas en France de vaccin monovalent pour la coqueluche, la diphtérie, le tétanos, la rougeole, les oreillons et la rubéole.
Pour les enfants, proposer le schéma le plus raisonnable : si l’utilisation des vaccins combinés permet de diminuer le nombre d’injections, ils peuvent être employés même en l’absence d’AMM à cet âge.
Respecter les intervalles optimaux entre les doses itératives :
- Primovaccination : en général, 2 mois d’intervalle, minimum 6 semaines pour les 2 premières doses des vaccins contenant DTP, Ca, Hib, HB, vaccin conjugué contre le pneumocoque (VCP) et Bexsero. Lorsque l’écart entre 2 doses est inférieur, la primovaccination DTPCaHibHB + VCP doit être faite en 3 doses (avec minimum 3 semaines de délai). Un délai de 1 mois est aussi nécessaire entre les 2 doses de vaccin ROR (2 doses à 1 mois minimum d’intervalle : la 2e dose n’est pas un rappel mais un rattrapage) et la vaccination contre le rotavirus.
- Rappels : pour être considérée comme une dose de rappel, celle-ci doit-être administrée au moins 5 à 6 mois après la dernière dose de primovaccination (minimum toléré : 4 mois) quel que soit le vaccin.
- Pour les co-administrations ou délais à respecter entre deux vaccins : v. ci-dessus les règles de base.
Différents cas de figure
1. Enfant à statut vaccinal connu
Les différents schémas de rattrapage pour chaque valence, en fonction de l’âge, sont résumés dans le tableau 1 :
- Tableau 1a : rattrapages entre 2 mois et 1 an ;
- Tableau 1b : entre 1 an et 5 ans ;
- Tableau 1c : entre 6 et 13 ans, puis après 14 ans.
Les différentes situations sont aussi détaillées dans la fiche Infovac téléchargeable ici.
2. Enfant à statut vaccinal inconnu ou incertain
Pas d’inconvénient à administrer un vaccin ROR, Hib, HB ou polio à une personne éventuellement déjà immunisée pour l’une ou l’autre de ces maladies.
Pour tétanos et surtout diphtérie, il existe cependant un risque théorique d’hyperimmunisation (phénomène d’Arthus) ou d’hyper-réactogénicité.
Principe général : en cas de doute sur la vaccination antérieure diphtérie, tétanos et HB, faire une dose de vaccin puis faire un dosage des anticorps antitétaniques et anti-HBs, 4 à 12 semaines plus tard (pour l’interprétation des sérologies, se référer à la fiche HAS téléchargeable sur ce lien).
Une autre alternative est de considérer la personne comme non vaccinée et d’administrer les doses nécessaires selon l’âge.
3. Adulte incomplètement vacciné
Voir tableau 1c (rattrapages pour les > 14 ans).
Pour le cas particulier de la coqueluche, voir l’encadré ci-dessous.
4. Adulte jamais vacciné ou à statut vaccinal indéterminé
Pour les valences diphtérie, tétanos, coqueluche, polio, situation complexe en apparence car les vaccins DTCaP pédiatriques n’ont pas l’AMM chez l’adulte, et les vaccins dTcaP n’ont pas l’AMM en primovaccination. La vaccination est donc à moduler en fonction du contexte. Si on a la quasi-certitude de l’absence de vaccination ou d’un nombre insuffisant de doses : faire un vaccin pédiatrique DTCaP (InfanrixTetra ou Tetravac). A contrario, s’il s’agit d’un simple doute sur l’existence d’une vaccination dans l’enfance : privilégier les vaccins dTcaP et dTP. Un schéma mixte DTcaP puis dTcaP peut être envisagé en fonction du contexte.
Pour les autres vaccins, se référer au tableau 1c et à la fiche HAS.
5. Cas particulier des migrants primo-arrivants
Se référer aux tableaux 2a (enfants de 1 à 5 ans), 2b (enfants de 6 à 13 ans) et 2c (14-18 ans et adultes).
Sources
Fiche Infovac-France : « Rattrapage des vaccinations chez l’enfant et l’adulte » (mise à jour en avril 2023).
Experts InfoVac (www.infovac.fr), à qui on peut soumettre les cas les plus complexes.
Fiche HAS, exemples pratiques : Rattrapage vaccinal en population générale (2019).
Calendrier vaccinal 2023 : partie « Statut vaccinal inconnu, incomplet ou incomplètement connu » (p. 47-49) ; tableaux p. 72-76 reproduits ci-contre.
Coqueluche : vaccination des femmes enceintes et cocooning
Depuis 2022, la vaccination contre la coqueluche est recommandée lors de chaque grossesse, à partir du 2e trimestre, de préférence entre 20 et 36 SA, avec les vaccins non-vivants tétravalents disponibles à ce jour en France (actuellement, aucun vaccin monovalent contre la coqueluche n’est disponible).
Si la vaccination n’a pu être réalisée pendant la grossesse (et au moins 1 mois avant l’accouchement), utiliser le cocooning (vaccination des personnes susceptibles d’avoir un contact étroit et durable avec le nourrisson durant ses 6 premiers mois de vie) :
– personnes non antérieurement vaccinées contre la coqueluche : 1 dose dTcaP.
– adolescents et jeunes adultes < 25 ans n’ayant pas reçu de vaccin coquelucheux depuis plus de 5 ans : 1 dose de dTcaP.
– personnes > 25 ans antérieurement vaccinées à l’âge adulte contre la coqueluche et à nouveau en situation d’être en contact étroit et répété avec nourrisson de < 6 mois : 1 dose de rappel de dTcaP si la dernière remonte à 10 ans ou plus.
Dans tous les cas, un délai minimum de 1 mois doit être respecté par rapport au dernier vaccin dTP.
Par la suite, le « recalage » sur le calendrier vaccinal en cours pour les rappels ultérieurs dTP se fait suivant les recommandations (25-45-65 ans puis tous les 10 ans).
Vignier N. Rattrapage vaccinal chez les migrants primo-arrivants. Rev Prat 2019;69(5);564-6.