La survenue de réactions allergiques rares mais graves (environ 7,9 cas pour 1 million vaccinations) a rapidement conduit les autorités sanitaires de plusieurs pays à contre-indiquer l’administration d’une 2e dose de vaccin chez les personnes ayant eu ce type de réaction sévère. Cette recommandation est-elle justifiée, au vu des données récentes ? Une revue de littérature et méta-analyse suggère que, de fait, ces patients auraient un risque faible de refaire une réaction allergique sévère à la 2e dose…
Cette étude a inclus 22 travaux (rapports et séries de cas) qui ont évalué le risque de réaction allergique, quelle que soit sa sévérité, après une 2e dose de vaccin à ARNm chez des sujets ayant eu une réaction allergique immédiate à la 1re dose (moins de 4 heures après l’injection).
Cela représentait au total 1 366 patients (88 % de femmes ; âge moyen : 46 ans) qui avaient eu une réaction allergique vérifiée ou suspectée à la 1re dose, dont 78 cas de réactions sévères (anaphylaxie). L’administration de la 2e dose s’est faite sous la surveillance d’un allergologue, avec un vaccin à ARNm également.
Résultats :
– la majorité des patients (1 360) ont bien toléré cette 2e dose ; parmi eux, 232 ont rapporté des symptômes légers, spontanément résolutifs ou traités avec succès par antihistaminiques (risque de 13,65 % ; intervalle de confiance à 95 % [IC95] : 7,76-22,9) ;
– 6 patients ont eu une réaction sévère (réaction anaphylactique), soit un risque absolu de 0,16 % (IC95 : 0,01-2,94), avec une résolution rapide après administration d’épinéphrine intramusculaire pour 5 d’entre eux (1 patient n’a pas eu de traitement, mais il a récupéré). Quatre de ces cas graves ont concerné les patients ayant eu une réaction sévère lors de la 1re dose (risque absolu : 4,94 % ; IC95 : 0,93-22,28), tandis que les 74 patients restants (qui avaient eu une réaction sévère à la 1re dose) n’ont pas eu de réaction sévère à la 2e ; parmi eux, 15 ont eu des symptômes légers.
Bien que, d’après les auteurs, les conclusions de cette méta-analyse ne constituent que des preuves de certitude modérée, ils proposent de réviser la contre-indication à une 2e dose chez les personnes ayant eu une réaction allergique grave à la première : celle-ci pourrait être administrée, selon eux, à condition que ce soit sous surveillance dans un établissement équipé pour gérer une réaction allergique immédiate grave (centre de vaccination, cabinet médical, en excluant par exemple pharmacies et établissements non médicalisés). La consultation avec un allergologue avant la 2e vaccination, lorsque cela est possible, pourrait être utile.
À noter que, selon les recommandations de la Fédération française d’allergologie (janvier 2021), la 2e dose n’est pas contre-indiquée si un symptôme d’allure allergique (sans anaphylaxie) et tardif (> 6 h) est observé après la 1re dose ; elle peut être réalisée sous antihistaminiques. Si la réaction est survenue dans les 6 heures suivant la 1re injection, un bilan chez l’allergologue est recommandé.
Enfin, concernant les mécanismes à l’œuvre dans ces réactions allergiques, les auteurs suggèrent que dans les cas des vaccins à ARNm, elles pourraient ne pas être dues aux IgE qui sont à l’œuvre dans la plupart des réactions allergiques « reproductibles » (comme dans les allergies alimentaires).
Laura Martin Agudelo, La Revue du Praticien
Pour en savoir plus :
Chu DK, Abrams EM, Golden DBK, et al. Risk of Second Allergic Reaction to SARS-CoV-2 Vaccines. A Systematic Review and Meta-analysis. JAMA 21 février 2022.
À lire aussi :
Nobile C. Vaccins contre la Covid : quand demander l’avis d’un allergologue ? Rev Prat (en ligne) 27 janvier 2021.
Nobile C. Quelles sont les contre-indicatio ns médicales « légales » à la vaccination Covid ?Rev Prat (en ligne) septembre 2021.