Après deux ans de restrictions, les voyages reprennent en force ! Comme chaque année, les recommandations sanitaires pour les voyageurs ont été mises à jour. Les principaux changements ? Ils concernent la prophylaxie contre le paludisme (protection antivectorielle et chimioprophylaxie), la liste des pays nécessitant certaines vaccinations, mais aussi la prévention de la maladie thromboembolique dans l’avion, le mal des transports et des montagnes... Ce qu’il faut retenir. 

Paludisme : quelles nouveautés ?

Avec la reprise des voyages internationaux, le paludisme était en recrudescence en France en 2021 : augmentation des cas de 117 % par rapport à 2020, soit plus de 2 000 cas (niveau comparable à la période pré-Covid). Les pays à l’origine des contaminations sont toujours très majoritairement situés en Afrique subsaharienne, et le Plasmodium falciparum est impliqué dans près de 89 % des cas.

La prévention repose en premier lieu sur la protection personnelle antivectorielle (PPAV ; les répulsifs cutanés recommandés sont listés dans l’encadré 1), qui prévient aussi d’autres infections vectorielles, arboviroses en particulier. Elle peut suffire dans les situations à faible risque.

Dans des situations à risque modéré à élevé, la chimioprophylaxie antipaludique (CPAP) est à associer (une liste exhaustive des risques de transmission du paludisme selon les pays est disponible pp. 48-61 du BEH). Ce traitement prophylactique doit être adapté individuellement au voyageur selon le type de séjour et ses conditions de déroulement (v. encadré 2 et tableau ci-dessous).

PPAV : les vêtements imprégnés ne sont plus recommandés

L’usage des insecticides du groupe des pyréthrinoïdes (dont perméthrine) pour l’imprégnation des tissus d’habillement – sprays insecticides ou tenues préimprégnées – n’est plus recommandé en population générale, même pour une utilisation brève ensituation d’exposition forte. En effet, le rapport bénéfices-risques est jugé défavorable : absence de preuves de son efficacité et risque de toxicité (rapport de l’Inserm publié en 2021) en exposition chronique (exposition professionnelle : présomption moyenne d’association avec un risque de myélome multiple, de cancer de la prostate et de leucémies), ou ponctuelle (chez les femmes enceintes et les petits enfants : présomption forte d’association avec des troubles du développement neuropsychologique de l’enfant).

Cette mesure reste cependant préconisée dans des groupes particuliers de population (militaires, réfugiés…), en l’absence de moustiquaires imprégnées.

Les moyens de PPAV toujours recommandés sont :

  • Moustiquaire, si possible imprégnée d’insecticide (pour lit, berceau ou poussette, selon l’âge et les vecteurs, Anopheles étant un moustique d’activité nocturne).
  • Moustiquaires grillagées aux fenêtres et aux portes.
  • Répulsifs cutanés sur les parties du corps non couvertes (v. encadré 1). Avant le couchage, il est conseillé de laver la peau (si couchage sous moustiquaire).

 

Chimioprophylaxie : la chloroquine n’est plus recommandée

L’analyse de la balance bénéfices-risques de la chloroquine a conduit à ne plus recommander son utilisation, d’autant plus que la commercialisation de sa forme sirop est interrompue depuis juillet 2021 et celle des comprimés le sera fin 2022.

Les molécules qui restent recommandées et leurs schémas posologiques sont listés dans le tableau ci-dessous. La CPAP vise essentiellement à prévenir le paludisme à P. falciparum(Afrique subsaharienne surtout, forêts et zones humides d’Amérique et d’Asie), en raison de sa fréquence et de sa gravité potentielle.

En bref :

  • l’association atovaquone-proguanil et la doxycycline sont recommandés en 1re intention (efficacité élevée et comparable) ; en pratique, le choix dépend de la tolérance, de la préférence et des ressources financières des voyageurs ;
  • la méfloquine a une efficacité comparable, mais compte tenu de ses effets indésirables graves potentiels (v. tableau), elle n’est envisagée qu’en dernière intention chez l’adulte (chez l’enfant, les effets neurologiques semblent moins fréquents et le médicament a l’avantage d’une prise hebdomadaire pouvant améliorer l’observance).

 

Tableau

Enfin, les composés à base de la plante Artemisia ne sont pas autorisés.

Quel que soit l’antipaludique choisi, il ne peut être délivré que sur prescription médicale et il n’est pas remboursé.

Le choix du traitement prophylactique prend en compte les données épidémiologiques, le profil du voyageur et du séjour et le rapport bénéfices-risques (v. encadré 2). Nouveauté des recos 2022 : pour un séjour < 7 jours (durée minimum d’incubation du paludisme à P. falciparum) et uniquement en zone de transmission faible ou modérée et en contexte de séjour exposant à un faible niveau de transmission, la CPAP n’est pas indispensable, à condition de respecter scrupuleusement les règles de PPAV.

Vaccinations : des évolutions selon les pays

Encéphalite japonaise

La Papouasie-Nouvelle-Guinée a été ajoutée à la liste des pays à risque de transmission probable du virus de l’encéphalite japonaise (liste complète des pays à risque : pp. 9-10 du BEH).

Le vaccin inactivé Ixiaro est disponible en France. Schéma vaccinal : 2 doses à 28 jours d’intervalle (la 2e doit être administrée au moins 7 jours avant le séjour en zone à risque) + 1 rappel 12 à 24 mois après (le délai est fonction de l’âge et du contexte d’exposition). Un schéma accéléré (doses 1 et 2 à 7 jours d’intervalle) peut être envisagé chez les 18-65 ans.

Fièvre jaune

L’île de l’Ascension (Royaume-Uni), le Laos, la Lybie, les Philippines et le Territoire britannique de l’océan Indien ont été ajoutés à la liste de pays pour lesquels il n’y a plus de risque de transmission de la fièvre jaune, ni d’obligation de vaccination.

En revanche, de nombreuses nouvelles zones à risque d’exposition nécessitant la vaccination ont été identifiées (cf. pp. 14-22 du BEH).

Le vaccin vivant atténué Stamaril est disponible en France. Schéma vaccinal (à partir de l’âge de 9 mois ; exceptionnellement entre 6 et 9 mois) : 1 dose au moins 10 jours avant le départ.

La validité administrative du certificat international de vaccination anti-amarile est à vie, mais une 2e dose est recommandée avant un nouveau départ en zone d’endémie amarile dans certaines situations : à partir de 6 ans pour les personnes ayant été vaccinées avant l’âge de 2 ans ; lorsque la vaccination date de plus de 10 ans chez certaines populations (femmes ayant été vaccinées en cours de grossesse, personnes vivant avec le VIH et immunodéprimées si elles satisfont certaines conditions) ; pays où une circulation active du virus est signalée.

Tuberculose

L’Arabie saoudite, la Fédération de Russie, l’Ukraine et la Croatie ont été ajoutés à la liste des zones à forte incidence tuberculeuse.

Le vaccin BCG AJ Vaccines, vaccin vivant atténué bactérien, est disponible en France. Schéma vaccinal :

– enfants de moins de 12 mois : 1 dose de 0,05 mL de vaccin reconstitué, par voie intradermique ;

– 12 mois et plus : 1 dose de 0,1 mL de vaccin reconstitué, par voie intradermique, à administrer sans IDR à la tuberculine préalable chez les moins de 6 ans (sauf enfants ayant résidé ou effectué un séjour de plus de 1 mois dans un pays à forte incidence de tuberculose).

Ce vaccin est à faire 6 à 8 semaines avant le départ. Il est recommandé de n’effectuer aucune autre vaccination dans le bras utilisé pour la vaccination BCG pendant au moins 3 mois (risque de lymphadénite régionale).

Autres changements

« Jet lag »

Quelques mesures hygiénodiététiques peuvent atténuer les effets du décalage horaire :

  • dans les jours précédant le départ, décaler si possible d’une heure par jour le coucher dans le même sens que celle de la destination d’arrivée ;
  • pendant le voyage en avion : boire suffisamment d’eau, éviter caféine et boissons alcoolisées, alléger les repas, essayer de maintenir les horaires veille/sommeil du pays de destination, dormir pendant le vol ;
  • après l’arrivée : faire une courte sieste (20-30 minutes) ; régler son rythme de sommeil et des repas le plus rapidement possible à l’heure locale.

 

La mélatonine (en médicament ou complément alimentaire) est bénéfique dans les situations pathologiques associées aux troubles du rythme circadien. L’Anses rappelle toutefois que l’utilisation des compléments alimentaires contenant de la mélatonine entraîne des risques pour certaines populations ou dans le cadre de certaines pathologies. La place des agonistes de la mélatonine reste à définir.

 

Les hypnotiques à courte durée d’action n’ont pas d’effet sur la resynchronisation du sommeil et leur usage doit être limité. Enfin, il convient de tenir compte du décalage horaire pour la prise de certains médicaments (contraceptifs oraux, anticoagulants, insuline...).

Prévention de la maladie thromboembolique

Le transport aérien est un facteur de risque de maladie thromboembolique : il multiplie par 2 ou 3 le risque de thrombose veineuse profonde, dès 4 heures de vol, et d’autant plus que le vol est long. À cela s’ajoutent les facteurs de risque indépendants de certains voyageurs : antécédents personnels ou familiaux, cancer actif, grossesse et post-partum, contraception estroprogestative ou traitement hormonal substitutif, obésité, âge avancé, tabagisme…

En pratique :

  • en l’absence de facteur de risque : port de vêtements amples ; hydratation régulière au cours du vol (boissons non alcoolisées), mouvement fréquent des jambes et déplacement dans l’avion (donc limitation de l’usage des hypnotiques +++) ;
  • si facteur de risque : ajouter à ces mesures le port d’une contention élastique (mi-cuisse plus confortable que sous le genou) de classe 2 (pression à la cheville de 15 à 30 mmHg).
  • si niveau de risque élevé (antécédent personnel de maladie thromboembolique non provoquée ou liée à un voyage, chirurgie à risque ou traumatisme récent, cancer actif, association de 2 facteurs de risque) : évaluer, en plus des mesures précédentes, la place d’un traitement prophylactique avec héparines de bas poids moléculaire ou anticoagulants oraux directs.

 

Prévention du mal des transports et du mal aigu des montagnes

  • En prévention du mal des transports :

– les antihistaminiques de 1re génération à effet sédatif (diménhydrinate, diphénhydramine, méclozine) peuvent être utilisés : une prise 2 h avant le départ ;

– la scopolamine, anticholinergique non sélectif, est utilisée en patch transdermique de 1 mg, appliqué derrière l’oreille sur la mastoïde au moins 4 heures avant le voyage et renouvelé si besoin après 72 heures ; elle est contre-indiquée avant 15 ans et déconseillée pendant la grossesse ou l’allaitement.

 

  • La prévention du mal des montagnes repose sur une ascension progressive et une adaptation à l’altitude de quelques jours, au repos.

Un traitement préventif par l’acétazolamide est possible, en l’absence de contre-indication aux sulfamides (allergie croisée dans 10 % des cas). Il est à commencer 2 jours avant l’arrivée en haute altitude et à poursuivre pendant 2 jours après avoir atteint le point culminant, si la descente n’est pas effectuée rapidement : 2 prises quotidiennes de 125 mg (250 mg au-delà de 80 kg) le matin et en début d’après-midi (chez l’enfant : 2,5 à 5 mg/kg/j en 2 prises, max. 125 mg/prise).

En cas de CI, il est possible de prescrire de la dexaméthasone (4 mg 2 fois/j). Une bonne hydratation facilite l’adaptation à l’altitude.

Encadre

Encadré 1. Répulsifs disponibles pour la protection contre les piqûres d’arthropodes.

Parmi les nombreux produits répulsifs actuellement en vente, les substances actives recommandées sont :

– le DEET (N,N-diéthyl-m-toluamide) 30-50 % ; pour les enfants : 10 % entre 1 et 2 ans, 30 % à partir de 2 ans ;

– l’IR3535 (N-acétyl-N-butyl-β-alaninate d’éthyle) 20-35 % ; enfants : 10 à 20 %

à partir de 6 mois ;

– l’icaridine ou picaridine ou KBR3023 5carboxylate de sec-butyl 2-[2-hydroxyéthyl] pipéridine-1) 20-25 % ; enfants : 10 % à partir de 24 mois ;

– l’huile d’Eucalyptus citriodora, hydratée, cyclisée (produit naturel, le dérive de synthèse étant le PMD ou para-menthane-3,8 diol) 10-30 % ; enfants : pas avant 3 ans.

Attention : tous ces produits répulsifs sont contre-indiqués avant l’âge de 6 mois.

Encadre

Encadré 2. Quand prescrire une chimioprophylaxie antipaludique (CPAP) ?

L’évaluation individuelle du risque de paludisme et de la pertinence d’une CPAP repose sur une analyse détaillée des caractéristiques du voyage (zones visitées, conditions d’habitat, type d’activités, durée et saison du séjour, etc.) et du profil du voyageur (âge, grossesse, comorbidités, interactions médicamenteuses…).

En pratique, les séjours sont classés en deux profils :

– « conventionnel » : courte durée (< 1 mois), majoritairement en zone urbaine ou sur des sites touristiques classiques ;

– « non conventionnel » (routards, militaires, séjour improvisé…) : durée > 1 mois, nombre élevé de nuitées en zone rurale, hébergements précaires, périple pendant la saison des pluies ou dans une région de forte transmission palustre.

Dans tous les cas, le praticien doit identifier, à partir des caractéristiques du voyage, un niveau de risque et le confronter au profil du voyageur, au risque d’effets indésirables graves des antipaludiques et au choix du patient :

  • en cas de risque élevé de transmission (ex : Afrique subsaharienne, Papouasie… [v. liste exhaustive de la situation de transmission du paludisme selon les pays, pp. 48-61 du BEH]), la CPAP est toujours nécessaire ;
  • si le risque d’effets secondaires graves est plus important que le risque de transmission du paludisme (dans la plupart des régions touristiques d’Asie et d’Amérique du Sud) en cas de séjours conventionnels, il est légitime de ne pas prescrire de CPAP ;
  • certains voyageurs doivent toujours être considérés à risque de paludisme grave : femmes enceintes, nourrissons et enfants de moins de 6 ans, personnes âgées, personnes infectées par le VIH, sujets aspléniques ;
  • dans les situations complexes, se référer aux centres de conseils aux voyageurs et de vaccination internationaux : https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/tableau_cvfj_janvier_2019.pdf

Les schémas prophylactiques et contre-indications sont listés dans le tableau.

D’après

Santé publique France. Recommandations sanitaires pour les voyageurs en 2022 (à l’attention des professionnels de santé). BEH Hors-série 2 juin 2022.

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