Vaccinations : quoi de neuf ?
Outre les recommandations générales consignées dans le calendrier vaccinal 2024, certaines nouveautés concernent les voyageurs :
- Fièvre typhoïde : ajout du vaccin oral vivant atténué Vivotif ; arrêt de commercialisation en 2024 du vaccin combiné typhoïde – hépatite A (Tyavax). Pour rappel, cette vaccination est recommandée aux voyageurs (adultes et enfants de 2 ans et plus) pour un séjour prolongé ou dans de mauvaises conditions, dans des pays où l’hygiène est précaire et où la maladie est présente (Inde, Asie du Sud-Est).
- Rage : possibilité de schéma vaccinal à 2 doses en préexposition, uniquement avec le vaccin Rabipur chez les personnes immunocompétentes. Pour rappel, cette vaccination est recommandée aux voyageurs pour un séjour prolongé ou aventureux et en situation d’isolement dans des zones à haut risque (Asie, Afrique, Amérique du Sud), en particulier chez les jeunes enfants dès l’âge de la marche.
- Mpox : les personnes à très haut risque, notamment HSH ayant des partenaires multiples, peuvent être vaccinées en préexposition en cas de voyage à destination de zones où circule le virus (en pratique, peu de pays rapportent actuellement un nombre significatif de cas, même si certains pays en Afrique en ont rapporté un nombre croissant ces derniers mois, surtout la République démocratique du Congo).
Épidémies en cours : choléra, dengue, rougeole
Choléra : recrudescence des flambées épidémiques à l’échelle mondiale. La situation sanitaire à Mayotte est à prendre en compte pour les voyageurs s’y rendant. La vaccination n’est pas recommandée systématiquement pour les voyageurs (bénéfices limités).
Dengue : flambée de cas importés depuis 2023 en métropole et épidémie dans les Amériques (y compris Antilles françaises et Guyane). À ce jour, pas de recommandation de vacciner les voyageurs contre la dengue. Rappeler les mesures de protection antivectorielle (v. ci-après) ; vigilance dans les 15 jours suivant le retour (se protéger contre les moustiques, consulter en cas de fièvre).
Rougeole : reprises épidémiques de grande ampleur au niveau mondial, européen et français. Une attention particulière doit être portée à la vérification du statut vaccinal des voyageurs et sa mise à jour, le cas échéant.
Maladies d’importation potentiellement graves et à risque épidémique
Arboviroses, fièvres hémorragiques virales, diphtérie , BHRe (bactéries hautement résistantes aux antibiotiques émergentes), tuberculoses résistantes, grippes aviaires, infections à transmission orofécale… Certaines pathologies d’importation potentiellement graves et entraînent un risque épidémique pour l’ensemble du territoire français sont à connaître.
Un tableau très détaillé et actualisé listant ces maladies, ainsi que le risque d’acquisition selon les pays, la démarche diagnostique, la prise en charge et les modalités de signalement, est disponible en annexe 6 des recommandations (pp. 192 à 200).
La liste des pays considérés comme endémiques pour plusieurs infections a été actualisée (v. tableau 1).
Diarrhée du voyageur : pas d’antibiothérapie dans les formes bénignes à modérées
La diarrhée est fréquente chez les voyageurs : son taux d’attaque peut dépasser 40 % pour un séjour de 3 semaines. Si elle est le plus souvent bénigne – « tourista » –, des formes cliniques plus graves requièrent une prise en charge médicale.
Elle est souvent associée à l’acquisition d’un portage digestif de bactéries multirésistantes [BMR] (E. coli BLSE) – 72 % pour un séjour en Asie –, notamment si l’épisode a fait l’objet d’une antibiothérapie. Ainsi, une antibiothérapie probabiliste n’est recommandée qu’en l’absence de possibilité de consultation rapide, dans les situations suivantes :
- diarrhée sévère (tout syndrome dysentérique étant considéré comme tel) ;
- terrain à haut risque de décompensation (personnes âgées) ou à risque de bactériémie (immunodépression sévère, drépanocytose…).
Lorsqu’elle est indiquée, l’azithromycine est le traitement de 1re intention, en particulier dans les syndromes dysentériques et les diarrhées graves non dysentériques au cours ou au décours d’un séjour en Asie. Dans certains cas, la ciprofloxacine peut être une alternative (v. tableau 2).
Pour rappel, il n’y a pas lieu de prescrire une antibioprophylaxie pour la diarrhée du voyageur.
En cas de diarrhée fébrile, deux diagnostics différentiels urgents doivent être envisagés systématiquement : accès palustre, en particulier chez l’enfant, et fièvre typhoïde.
Paludisme : attention aux voyageurs « retournant au pays »
En 2023, le nombre de cas importés a augmenté (6 200 cas), majoritairement provenant des pays d’Afrique subsaharienne (85 % des cas) et causés par Plasmodium falciparum (88 %). La plupart des cas concernent des personnes issues de l’immigration, résidant en France et voyageant pour rendre visite à leurs proches en zone d’endémie (dits voyageurs « retournant au pays » ou « visiting friends and relatives » [VFR]).
La prévention du paludisme repose en premier lieu sur la protection personnelle antivectorielle (PPAV), qui peut suffire dans les situations à faible risque (v. encadré 1 pour les mesures de PPAV et encadré 2 pour les répulsifs cutanés). Elle prévient aussi d’autres arboviroses.
Dans des situations à risque modéré à élevé, la chimioprophylaxie antipaludique (CPAP) – non remboursée – est à associer à la PPAV.
La CPAP essentiellement à prévenir le paludisme à P. falciparum , en raison de sa fréquence et de sa gravité potentielle. Elle doit être adaptée individuellement au voyageur selon le type de séjour et ses conditions de déroulement, les données épidémiologiques et le rapport bénéfices-risques (v. encadré 3).
Pour un séjour < 7 jours (durée minimum d’incubation du paludisme à P. falciparum) et uniquement en zone de transmission faible ou modérée et en contexte de séjour exposant à un faible niveau de transmission, la CPAP n’est pas indispensable, à condition de respecter scrupuleusement les règles de PPAV.
Parmi les voyageurs VFR, le coût des mesures de prévention est souvent un frein important à leur application. Il est ainsi recommandé de prioriser la CPAP par rapport aux autres médicaments de la trousse du voyageur prescrite et d’être attentif au prix de cette dernière.
Une fièvre survenant dans les 3 mois suivant le retour de zone endémique doit faire évoquer systématiquement un paludisme.
Traumatismes et accidents
Les accidents (de la circulation ou autres) restent l’une des principales causes de rapatriement sanitaire et de mortalité chez les voyageurs. Ils doivent donc faire l’objet d’une sensibilisation particulière, avec notamment :
- rappel des règles de prévention : port de la ceinture de sécurité, port du casque si l’on circule à deux-roues, utilisation de sièges auto pour les enfants en bas âge ;
- dans les pays où les conditions de circulation sont difficiles : éviter de conduire soi-même dans la mesure du possible, a fortiori de nuit ;
- une assurance rapatriement sanitaire valide est nécessaire.
Envenimations
Les risques d’envenimation terrestre (morsures de serpents, scorpions, araignées…) et marines (cnidaires, échinodermes, poissons, coquillages…) sont repris en détail en annexe 7 des recommandations (p. 201).
Moyens recommandés de protection personnelle antivectorielle (PPAV)
- Moustiquaire imprégnée d’insecticide (pour lit, berceau ou poussette, Anopheles étant un moustique d’activité nocturne) ; moustiquaires grillagées aux fenêtres et aux portes.
- Répulsifs cutanés sur les parties du corps non couvertes (v. encadré 2), en complément du port de vêtements amples, couvrants et légers.
- Mesures d’appoint : diffuseur électrique d’insecticide (à l’intérieur), raquettes électriques, pulvérisation intradomiciliaire de « bombes » insecticides, climatisation et ventilation, serpentin fumigène (extérieur), imprégnation des vêtements par le DEET et l’IR3535 (mais, pour rappel, l’imprégnation de vêtements par des pyréthrinoïdes, dont perméthrine, n’est plus recommandée depuis 2022).
Répulsifs recommandés pour la protection contre les piqûres d’arthropodes
Le DEET (N,N-diéthyl-m-toluamide) 30 - 50 % ; pour les enfants : 10 % entre 1 et 2 ans, 30 % à partir de 2 ans ; femmes enceintes : ≤ 30 % (uniquement en zone à risque élevé) ;
L’IR3535 (N-acétyl-N-butyl-β-alaninate d’éthyle) 20 - 35 % ; enfants : 10 à 20 % entre 6 mois et 2 ans 35 % à partir de 2 ans ; femmes enceintes : ≤ 20 %
L’icaridine ou picaridine ou KBR3023 (carboxylate de sec-butyl 2 -[2 -hydroxyéthyl] pipéridine- 1) 20 - 25 % ; enfants : 10 % à 25 % à partir de 24 mois ; femmes enceintes : ≤ 20 % ;
L’huile d’Eucalyptus citriodora , hydratée, cyclisée (produit naturel dont le dérivé de synthèse est le PMD ou para-menthane- 3,8 diol ; à ne pas confondre avec l’huile essentielle d’Eucalyptus) 10 - 30 %. Enfants : pas avant 3 ans. Femmes enceintes : ≤ 10 %.
Attention : tous ces produits sont contre-indiqués avant l’âge de 6 mois.
Conseils d’utilisation :
- préférer les répulsifs en crème ou lotion aux répulsifs en spray (risque d’inhalation) ; si utilisation de sprays : ne pas pulvériser directement sur la peau, appliquer d’abord sur les mains, puis sur la peau ;
- appliquer sur la peau exposée uniquement, et pas sur celle qui est sous les vêtements (sauf au niveau des chevilles : appliquer même en cas de port de chaussettes) ;
- respecter un intervalle d’au moins 20 minutes entre l’application préalable de crème solaire et celle du répulsif ; après la baignade, réappliquer le répulsif dans la limite du nombre maximal d’applications quotidiennes recommandé ;
- lorsqu’il n’y a plus de risque, laver la peau avec de l’eau et du savon (par exemple, avant le couchage si l’on dort sous moustiquaire).
Quand prescrire une chimioprophylaxie antipaludique (CPAP) ?
L’évaluation individuelle du risque de paludisme et de la pertinence d’une CPAP repose sur une analyse détaillée des caractéristiques du voyage (zones visitées, conditions d’habitat, type d’activités, durée et saison du séjour, etc.) et du profil du voyageur (âge, grossesse, comorbidités, interactions médicamenteuses…).
En pratique, les séjours sont classés en deux profils :
- « conventionnel » : courte durée (< 1 mois), majoritairement en zone urbaine ou sur des sites touristiques classiques ;
- « non conventionnel » (routards, militaires, séjour improvisé, VFR, humanitaire, chercheurs…) : durée > 1 mois, nombre élevé de nuitées en zone rurale, hébergements précaires, périple pendant la saison des pluies ou dans une région de forte transmission palustre.
Dans tous les cas, le praticien doit identifier, à partir des caractéristiques du voyage, un niveau de risque et le confronter au profil du voyageur, au risque d’effets indésirables graves des antipaludiques et au choix du patient :
- la CPAP est toujours nécessaire en cas de risque élevé de transmission (ex : Afrique subsaharienne ; v. liste exhaustive de la situation de transmission du paludisme selon les pays, tableau 15, pp. 154 - 177 des recommandations) ;
- si le risque d’effets secondaires graves est plus important que le risque de transmission du paludisme (dans la plupart des régions touristiques d’Asie et d’Amérique du Sud) en cas de séjours conventionnels, il est légitime de ne pas prescrire de CPAP ;
- certains voyageurs doivent toujours être considérés à risque de paludisme grave : femmes enceintes, nourrissons et enfants de moins de 6 ans, personnes âgées, personnes infectées par le VIH, sujets aspléniques ;
- dans les situations complexes, se référer aux centres de conseils aux voyageurs et de vaccination internationaux.
Les schémas prophylactiques et contre-indications sont listés dans le tableau 10, p. 73 des recommandations. En bref : l’association atovaquone-proguanil et la doxycycline sont préconisées en 1re intention (efficacité élevée et comparable), le choix dépendant en pratique de la tolérance, de la préférence et des ressources financières des voyageurs ; la méfloquine n’est envisagée qu’en dernière intention chez l’adulte (effets indésirables graves potentiels). Pour rappel, la chloroquine n’est plus recommandée.
Dans cet article
- Vaccinations : quoi de neuf ?
- Épidémies en cours : choléra, dengue, rougeole
- Maladies d’importation potentiellement graves et à risque épidémique
- Diarrhée du voyageur : pas d’antibiothérapie dans les formes bénignes à modérées
- Paludisme : attention aux voyageurs « retournant au pays »
- Traumatismes et accidents
- Envenimations