La radicalisation de l’adolescent est un phénomène relativement récent, devenu un problème de santé publique. L’auteur propose un point de vue, fondé sur l’étude de la littérature et sa propre expérience, pour délimiter les principaux facteurs de risques et les trajectoires qui peuvent mener à la radicalisation. Il revient sur les premières définitions de la radicalisation, issues des études de criminologie sur le terrorisme, résume la littérature en distinguant les enquêtes sur la sympathie aux idées radicales, les enquêtes sociologiques, les études longitudinales sur échantillons et les séries de cas provenant de consultations spécialisées ou d’expertises judiciaires. Cet ensemble de données montre la diversité des trajectoires et comment le phénomène de radicalisation à l’adolescence est infiltré de la question adolescente avec ses enjeux d’individuation et de sexualité. Pourtant trois situations semblent émerger. La première, la plus rare, s’inscrit sur une décompensation psychiatrique aigüe. La deuxième concerne des jeunes pour qui les enjeux développementaux sont au premier plan (individuation, fragilité dépressive, doute identitaire) et qui recourent au début presque exclusivement aux réseaux sociaux. Elle est plus fréquente chez les convertis et les enjeux familiaux y sont très fréquents, mais elle est plus sensible aux interventions éducatives et psychologiques. La dernière enfin, plus fréquemment associée à une radicalisation violente assumée, s’inscrit dans un terreau de proximité ou de quartier avec des individus particulièrement perméables à l’emprise extérieure, dans une forme d’accrochage relationnel ou déjà inscrits dans une radicalité religieuse depuis plus longtemps. Sur le plan de la prévention, il faut repérer les indices de radicalisation le plus tôt possible : antécédents de psycho-traumatisme, d’abus, de violence familiale. Il paraît légitime de prendre en compte tous ces facteurs et trajectoires, et de considérer, comme pour les conduites suicidaires, différents niveaux de radicalisation : la sympathie, les idées sans ou avec engagements sectaires ou violents, l’intentionnalité et le passage à l’acte. Cette gradation a aussi l’avantage de pouvoir s’appliquer à d’autres expressions de la radicalisation (mouvances d’extrême droite, Black Blocs, militance écologique par l’action directe) que l’on voit également émerger dans les sociétés occidentales de plus en plus polarisées.David Cohen, service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, hôpital Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris, France
13 avril 2021