Leptospirose : déclaration obligatoire
Un nouveau chapitre a été ajouté cette année, concernant la leptospirose. Cette zoonose est en cours de réinscription sur la liste des maladies à déclaration obligatoire en 2023.
Due à la transmission de bactéries de genre Leptospira, elle est particulièrement fréquente dans les pays en zone tropicale lors d’activités en eau douce (baignade, canoë, kayak, pêche, chasse, canyoning...), d’activités agricoles (pisciculture) et en ville par contact direct avec de l’urine de rat infectée. Elle est en recrudescence dans les départements et territoires ultramarins français (Martinique, Guadeloupe, Guyane, Polynésie française, Mayotte, Île de La Réunion, Nouvelle Calédonie), où une augmentation de plus de 25 % a été constatée en 2021 (plus de 1 000 cas) par rapport aux années 2019 et 2020 ; l’incidence est de 15 fois (Guyane) à 78 fois (Nouvelle-Calédonie) plus élevée qu’en métropole.
Le voyageur, dont la durée de séjour est par définition limitée, s’il a une activité de loisirs peu intense en eau douce, est de fait peu exposé. La vaccination n’est donc pas recommandée dans ces circonstances de manière systématique. Elle peut être proposée chez l’adulte (AMM à partir de 18 ans), dans le cadre d’une expatriation, et au cas par cas en fonction de la zone géographique (région du Pacifique, Antilles et Amériques, où le sérovar Icterohaemorrhagiae circule), pendant la saison des pluies ou de phénomènes climatiques, selon l’activité à risque et en l’absence de mesures de protection. En particulier :
- En cas de pratique régulière et durable d’activités de loisir en eau douce à risque d’exposition (baignade, plongée, pêche, rafting, autres sports de nature avec des contacts fréquents avec un environnement humide), activités agricoles en eau douce chez les personnes exposées spécifiquement au risque de contact fréquent avec des lieux infestés par des rongeurs.
- Chez les professionnels à risque (v. calendrier vaccinal 2023)
Le seul vaccin disponible en France (Spirolept, vaccin inactivé à germe entier) protège uniquement contre L. interrogans, sérovar Icterohaemorrhagiae (responsable des formes les plus graves). Cela restreint les indications de la vaccination aux régions dans lesquelles ce sérovar est prédominant – soit, en France, la plupart des régions à l’exception de Mayotte. Schéma vaccinal : 2 doses à 15 j d’intervalle, par injection SC préférentielle, en primovaccination (18 ans et plus) ; rappel 4 à 6 mois après, puis tous les 2 ans si l’exposition persiste. Non recommandé au cours de la grossesse et de l’allaitement.
Paludisme : focus sur les voyageurs retournant au pays
Cette année, les recos attirent pour la 1re fois l’attention sur les voyageurs retournant au pays (VFR pour « visiting friends and relatives »), résidant en France et voyageant pour rendre visite à leurs proches en zone d’endémie (Afrique subsaharienne notamment). Ils représentaient 88,5 % des cas de paludisme d’importation diagnostiqués en France en 2021. Parmi les VFR, le coût des mesures de prévention est souvent un frein important à leur application. Il est ainsi recommandé d’intégrer la question financière au cours de la consultation et d’être attentif au prix de la trousse du voyageur prescrite : le cas échéant, prioriser la CPAP par rapport aux autres mesures de prévention. Pour ces raisons, les experts du groupe de travail ont aussi invité les décideurs à rembourser ce traitement.
Pour rappel, la prévention du paludisme repose en premier lieu sur la protection personnelle antivectorielle, qui peut suffire dans les situations à faible risque (PPAV, v. ci-après ; les répulsifs cutanés recommandés sont listés dans l’encadré 1). Elle prévient aussi d’autres arboviroses.
Dans des situations à risque modéré à élevé, la chimioprophylaxie antipaludique (CPAP) est à associer. Elle doit être adaptée individuellement au voyageur selon le type de séjour et ses conditions de déroulement, les données épidémiologiques et le rapport bénéfices-risques (v. encadré 2). La CPAP vise essentiellement à prévenir le paludisme à P. falciparum (Afrique subsaharienne surtout ; forêts et zones humides d’Amérique et d’Asie plus rarement), en raison de sa fréquence et de sa gravité potentielle : 88,8 % des cas diagnostiqués en France en 2021, et la majorité des formes graves.
En outre, depuis 2022 :
- l’imprégnation des vêtements par des insecticides n’est plus recommandée en population générale, même pour une utilisation brève en situation d’exposition forte. En effet, les insecticides du groupe des pyréthrinoïdes (dont perméthrine) – sprays insecticides ou tenues préimprégnées – ont un rapport bénéfices-risques défavorable (excepté dans des cas exceptionnels en l’absence d’alternatives) ;
- la chloroquine n’est plus recommandée pour la CPAP (réévaluation de sa balance bénéfices-risques, jugée défavorable) ;
- pour un séjour < 7 jours (durée minimum d’incubation du paludisme à P. falciparum) et uniquement en zone de transmission faible ou modérée et en contexte de séjour exposant à un faible niveau de transmission, la CPAP n’est pas indispensable, à condition de respecter scrupuleusement les règles de PPAV.
Les moyens de PPAV toujours recommandés sont :
- Moustiquaire, si possible imprégnée d’insecticide (pour lit, berceau ou poussette, Anopheles étant un moustique d’activité nocturne) ; moustiquaires grillagées aux fenêtres et aux portes.
- Répulsifs cutanés sur les parties du corps non couvertes (v. encadré 1), en complément du port de vêtements amples, couvrants et légers. Avant le couchage, il est conseillé de laver la peau (si couchage sous moustiquaire).
- Des mesures d’appoint telles que : diffuseur électrique d’insecticide (à l’intérieur), raquettes électriques, pulvérisation intradomiciliaire de « bombes » insecticides, climatisation et ventilation, serpentin fumigène (extérieur).
Pour la CPAP, les molécules qui restent recommandées et leurs schémas posologiques sont listés dans le tableau 9, p. 63 des recommandations voyageurs (elles ne sont pas remboursées). En bref : l’association atovaquone-proguanil et la doxycycline sont préconisées en 1re intention (efficacité élevée et comparable), le choix dépendant en pratique de la tolérance, de la préférence et des ressources financières des voyageurs ; la méfloquine n’est envisagée qu’en dernière intention chez l’adulte (effets indésirables graves potentiels).
Il est enfin rappelé l’importance d’évoquer systématiquement un paludisme en cas de fièvre survenant dans les 3 mois suivant le retour de zone endémique.
Diarrhée du voyageur : actualisation de l’antibiothérapie curative présomptive
La diarrhée est fréquente chez les voyageurs : son taux d’attaque peut dépasser 40 % pour un séjour de 3 semaines. Si elle est le plus souvent bénigne – « tourista » –, des formes cliniques plus graves requièrent une prise en charge médicale.
Elle est souvent associée à l’acquisition d’un portage digestif de bactéries multirésistantes (BMR) (E. coli BLSE) – 72 % pour un séjour en Asie –, notamment si l’épisode a fait l’objet d’une antibiothérapie. Ainsi, une antibiothérapie probabiliste n’est recommandée qu’en l’absence de possibilité de consultation rapide, dans les situations suivantes :
- diarrhée sévère (tout syndrome dysentérique étant considéré comme tel) ;
- terrain à haut risque de décompensation (personnes âgées) ou à risque de bactériémie (immunodépression sévère, drépanocytose…).
Lorsqu’elle est indiquée, l’azithromycine est le traitement de 1re intention, en particulier dans les syndromes dysentériques et les diarrhées graves non dysentériques au cours ou au décours d’un séjour en Asie, compte tenu de la prévalence de la résistance des salmonelles et de Campylobacter spp aux fluoroquinolones dans le monde et surtout en Asie. La ciprofloxacine peut être prescrite : en cas de diarrhée grave non dysentérique, sauf en cas de séjour en Asie ; en cas de syndrome dysentérique en alternative à l’azithromycine (contre-indication, intolérance, indisponibilité) [v. tableau].
Icthyosarcotoxisme (ciguatera)
La ciguatera est une intoxination alimentaire liée à la consommation de poissons de récifs contaminés par une neurotoxine (ciguatoxine). Les ciguatoxines sont produites par une microalgue (Gambierdiscus toxicus) qui prolifère sur des substrats coralliens dégradés, elles sont ingérées par les poissons herbivores qui broutent ces algues, puis se retrouvent dans l’organisme de leurs prédateurs, les poissons carnivores (barracuda ou bécune, carangue, sarde ou pagre, mérou…). Il est impossible d’identifier un poisson toxique à sa couleur, son odeur ou son goût. La congélation, la cuisson ou le mode de préparation n’éliminent pas les ciguatoxines ; ces dernières altèrent l'équilibre des neurones et entraînent des complications digestives et cardiaques.
La ciguatera sévit en toutes saisons dans les régions insulaires intertropicales (Océanie, Polynésie, océan Indien, Caraïbes) mais des cas sont désormais signalés en zones tempérées (îles Canaries, Madère…).
Pour la prévenir : éviter de consommer des poissons prédateurs ; se renseigner auprès des pêcheurs/poissonniers/restaurateurs locaux sur l’origine des poissons que l’on n’a pas l’habitude de consommer ; ne pas manger les viscères, le foie, la tête des poissons dans les zones à risque.
Le diagnostic est clinique et la prise en charge symptomatique (perfusion intraveineuse de Mannitol dans les cas les plus sévères).
Autres changements
Prévention du « jet lag »
L’efficacité et la tolérance de la mélatonine ont été évaluées chez l’adulte dans plusieurs essais randomisés bien conduits.
Prise à une heure proche de l’heure cible du coucher à destination (22 h à minuit), elle réduit les symptômes induits par le décalage horaire. Des doses quotidiennes comprises entre 0,5 et 5 mg ont une efficacité similaire, mais l’endormissement est plus rapide et la qualité de sommeil meilleure après une dose de 5 mg. Le bénéfice semble plus important si le décalage horaire est de plus de 5 h et pour les déplacements vers l’est.
Peu d’effets secondaires sont rapportés. Des précautions d’emploi existent pour les patients épileptiques, et plusieurs interactions médicamenteuses sont à prendre en compte (warfarine par exemple).
Pollution
L’OMS a alerté sur les risques sanitaires liés aux niveaux élevés de pollution de l’air dans certaines grandes métropoles, notamment d’Asie (Chine, Pakistan, Inde, etc.) ou d’Amérique centrale ou du Sud, ainsi que dans certaines villes d’Afrique.
Plusieurs indices sont associés à des recos spécifiques pour réduire les expositions et les risques sanitaires. Il est donc conseillé aux voyageurs de se renseigner sur les niveaux de pollution en fonction de la saison et de la localité, à partir des sites Internet des pays considérés et des consulats français, ou de consulter la page de l’OMS sur la qualité de l’air. Pour l’Europe, le service Copernicus pour la surveillance de l’atmosphère (CAMS) fournit des prévisions et des cartes sur la qualité de l’air et des prévisions des concentrations de pollen (https ://atmosphere.copernicus.eu).
Vaccinations : des évolutions selon les pays
Fièvre jaune :
- le Djibouti, les Philippines et le Qatar sont les nouveaux pays pour lesquels il existe une recommandation vaccinale antiamarile ;
- nouveaux pays pour lesquels il n’y a pas de recommandation vaccinale : Bélize, Irak, Géorgie du Sud-et-les Îles Sandwich du Sud, Jordanie, Kosovo, Uruguay.
Tuberculose : le Koweït, la Turquie et la Roumanie ont été ajoutés à la liste des zones à forte incidence tuberculeuse.
Le tableau complet des obligations vaccinales selon les pays peut être retrouvé p. 121 - 128 des recommandations voyageurs.
1. Répulsifs disponibles pour la protection contre les piqûres d’arthropodes
Parmi les nombreux produits répulsifs actuellement en vente, les substances actives recommandées sont :
– le DEET (N,N-diéthyl-m-toluamide) 30 - 50 % ; pour les enfants : 10 % entre 1 et 2 ans, 30 % à partir de 2 ans ; femmes enceintes : ≤ 30 % (uniquement en zone à risque élevé) ;
– l’IR3535 (N-acétyl-N-butyl-β-alaninate d’éthyle) 20 - 35 % ; enfants : 10 à 20 % entre 6 mois et 2 ans 35 % à partir de 2 ans ; femmes enceintes : ≤ 20 %
– l’icaridine ou picaridine ou KBR3023 (carboxylate de sec-butyl 2 -[2 -hydroxyéthyl] pipéridine- 1) 20 - 25 % ; enfants : 10 % à 25 % à partir de 24 mois ; femmes enceintes : ≤ 20 % ;
– l’huile d’Eucalyptus citriodora , hydratée, cyclisée (produit naturel dont le dérivé de synthèse est le PMD ou para-menthane- 3,8 diol ; à ne pas confondre avec l’huile essentielle d’Eucalyptus) 10 - 30 %. Enfants : pas avant 3 ans. Femmes enceintes : ≤ 10 %.
Attention : tous ces produits répulsifs sont contre-indiqués avant l’âge de 6 mois.
2. Quand prescrire une chimioprophylaxie antipaludique (CPAP) ?
L’évaluation individuelle du risque de paludisme et de la pertinence d’une CPAP repose sur une analyse détaillée des caractéristiques du voyage (zones visitées, conditions d’habitat, type d’activités, durée et saison du séjour, etc.) et du profil du voyageur (âge, grossesse, comorbidités, interactions médicamenteuses…).
En pratique, les séjours sont classés en deux profils :
– « conventionnel » : courte durée (< 1 mois), majoritairement en zone urbaine ou sur des sites touristiques classiques ;
– « non conventionnel » (routards, militaires, séjour improvisé, VFR, humanitaire, chercheurs…) : durée > 1 mois, nombre élevé de nuitées en zone rurale, hébergements précaires, périple pendant la saison des pluies ou dans une région de forte transmission palustre.
Dans tous les cas, le praticien doit identifier, à partir des caractéristiques du voyage, un niveau de risque et le confronter au profil du voyageur, au risque d’effets indésirables graves des antipaludiques et au choix du patient :
- en cas de risque élevé de transmission (ex : Afrique subsaharienne, Papouasie… [v. liste exhaustive de la situation de transmission du paludisme selon les pays, p. 130 - 152 des recommandations voyageurs]), la CPAP est toujours nécessaire ;
- si le risque d’effets secondaires graves est plus important que le risque de transmission du paludisme (dans la plupart des régions touristiques d’Asie et d’Amérique du Sud) en cas de séjours conventionnels, il est légitime de ne pas prescrire de CPAP ;
- certains voyageurs doivent toujours être considérés à risque de paludisme grave : femmes enceintes, nourrissons et enfants de moins de 6 ans, personnes âgées, personnes infectées par le VIH, sujets aspléniques ;
- dans les situations complexes, se référer aux centres de conseils aux voyageurs et de vaccination internationaux.
Les schémas prophylactiques et contre-indications sont listés dans le tableau 9, p. 63 des recommandations voyageurs.